ELWATAN-ALHABIB
dimanche 10 mai 2020
 

La FINUL servant les intérêts

 

d’Israël, le Hezbollah restera


 comme force de dissuasion













par Elijah J. Magnier.


Chaque année, à l’approche du renouvellement du mandat de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), des voix s’élèvent en Israël et dans l’administration américaine en faveur de l’élargissement du mandat et des fonctions de la FINUL pour mieux servir les objectifs d’Israël. L’administration américaine et Israël unissent leurs efforts pour obtenir par d’autres moyens ce qu’ils ne peuvent accomplir par un affrontement militaire. L’objectif est toujours de paralyser le Hezbollah et de limiter ses capacités sociales et militaires. Tant que cet objectif ne sera pas atteint, le mandat de la FINUL sera renouvelé annuellement jusqu’au moment où Israël n’aura plus besoin de ces « forces de maintien de la paix » au Liban.
Des sources au sein de l’Axe de la Résistance estiment que « la présence de la FINUL dans le sud du Liban se maintiendra tant qu’elle servira les intérêts et les objectifs d’Israël. Par ailleurs, sa présence ou son absence ne fait aucune différence au Liban, en particulier pour les habitants du sud du pays. Les officiers de la FINUL observent comment les choses évoluent et rapportent ce qu’ils voient sans intervenir ni mettre fin aux violations quotidiennes du territoire libanais par Israël, que ce soit par terre, mer et air. Quand Israël ouvre la frontière et que ses soldats la franchissent en violant la souveraineté du Liban, les forces de la FINUL ne sont appelées que lorsque des officiers de l’armée libanaise prennent des positions de combat face aux intrus. Quand Israël déclare la guerre au Liban, la FINUL compte les chars qui avancent et son quartier général reçoit des instructions de l’armée israélienne quant aux endroits où sa présence est admise ou non. L’armée israélienne a même bombardé des positions de la FINUL, sous le regard attentif mais impuissant du Conseil de sécurité des Nations unies, car Israël bénéficie du soutien sans réserve des USA ».
En 1996, Israël a bombardé la base de la FINUL à Cana, dans le sud du Liban, tuant ainsi 106 civils et en blessant 116 autres ainsi que 4 officiers de la FINUL. Des civils libanais – personnes âgées, femmes et des enfants – croyaient qu’ils étaient en lieu sûr et que les Casques bleus les protégeraient des bombardements israéliens. Ils n’ont pas réalisé jusqu’à quel point Israël a peu d’estime pour l’ONU et les civils, puisqu’il bénéficie de la protection des USA au Conseil de sécurité de l’ONU. En 2006, Israël a bombardé le même village, tuant 54 civils dont 37 enfants. La réaction du Conseil de sécurité des Nations unies a été timide, se limitant à une demande de cessation des hostilités et à une condamnation verbale d’Israël. Aucune mesure n’a été prise contre ce qui est universellement reconnu comme un crime de guerre.


« Israël veut que la FINUL garde un œil sur le Hezbollah, ses mouvements, ses entrepôts d’armes et la présence de ses dirigeants. Au sein des forces de la FINUL, les pays participants ont des liens étroits avec les services du renseignement israéliens. Les officiers israéliens invitent aussi les officiers de la FINUL à passer le week-end de l’autre côté de la frontière. La collaboration entre l’Occident et le Moyen-Orient d’une part et Israël d’autre part est un fait avéré. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles Israël encourage la FINUL à rester », a indiqué la source.
Le réserviste et général de brigade israélien Assaf Orion a écrit que le Hezbollah « a connu une croissance militaire impressionnante en dépit de deux obstacles : une participation importante dans les conflits régionaux, en particulier dans la guerre syrienne, et le mandat de la FINUL ». L’arsenal actuel du Hezbollah est estimé à 130 000 roquettes et missiles dont la portée et la taille des ogives varient, auxquels s’ajoutent des drones de combat, des missiles sol-mer et des missiles sol-air. Cette puissance de feu massive dépasse celle de la plupart des États-nations.
C’est précisément la raison pour laquelle Israël cherche un moyen de contrer la capacité du Hezbollah et à le vaincre, afin d’ouvrir un passage sûr pour que ses forces envahissent le Liban et occupent une partie de son territoire terrestre ou maritime.
« La part du budget du Hezbollah consacrée à ses membres et aux institutions civiles qui soutiennent la population est le double du budget annuel de la FINUL. Il est donc ridicule de prétendre que le montant que la FINUL dépense au Liban est la raison derrière « l’acceptation » de sa présence. La présence ou l’absence de la FINUL n’a rien à voir avec l’activité du Hezbollah. La présence de la FINUL est principalement liée à l’avantage qu’en retire Israël et non pas à l’Axe de la Résistance et à sa lutte contre l’occupation israélienne. Quoi qu’il en soit, quand Israël déclare la guerre au Liban, la présence de la FINUL n’est pas prise en considération. Par conséquent, ces forces ne sont pas présentes pour protéger le pays. Cependant, Israël croit pouvoir tordre le bras au gouvernement libanais pour changer les règles d’engagement et cerner le Hezbollah, en raison des difficultés financières que connaît le Liban. Mais cela ne se produira pas parce que le Hezbollah fait partie intégrante de la société libanaise et de ses institutions. Il est présent au parlement, au cabinet et dans les forces de sécurité. Par conséquent, toute tentative de cibler, d’isoler ou d’éliminer le Hezbollah est vouée à l’échec. »


Israël est bien conscient de la capacité militaire du Hezbollah, plus particulièrement de ses missiles de précision à ogives destructrices. Ainsi, la possibilité de déclencher une guerre – même si les dirigeants du Hezbollah n’excluent jamais cette possibilité – est nulle, tant que le Hezbollah maintient son arsenal à jour. C’est pourquoi Israël doit trouver d’autres façons de nuire à l’approvisionnement en armes modernes du Hezbollah. Quand Israël et les USA ne parviennent pas à atteindre cet objectif eux-mêmes, ils se tournent vers d’autres pays et amis pour contrer le Hezbollah en sanctionnant la société d’où il est issu et qui le protège. Cette société représente au moins le tiers du Liban, à laquelle s’ajoutent d’autres groupes religieux qui soutiennent les objectifs du Hezbollah et protègent le Liban lorsque le gouvernement n’y parvient pas.
La tentative en cours visant à modifier le mandat et les objectifs des forces de l’ONU au Liban n’est pas nouvelle. Des heurts se sont produits à plusieurs reprises entre la population du sud du Liban et les forces de la FINUL lorsque celles-ci ont essayé de vérifier ce que contenaient des maisons dans plusieurs villages, les forçant à abandonner leur mission et à partir. Ces tentatives n’ont pas réussi à bloquer le Hezbollah ni à changer la nature de la présence de la FINUL. Une autre tentative de bloquer tous les passages illégaux de la frontière entre le Liban et la Syrie a été sabotée par les USA eux-mêmes. En mars dernier, un avion américain a atterri à l’ambassade des USA à Beyrouth, puis sans coordination avec les responsables libanais, a fait sortir illégalement du pays un citoyen libanais, Amer al-Fakhoury, accusé d’être un collaborateur d’Israël. Les USA ont alors révélé à quel point ils se soucient peu de la souveraineté libanaise et comment, en plein jour, ils peuvent faire sortir clandestinement des personnes du Liban sans aucune considération pour le pays d’accueil.
Cependant, même la sortie illégale flagrante d’al-Fakhoury du Liban par les USA ne peut se comparer aux passages que le Hezbollah a établis entre la Syrie et le Liban pour faire entrer ses armes les plus modernes. Le gouvernement libanais a reconnu le rôle du Hezbollah pour la défense du pays dans son plan ministériel et dans le document présenté et approuvé par le parlement. Étant donné la pression des USA qui l’empêche de disposer de missiles adéquats pour mettre fin à la violation continuelle de sa souveraineté par Israël, le Liban s’appuie sur la capacité militaire du Hezbollah pour imposer ses règles d’engagement à Israël et ainsi l’empêcher d’occuper le Liban.
Le Hezbollah confirme de manière progressive sa capacité à livrer des messages forts à Israël chaque fois que ce dernier tente de modifier les règles de dissuasion. Ces derniers mois, Israël a accepté de se faire humilier sans répondre aux représailles du Hezbollah. D’où la volonté qu’a Tel-Aviv de trouver d’autres moyens d’aller de l’avant et de faire le travail qu’il n’a pas réussi à accomplir. Toutes les tentatives précédentes de réduire le savoir-faire du Hezbollah ont été inefficaces et rien n’indique que de nouveaux efforts y parviendront. Pour arrêter le Hezbollah, Israël doit abandonner les territoires occupés et ses objectifs expansionnistes. Malheureusement, c’est une politique qu’aucun dirigeant israélien n’osera envisager, car s’accrocher aux territoires occupés et vivre en état de guerre permanente fait partie intégrante de l’idéologie israélienne. C’est justement sur cette politique à idée fixe que reposent la politique de dissuasion du Hezbollah et la nécessité de son omniprésence.
traduction Daniel G.
 
jeudi 6 février 2020
 

En quête du « gène juif »










par Sylvain Cypel.
« L’État d’Israël contre les juifs », de Sylvain Cypel · Sylvain Cypel publie le 6 février L’État d’Israël contre les Juifs, un livre qui étudie l’évolution de la société israélienne depuis deux décennies. Nous en présentons des bonnes feuilles tirées du chapitre 4, portant sur « la quête du gène juif ». Lorsque le livre a été rédigé, la Cour suprême israélienne n’avait pas encore validé, comme elle l’a fait le 24 janvier dernier, le droit du grand rabbinat de recourir à la génétique pour prouver la judaïté d’une personne, ce que contestaient le parti Israël notre maison (extrême droite laïque) et des organismes laïques.
Sylvain Cypel signera son livre au salon du livre du Maghreb et du Moyen-Orient, au stand d’Orient XXI, le dimanche 9 février entre 14 h et 16 h.
Derrière cette poussée d’adhésion aux thèses suprémacistes blanches, qui restent limitées en Israël aux cercles coloniaux les plus activistes, se profile un phénomène qui, lui, y est en forte expansion : l’idée de la préservation de la pureté raciale. Cette idée-là est évidemment connectée au désir profond de l’entre-soi, conçu comme un véritable idéal de vie. Le 9 février 2016, Netanyahou annonçait ainsi un « plan pluriannuel pour entourer Israël de clôtures sécuritaires ». Sachant que cette idée recevrait un accueil très favorable de l’opinion, il poursuivait : « En fin de compte, l’État d’Israël tel que je le vois sera entièrement clôturé. On va me dire : est-ce donc ce que vous voulez, protéger la villa ? La réponse est oui. Va-t-on entourer tout l’État d’Israël de barrières et de clôtures ? La réponse est oui. Dans l’environnement où nous vivons, nous devons nous défendre face à des bêtes sauvages[1]. » La métaphore de la « villa dans la jungle », d’un Israël seul État civilisé entouré d’animaux sauvages, avait déjà été émise, après l’échec des négociations de paix de Camp David à l’été 2000, par le premier ministre travailliste d’alors, Ehud Barak.
Épouser une Norvégienne ?
Cette conception est à la source du repli sur soi exclusif de la présence des autres. Elle peut déboucher sur des propensions racialistes puisées à d’autres motifs que le seul besoin de sécurité, et qui sont, la plupart du temps, d’inspiration religieuse et plus encore dérivées de l’intrication entre le mysticisme et le nationalisme. Dans la religion juive telle qu’elle est pratiquée en Israël, où un rabbinat très traditionaliste s’est vu octroyer par les pouvoirs publics la gestion de toute la vie familiale (naissance, mariage, divorce, décès, etc.) et où le mariage civil est légalement inconnu, les « mariages mixtes », c’est-à-dire les unions entre Juifs et non-Juifs, sont impossibles.
Ce rejet, initialement d’ordre théologique, se double souvent d’expressions de racisme plus ou moins prononcées. Ainsi, lorsqu’en janvier 2014 est rendue publique la relation qu’entretient Yaïr Netanyahou, fils du premier ministre, avec Sandra Leikanger, une étudiante norvégienne, la révélation suscite immédiatement les réactions outrées des adeptes de la pureté juive. « Tout Juif qui voudrait préserver ses racines veut voir son fils épouser une Juive. En tant que premier ministre d’Israël et du peuple juif, [Benjamin Netanyahou] doit faire preuve de responsabilité nationale en défendant les valeurs qu’il représente dans sa propre maison[2] », déclare au Jerusalem Post Nissim Ze’ev, député du parti ultra-orthodoxe Shas. Au sein même du Likoud, cette relation pose problème. Beaucoup rappellent que si, à Dieu ne plaise, le fils du premier ministre avait des enfants avec cette Norvégienne, ceux-ci ne seraient pas juifs, la judaïté se transmettant par la mère, du moins pour ceux, malheureusement nombreux, qui croient en ces sornettes biologico-culturelles. Ce serait une trahison de la race, le drame ultime. Qu’aurait-on dit de la Norvège si ses autorités chrétiennes et ses élus s’offusquaient des amours du fils d’un premier ministre avec une étudiante juive ? Qu’ils sont racistes, non ?
En tout cas, ne pas épouser un Arabe
Évidemment, l’affaire se corse lorsqu’un Juif ou une Juive entend épouser un conjoint arabe. L’arabité concourt en Israël à aggraver grandement la trahison de la race. Lorsqu’en 2018 l’acteur et chanteur israélien Tsahi Halevi annonce, après quatre ans de vie commune, qu’il va célébrer son « mariage » fictif (car interdit selon la loi) avec la journaliste et présentatrice de télévision Lucy Aharish, une Palestinienne d’Israël musulmane, le tollé est beaucoup plus important. Le ministre de l’intérieur de l’époque, Aryé Dery, se fend d’une mise en garde. À la radio militaire, il déclare : « Ce mariage n’est pas une bonne chose. Vos enfants auront des problèmes quant à leur statut », puis il suggère à la demoiselle de se convertir au judaïsme. Oren Hazan, député du Likoud, appelle à la non-reconnaissance par l’État des unions entre membres de communautés différentes. « Lucy, rien de personnel. Mais vous devriez savoir que Tsahi est mon frère, le peuple juif, ce sont mes frères. À bas l’assimilation ! » tweete-t-il, avant d’accuser Halevi de « s’islamiser ».
D’autres, comme le député laïc Yaïr Lapid ou le ministre religieux Naftali Bennett, exprimeront aussi leur rejet de cette union. Député palestinien de la Knesset, Salman Masalha dénoncera le « racisme » que véhiculent ces commentaires et l’écœurement qu’ils suscitent chez lui. Il rappellera à tous ces défenseurs de la pureté juive que, dans les pays musulmans, interdiction totale est faite aux femmes d’épouser un non-musulman, et que si l’autorisation est donnée aux mâles la chose est de facto prohibée. « Les Dery, Lapid et Bennett, conclura-t-il, ne sont pas différents » de leurs équivalents en pays musulmans[3].
Reste que la préservation de la pureté juive n’est pas une affaire sans conséquence. La manifestation la plus inouïe de cette idéologie, dans l’État d’Israël tel qu’il est devenu, est l’émergence d’une école scientifique qui entend faire de la « génétique juive » l’alpha et l’oméga de la justification du sionisme, c’est-à-dire du « droit historique » des Juifs à revenir sur leur terre ancestrale et du caractère unique de cette nation — unique devant être entendu dans le sens d’exceptionnel, d’élu. Le 13 janvier 2014 s’est tenu à Tel-Aviv un colloque académique sur le thème « Juifs et race : génétique, histoire et culture ». Les universitaires ont beaucoup débattu, certains accréditant l’existence d’une « race » juive, d’autres s’y montrant radicalement hostiles. Mais le seul intitulé des conférences laisse un gros sentiment de malaise : « Les races ont-elles une histoire ? », « Race juive ou races juives ? », « La génétique peut-elle décider qui est juif ? », etc.
« La judaïté peut être identifiée par l’analyse génétique »
On reste un peu interloqué. Bien sûr, chez les Anglo-Saxons, qui influencent toute l’université israélienne, le terme de « race » a un double sens : sans remettre en question l’unicité de la race humaine, il sert aussi à désigner les groupes humains, surtout en fonction de la couleur de leur peau, sans y associer obligatoirement une dimension raciste. Cela posé, que de nombreux intervenants durant ce colloque aient utilisé l’expression « identité raciale juive » a fait hérisser le poil de beaucoup d’autres. Au confluent de la biologie, de la démographie et de la géographie, les spécialistes de la « génétique des populations » sont le fer de lance de cette vogue. Et leurs relais en Israël sont de plus en plus actifs. Il existe des institutions académiques, en Israël et aux États-Unis, qui se consacrent désormais à la recherche du « gène juif », c’est-à-dire d’une constitution génétique qui n’appartiendrait qu’aux Juifs et qu’ils entendent mettre au jour.
Le professeur américain Harry Ostrer, par exemple, qui dirige un laboratoire de génétique à l’école de médecine de l’université juive privée Yeshiva University, à New York, a fait sensation en publiant en 2012 un ouvrage intitulé Patrimoine. Une histoire génétique du peuple juif[4]. Ostrer y évoque ce qu’il nomme un « fondement génétique de la judaïté ». Les titres des six chapitres sont explicites : le premier est « Avoir l’air juif », le second « Fondateurs », le troisième « Généalogies », le quatrième « Tribus », le cinquième « Caractères » et le dernier, forcément, s’intitule « Identité ». Le livre a suscité, dans la New York Review of Books, la critique d’un célèbre généticien de Harvard, Richard Lewontin, qui l’a récusé du tout au tout.
Le professeur Ostrer fait cependant de nombreux émules en Israël dans certains cercles universitaires, comme au CHU de l’hôpital Rambam à Haïfa. Pour une enquête, nous y avions rencontré en 2014 le généticien Gil Atzmon. « Il est démontré que la judaïté peut être identifiée par l’analyse génétique, de sorte que la notion de peuple juif est convaincante », nous avait-il déclaré (comme si l’histoire, à elle seule, n’y suffisait pas). Prudent, il récusait l’idée d’« un gène juif distinctif », mais, ajoutait-il, « cela ne signifie pas que la science ne le trouvera pas, la recherche progresse »[5]. En revanche, selon lui, « les gènes permettent de reconstituer de façon de plus en plus nette l’histoire continue d’un peuple juif relié à ses gènes et à un phénotype » (ensemble des caractères communs). Et cette population, en vingt-cinq siècles, serait restée « génétiquement » homogène ?
Le chercheur convient que d’importantes conversions au judaïsme ont eu lieu, surtout entre les Ier et IVe siècles dans le pourtour méditerranéen, et aussi plus tardivement. « Mais, dit-il, elles n’ont pas été assez significatives pour enrayer la tendance. » Les Juifs, pour des raisons dues aux persécutions et à leur propension ultérieure à se refermer pour se protéger, auraient dès lors préservé une « identité génétique ».
« Des nationalistes qui avancent masqués »
C’est peu dire que ces thèses soulèvent des tollés, tout d’abord chez de nombreux généticiens, et encore plus parmi les historiens. Ces derniers, qu’ils soient ultranationalistes ou progressistes, sont tous quasi sans exception vent debout contre ces « constructions ». La chercheuse israélienne Eva Jablonka, coauteure de L’Évolution en quatre dimensions[6], adepte assumée de l’usage de la génétique dans les sciences sociales, récuse cependant radicalement l’emploi qu’en font les chercheurs du « gène juif », des « nationalistes qui avancent masqués », dit-elle, et qui ne cherchent qu’à démontrer ce à quoi ils croient : l’existence d’un peuple trimillénaire resté inchangé, donc unique. Une absurdité, poursuit-elle, aussi inepte que de croire que les Gaulois seraient les ancêtres des Français actuels. Mais une absurdité qui trouve de plus en plus d’adeptes en Israël, surtout du côté des mystiques ultranationalistes.
« L’idéologie d’Hitler était 100 % correcte »
Ainsi le rabbinat israélien a-t-il commencé de faire appel à la génétique pour tester la judaïté de personnes jugées « douteuses ». Ce faisant, notera l’analyste israélien Noah Slepkov, « en poussant [les gens] à effectuer des tests génétiques, le rabbinat israélien tombe dans le piège de la science raciale du XIXe siècle[7] ».
On dira que ces tendances effrayantes, ces thèses sur l’idéologie « correcte à 100 % d’Hitler » — dans le même chapitre, précédemment, le livre cite les propos du rabbin Giora Redel, responsable de l’école militaire religieuse Bnei David, qui a publiquement déclaré en avril 2019 que « l’idéologie d’Hitler était 100 % correcte, mais il visait le mauvais côté », en d’autres termes , Hitler s’était trompé de cible, s’attaquant aux Juifs plutôt qu’aux vrais démons, les Arabes, ou les musulmans —, ces thèses sur la « génétique juive », sur le « peuple-race », restent marginales en Israël, et on aura raison. Mais on aurait tort de ne pas prendre au sérieux leur progression constante. En 1967, lorsqu’Israël s’empara du mur des Lamentations, le grand rabbin de l’armée, Shlomo Goren, dans un moment de ferveur mystique, appela immédiatement à faire sauter le dôme du Rocher, un lieu saint musulman, pour y reconstruire à sa place le Troisième Temple. La classe politique israélienne le prit pour ce qu’il était : un fou dangereux.
Moshe Dayan, le vainqueur de la guerre (il était ministre de la défense), avait répliqué : « Mais qui donc a besoin d’un Vatican juif ? » Cinquante-trois ans plus tard, les partisans de la « reconstruction du Temple » ne sont plus des marginaux dont on se gausse ; ils comptent des députés, des associations grassement financées, des propagandistes écoutés. El-Ad, une organisation appartenant à cette mouvance, a été officiellement chargée par le gouvernement israélien de mener des fouilles archéologiques près de l’esplanade des Mosquées. On aurait tort de négliger le poids de cette extrême droite, qu’elle soit laïque ou plus encore mystique, dans l’évolution d’Israël. Ses idées progressent constamment. C’est elle qui charrie au premier chef toutes ces thèses raciales et racistes. Si demain elle venait à accéder au pouvoir — auquel elle a déjà été fortement arrimée sans en détenir encore les principales manettes —, c’est tout le Proche-Orient qui pourrait se retrouver entraîné vers des déflagrations littéralement vertigineuses qui glacent d’effroi par avance.
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[2] Gil Stern Hoffman et Shuly Wasserstrom, « MKs slam Netanyahu over his son dating a non-Jewish Norwegian woman »Jerusalem Post, 26 janvier 2014.
[4] Harry Ostrer, Legacy : A Genetic History of the Jewish People, Oxford University Press, Oxford, 2012.
[5] Sylvain Cypel, « À la poursuite du “gène juif” »Revue XXI, avril 2015.
[6] Eva Jablonka et Marion J. Lamb, Evolution in Four Dimensions : Genetic, Epigenetic, Behavioral, and Symbolic Variation in the History of Life, The MIT Press, Cambridge, 2005.

 
mercredi 29 janvier 2020
 

La commémoration d’Auschwitz par


 Israël : Un enlèvement de l’histoire


 juive








par Miko Peled.
Alors que les dirigeants du monde entier se réunissaient à Jérusalem pour commémorer le 75e anniversaire de la libération du camp de la mort d’Auschwitz, Zochrot, une ONG israélienne qui travaille à sensibiliser les Juifs israéliens aux injustices dont sont victimes les Palestiniens, a publié un commentaire sur sa page Facebook. Le commentaire, écrit en hébreu, rappelait aux dirigeants du monde entier en visite que le musée israélien de l’Holocauste, Yad Vashem, a été construit sur une colline appelée autrefois Hirbet Elhamame en arabe. Zochrot a souligné que le mont Hertzel, où se trouve aujourd’hui le cimetière national israélien et où sont enterrés des dignitaires sionistes, a été construit sur une colline autrefois appelée Jabal Elsharfa. Les deux collines appartenaient aux communautés palestiniennes qui ont résidé dans la région pendant des générations jusqu’à ce qu’elles soient brutalement forcées de partir par les colonisateurs sionistes envahisseurs.
Les Palestiniens, autrefois propriétaires des terres qui s’étendent sur ces collines, sont maintenant interdits de retour. Ils n’ont jamais été indemnisés pour leur perte, ni pour la brutalité glaciale qu’ils ont endurée. Dans son post, Zochrot demande aux dirigeants du monde si ces Palestiniens seront également commémorés lors de leur visite au Musée de l’Holocauste.
Depuis le balcon du musée, Zochrot poursuit, on peut regarder vers le nord et voir les vestiges de ce qui fut un village palestinien. Le 9 avril 1948, ce village a été attaqué et détruit. D’innombrables habitants ont été massacrés et un nombre incalculable d’hommes, de femmes et d’enfants ont été contraints de fuir. Le nom de ce village était Deir Yassin. La brutalité notoire de ce que l’on a appelé le massacre de Deir Yassin a duré plusieurs jours et a été commise par les Sionistes envahisseurs trois ans seulement après la libération d’Auschwitz par l’armée russe.
Mensonges et démagogues minables
Un tweet posté par Naftali Bennett, le Ministre israélien de la Défense, le montre sur la BBC en train de débattre avec l’avocate palestinienne Diana Buttu. Dans la vidéo, Bennett affirme que depuis 71 ans, les Palestiniens n’ont fait que se victimiser eux-mêmes. Il a déclaré qu’alors que les Juifs s’étaient relevés de l’Holocauste et avaient créé un pays, puis avaient inventé les puces informatiques et les tomates cerises, les Palestiniens avaient inventé le terrorisme. Cette affirmation est typique du racisme qui imprègne l’idéologie sioniste et montre plus d’ignorance qu’autre chose. Puisque Bennett, dans son ignorance, n’a entendu parler d’aucune réalisation palestinienne, elles ne doivent pas exister.
La revendication de Bennett, aussi réductrice et haineuse soit-elle, doit être disséquée. Il dit, en effet, que les Juifs ont subi une tragédie et ont ensuite construit Israël et réalisé de grandes choses alors que les Palestiniens ne font que se plaindre. La vérité est que les Juifs ont connu d’horribles souffrances pendant l’Holocauste et que les sionistes en Palestine ont infligé d’horribles souffrances aux Palestiniens, et ils continuent de le faire jusqu’à ce jour.
En dépit du génocide, du nettoyage ethnique et de l’apartheid que les Palestiniens ont enduré pendant plus de cent ans, ils ont réussi à apporter d’énormes contributions dans presque tous les domaines imaginables. Alors qu’Israël a perfectionné l’art du meurtre en inventant des armes si cruelles et si inhabituelles que leur utilisation viole le droit international, la diaspora palestinienne a prospéré et apporte sa contribution aux communautés qui l’accueillent dans le monde entier.
Peu d’Israéliens le savent et pourquoi le devraient-ils ? Il est difficile de trouver un livre écrit par ou sur des Palestiniens dans les librairies israéliennes. En dehors d’Israël, cependant, il est bien connu que certains des meilleurs intellectuels, écrivains et poètes que le monde ait connus sont palestiniens. La liste comprend des personnalités respectées comme le Dr Walid Khalidi, le Dr Edward Said, May Ziadeh et Ghada Karmi. Elle comprend des écrivains comme Susan Abulhawa, Ibrahim Nasrallah et Ghassan Kanafani, des poètes comme Fadwa Tuqan, Mahmoud Darwish et Taha Mohammad Ali. Ainsi que de nombreux ingénieurs et architectes qui ont construit les États du Golfe et certains des meilleurs médecins travaillant dans les hôpitaux israéliens.
Se relever de l’Holocauste
La capacité des communautés juives à se rétablir après l’Holocauste n’a rien à voir avec Israël. Le fait que les Juifs aient pu reconstruire leurs communautés en Europe, aux États-Unis et ailleurs et qu’ils aient pu obtenir des droits et s’épanouir dans les pays du monde est en effet remarquable.
Après avoir visité les quartiers juifs ultra-orthodoxes du nord de l’État de New York au début du mois de février, j’ai écrit sur l’expérience de voir une communauté renaître. J’ai vu des milliers de jeunes enfants juifs ultra-orthodoxes courir à l’école le matin, habillés comme leurs grands-parents le faisaient avant l’Holocauste, pour recevoir une éducation juive comme leurs aïeux.
Cette communauté a été construite en grande partie par des Juifs hongrois, survivants d’Auschwitz, déterminés à recréer les communautés juives florissantes qui existaient en Europe de l’Est avant leur destruction par les nazis. En outre, beaucoup, sinon la plupart de ces communautés, ont ouvertement rejeté le Sionisme et l’État d’Israël.

Le Président polonais Andrzej Duda marche avec des survivants à travers les portes d’Auschwitz à Oswiecim, Pologne, le 27 janvier 2020. Czarek Sokolowski | AP

Inventer le terrorisme
Bennett est un excellent porte-parole tant que son public est ignorant. Ses tentatives de falsification de l’histoire fonctionnent merveilleusement bien avec un public non averti. Tenir les Palestiniens pour responsables du terrorisme, en prétendant qu’ils ont inventé les terroristes suicidaires, est un argument populaire pour ceux qui sont prêts à tomber dans la démagogie bon marché des politiciens racistes. La vérité, cependant, est qu’il n’existe et n’a jamais existé de terrorisme palestinien.
Les Palestiniens ont toujours lutté pour leur liberté et leur justice et ils ont utilisé les maigres moyens dont ils disposaient pour le faire. Le terrorisme a été introduit en Palestine par ses colonisateurs sionistes et ils l’ont utilisé pour atteindre leurs objectifs pendant plus de cent ans. Aujourd’hui, avec l’avènement des systèmes d’armes modernes, dont beaucoup ont été mis au point par les fabricants d’armes israéliens, le nombre de victimes et de blessés du terrorisme d’État israélien est plus élevé que jamais.
L’enlèvement de l’histoire juive
Les Sionistes d’aujourd’hui ont enlevé l’histoire juive et en ont fait leur propre histoire. Ils ont ajouté des éléments qui ne sont pas du ressort de l’histoire, des éléments pour lesquels il n’existe aucune preuve scientifique ou historique, et qui sont mélangés à une version de l’histoire qui est utilisée pour créer un mythe à vendre au monde. Le mythe sioniste est un mythe si romantique, héroïque et biblique que personne n’ose le remettre en question.
Là où ils ont franchi la ligne, c’est avec l’Holocauste. Israël exige que tous les peuples, et en fait tous les gouvernements, acceptent leur version de l’histoire tout en ignorant le fait que même pendant que l’Holocauste se déroulait, les Sionistes étaient engagés dans le nettoyage ethnique et le génocide du peuple palestinien.
L’Holocauste ne devrait pas être commémoré dans les musées et les institutions israéliennes. Il doit être commémoré là où il a eu lieu. Ceux qui souhaitent commémorer l’Holocauste devraient se rendre en Europe et parcourir les lieux sacrés où des millions de personnes ont été tuées. Voir les voies ferrées, les fosses communes, les synagogues en ruines et ensuite jurer de faire tout ce qu’il faut pour que cela ne se reproduise plus jamais. Jurer de faire en sorte que les minorités, les réfugiés et tous ceux qui sont privés de leurs droits soient protégés. Commémorer l’Holocauste en Palestine est une erreur, d’autant plus que l’on peut encore voir les restes de Deir Yasin depuis le Musée de l’Holocauste d’Israël.



traduit par Réseau International
 
"Si vous n’y prenez pas garde, les journaux finiront par vous faire haïr les opprimés et adorer les oppresseurs." Malcom X

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