Campagne électorale sur fond de tension : Le calvaire des candidats
L’image renvoyée depuis le début de la campagne électorale est en noir et blanc. Il s’agit d’un concentré de pratiques révolues dans le domaine de la communication politique.
Slogans galvaudés, affiches mal conçues et mises en scène de mauvais goût… les candidats à la présidentielle contestée du 12 décembre prochain ont fait preuve d’un amateurisme sans précédent en matière de communication. Ce domaine semble complètement négligé. Une semaine après le début de la campagne électorale, aucun des prétendants à la magistrature suprême ne se distingue sur ce plan.
Rien à voir, sur tous les plans. L’image renvoyée depuis le début de cette course électorale est en noir et blanc. Il s’agit d’un concentré de pratiques révolues dans le domaine de la communication politique. Candidats par défaut pour la majorité d’entre eux, ils semblent résignés à jouer seulement un jeu où tout est faussé d’avance. Tel est le décor terne de la campagne.
Les «investissements» dans la communication ne sont visiblement pas importants. Les équipes de campagne ne se sont pas trop cassé la tête. A commencer par les slogans de campagne. Dans ce domaine, il n’y a point d’innovation.
Les directions de campagne des cinq candidats se sont contenté de formules vagues, galvaudées et très peu accrocheuses : «Engagés pour le changement et nous pouvons le réaliser» pour Abdelmadjid Tebboune, «Ensemble, nous construirons la nouvelle Algérie», estime Abdelkader Bengrina, «Je m’engage», précise Azzedine Mihoubi, «L’Algérie est notre patrie, son progrès est notre serment», soutient Ali Benflis et «Le peuple décide», se contente de dire Abdelaziz Belaïd.
Le choix des affiches, des couleurs et des portraits des candidats laisse aussi à désirer. Une catastrophe, pour les spécialistes en sémiologie. Pourtant, certains candidats ont de l’expérience et ont fait beaucoup mieux lors des précédentes élections auxquelles ils ont pris part. Pourquoi ont-ils choisi, cette fois-ci, de bâcler ?
«A vrai dire, les candidats se sont mis d’emblée dans une situation indéfendable vis-à-vis de l’opinion publique. Il est alors normal que chacun d’entre eux cherche à être le moins mauvais, c’est l’enjeu de cette campagne. Mais avant de parler d’efforts à faire en matière de communication, il faut parler de compétences qu’ils n’ont pas, car leur école est celle du régime.
De ce fait, ils leur est impossible de se détacher de la culture du Carnaval fi dachra», explique Mohamed Cherif Amokrane, stratège en communication et auteur de plusieurs livres, dont La communication démystifiée pour le manager algérien, publié en 2019. Selon lui, la création attendue en ce genre d’occasion dépend du contenu.
«La création ne peut avoir de sens que s’il y a une substance. Or, ils (les candidats, ndlr) n’ont rien à dire au peuple. Ils défendent plus la tenue de la présidentielle que leurs programmes. La continuité du régime est assurée sur tous les plans, même en ce qui concerne les pratiques de communication», explique-t-il.
Les réseaux sociaux et l’audiovisuel ignorés
Sur le plan de l’exploitation des nouvelles technologies, les candidats et leurs staffs respectifs sont aussi hors du temps. Leur présence sur le Net et sur les réseaux sociaux est très limitée. On se contente de la diffusion, parfois en direct, des meetings animés ici et là. En général, les pages des candidats et les sites internet, très peu nombreux, sont figés, comme cette campagne qui peine à démarrer.
«Les candidats sous-estiment l’effet boomerang causé par les réseaux sociaux. Ils continuent à communiquer comme si la bataille de l’opinion publique pouvait se gagner à travers les médias classiques. C’est pour ça qu’ils se permettent des mises en scène que les jeunes tournent en dérision sur les réseaux», souligne Mohamed Amokrane Cherif.
En effet, les gestes maladroits des candidats font plus de buzz sur les réseaux sociaux que leurs déclarations. Les larmes versées, on ne sait pour quelle raison, la prière sur les trottoirs, les tournées dans les zaouïas et les mausolées et autres mises en scène ont eu l’effet destructeur pour l’image, déjà peu reluisante, des candidats qui continuent de faire fuir même les électeurs potentiels qui étaient jusque-là convaincus par cette élection.
Cela confirme que les candidats au prochain scrutin présidentiel sont carrément à la peine. Faibles en communication, ils rament aussi péniblement sur le terrain miné de la campagne.
Le manque d’inspiration ne concerne pas uniquement les candidats. Le pouvoir, organisateur de cette joute, fait aussi feu de tout bois. Ainsi, pour tenter de vendre cette élection, il n’a pas trouvé mieux que de détourner une photo du hirak. Prise de manière à cacher toutes les transcriptions sur les pancartes des manifestants qui rejette ce scrutin, cette image est utilisée dans l’affiche officielle portant le slogan de : «Je choisis l’Algérie, je vote !»
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