C’est
un cauchemar qui se déroule en Syrie, dans les maisons d’al-Heffa et
dans les rues de Houla. Et nous savons tous comment l’histoire va
finir : avec des milliers de soldats et de civils tués, des villes et
des familles détruites, et le président Assad battu à mort dans un
fossé.
C’est l’histoire de la guerre en Syrie, mais une autre histoire doit
être dite. Une histoire moins sanglante, mais néanmoins importante.
C’est une histoire des faiseurs de contes : les portes paroles, les
« spécialistes de la Syrie », les « militants démocrates. » Les faiseurs
de déclarations. Les gens qui « exhortent, » et « avertissent »et
« appellent à l’action. »
C’est une histoire sur les membres les plus cités de l’opposition
syrienne et leur connexion au business anglo-américain de fabrication
d’oppositions. Les médias d’information grand public ont été, pour
l’essentiel, remarquablement passifs au sujet des sources syriennes : en
les présentant simplement comme « portes parole officiels » ou
« militants pour la démocratie » sans, en général, examiner leurs
déclarations, leurs trajectoires ou leurs affiliations politiques.
Il est important de le souligner : enquêter sur la trajectoire d’un
porte-parole Syrien ne revient pas à mettre en doute la sincérité de son
opposition à Assad. Mais une passion haineuse contre le régime Assad
n’est en rien une garantie d’indépendance. En fait, in certain nombre de
personnalités importantes du mouvement syrien d’opposition sont des
exilés de longue date qui étaient subventionnés par le gouvernement US
pour affaiblir le gouvernement Assad bien avant le déclenchement du
Printemps arabe.
Même si la déposition du président Assad par la force n’a aps encore
été ouvertement affichée par le gouvernement des Etats unis, ces portes
parole plaident ouvertement pour une intervention militaire en Syrie et
sont de ce fait des alliés naturels pour des néoconservateurs US bien
connus qui avaient soutenu l’invasion de l’Irak par Bush et font
maintenant pression sur l’administration Obama pour qu’elle intervienne.
Et comme nous le verrons, plusieurs de ces portes parole ont trouvé un
soutien auprès de ceux qui, des deux côtés de l’Atlantique, sont en
faveur d’ une intervention militaire, et dans certains cas, ils ont
développé d’anciennes et lucratives relations avec eux.
« Le temps est compté » [Le sable s’écoule dans le sablier] a
déclaré Hillary Clinton dimanche. Il est donc grand temps, au moment où
les combats en Syrie s’intensifient, et où des bateaux de guerre russes
font route vers Tartous, de regarder de plus près ceux qui parlent au
nom du peuple syrien.
Le Conseil National Syrien
Les porte-paroles d’opposition les plus cités sont les représentants
officiels du Conseil National Syrien (CNS). Le CNS n’est pas la seule
organisation d’opposition – mais il est généralement considéré comme
« la principale coalition d’opposition » (BBC). Le Washington Times le
décrit comme « une organisation qui coordonne des factions rivales
basées hors de Syrie. » LE CNS est certainement l’organisation
d’opposition qui a les relations les plus étroites avec les puissances
occidentales – et a apelé à une intervention étrangère dès les premières
phases du soulèvement. En février de cette année, à l’ouverture du
sommet des Amis de la Syrie en Tunisie, William Hague [ministre
britannique des affaires étrangères, NdT] avait déclaré : « Je
rencontrerai les dirigeants du Conseil national Syrien d’ici quelques
minutes… Nous, ainsi que d’autres nations, les traiterons et les
reconnaîtrons en tant que représentants légitimes du peuple syrien. »
Le plus haut porte-parole officiel du SNC est l’universitaire Syrienne établie à Paris, Bassma Kodmani.
Bassma Kodmani

- Bassma Kodmani du Conseil National Syrien par Carter Osmar
Kodmani est membre du bureau exécutif et chargée des affaires
étrangères au Conseil National Syrien. Kodmani est proche du centre de
la structure de pouvoir du CNS, et elle est un des porte-paroles du CNS
les plus actifs. « Aucun dialogue n’est possible avec le régime en
place. Nous ne pouvons discuter que de la manière d’aller vers un
système politique différent, » a-t-elle déclaré cette semaine. On la
retrouve, citée par le fil AFP : « L’étape suivante requiert une
résolution sous le chapitre VII [de la charte de l’ONU] qui autorise
l’usage de tous les moyens légitimes, de moyens coercitifs, d’un embargo
sur les armes ainsi que l’usage de la force pour obliger le régime à se
conformer » [à la résolution].
Cette déclaration se traduit dans la une suivante : « Les Syriens
appellent à une force armée de maintien de la paix » (Herald Sun,
Australie). Quand il est fait appel à une action militaire
internationale de grande ampleur, il semble tout simplement raisonnable
de demander : qui exactement fait cet appel ? Nous pouvons dire
simplement, « un porte-parole officiel du SNC, » ou nous pouvons
regarder d’un peu plus près.
Cette année, c’était le deuxième Bilderberg pour Kodmani. A la
conférence de 2008, Kodmani était inscrite en tant que française ; en
2012 sa francité avait disparu et elle était inscrite simplement comme
« internationale » – sa patrie était devenue le monde des relations
internationales.
Quelques années en arrière, Kodmani travaillait pour la Ford
Foundation au Caire, où elle était directrice de son programme de
gouvernance et de coopération internationale. La Ford Foundation est une
vaste organisation dont le siège est à New York et Kodmani avait déjà
un rang assez haut placé. Mais elle était sur le point de monter d’une
division.
Vers cette époque, e, février 2005, les relations syro-étatsuniennes
s’étaient gravement détériorées, et le président Bush avait rappelé son
ambassadeur à Damas. De nombreux projets d’opposition datent de cette
période. « L’argent US pour des personnalités de l’opposition syrienne a
commencé à affluer sous le président George W Bush après qu’il a
effectivement gelé les relations politiques avec Damas en 2005, »
explique le Washington Post.
En septembre 2005, Kodmani a été nommée directrice exécutive de
l’Arab Reform Initiative (ARI)- un programme de recherche initié par une
puissante organisation de lobbying, le Council on Foreign Relations
(CFR).
Le CFR est un thinktank d’élite en matière de politique étrangère,
l’Arab Reform Initiative est présenté sur son site web comme un « projet
du CFR. » Plus précisément, l’ARI a été lancée par une organisation
interne au CFR appelée le US/Middle East Project” – un groupe de
diplomates de haut niveau, de financiers et d’officiels du
renseignement, dont l’objectif affiché est d’entreprendre une « analyse
politique » régionale de sorte « à prévenir les conflits et à promouvoir
la stabilité. » L’ US/Middle East Project poursuit ces objectifs sous
la supervision d’un conseil international présidé par le général en
retraite Brent Snowcroft.

- Peter Sutherland photographié à la conférence de Bilderberg par Hannah Borno
Brent Snowcroft (président émérite) est un ancien conseiller pour la
sécurité nationale du président des Etats Unis – il avait succédé dans
ce rôle à Henry Kissinger. A côté de Snowcroft dans le bureau
international, nous trouvons son collègue en géostratégie Zbigniew
Brzezinski qui lui avait succédé comme conseiller pour la sécurité
nationale, et Peter Sutherland, le PDG de Goldman Sachs International.
Donc, dès 2005, nous avions une partie du gratin de la banque et du
renseignement en occident qui sélectionnait Kodmani pour diriger un
projet de recherche sur le Moyen Orient. En septembre de cette année là,
Kodmani avait été nommée directrice à plein temps du programme. Plus
tôt en cette année 2005, le CFR avait assigné le « contrôle financier »
du projet au Centre for European Reform (CER). C’est là que les
Britanniques entrent en scène.
Le CER est supervisé par Lord Kerr ; le vice président de Royal Dutch
Shell. Kerr est un ancien chef du service diplomatique et est
conseiller principal à Chatham House (un thinktank qui réunit les
meilleurs cerveaux de l’establishment diplomatique britannique).
En charge de la gestion au jour le jour du CER, nous avons Charles
Grant, ancien rédacteur en chef de la rubrique défense de The Economist,
et membre en ce moment de l’ European Council on Foreign Relations
(ECFR), un « thinktank paneuropéen » rempli de diplomates,
d’industriels, de professeurs et de premiers ministres. Dans la liste de
ses membres, vous trouverez le nom : « Bassma Kodmani (France/Syrie) –
Directrice Exécutive, Arab Reform Initiative. »
Autre nom sur la liste : George Soros – le financier dont
l’organisation à but non lucratif ‘Open Society Foundations » est une
des principales sources de financement de l’ECFR. A ce niveau, les
mondes de la banque, de la diplomatie, de l’industrie, du renseignement
et les divers fondations et instituts de stratégie politique se
retrouvent tous ensemble et, là, au milieu de tout ça, se trouve
Kodmani.
Ce qu’il faut relever, c’est que Kodmani n’est pas une quelconque
« militante pro-démocratie » qui s’est retrouvée par hasard devant un
microphone. Elle dispose de références diplomatiques impeccables : elle a
le statut de directrice de recherche à l’Académie Diplomatique
Internationale – « une institution indépendante et neutre qui a pour
vocation de promouvoir une diplomatie moderne ». L’Académie est présidée
par Claude Cousseran, un ancien chef de la DGSE – le service de
renseignements extérieurs français.
L’image qui se forme est celle de Kodmani comme fidèle lieutenant de
l’industrie anglo-américaine de promotion de la démocratie. Sa
« province d’origine » (d’après le site internet du CNS) est Damas, mais
elle a des relations professionnelles étroites et anciennes avec
précisément ces mêmes puissances qu’elle appelle à intervenir en Syrie.
Et nombre de ses collègues porte-paroles ont également de bonnes relations.
Radwan Ziadeh
Un autre représentant du SNC souvent cité est Radwan Ziadeh –
directeur des relations extérieures du Conseil National Syrien. Ziadeh a
un CV impressionnant : senir fellow d’un thinktank de Washington
financé par le gouvernement fédéral, l’ US Institute of Peace (le
conseil d’administration de l’USIP est plein d’anciens du Département de
la Défense et du National Security Council ; son président est Richard
Solomon, ancien conseiller de Kissinger au National Security Council).
En février de cette année, Ziadeh s’est associé à un groupe de
faucons de l’élite de Washington pour signer une lettre appelant Obama à
intervenir en Syrie : parmi ses cosignataires figurent James Woolsey
(ancien chef de la CIA), Karl Rove (le mentor de Bush junior), Clifford
May (Committee on the Present Danger) et Elisabeth Cheney, ancienne
directrice de l’ Iran-Syria Operations Group au Pentagone.
Ziadeh est un organisateur infatigable, un parfait initié de
Washington en relation avec certains des plus puissants thinktanks de
l’establishment. Les connections de Ziadeh s’étendent jusqu’à Londres.
En 2009, il est devenu chercheur invité à Chatham House, et en juin de
l’année dernière, il était présent dans le groupe d’experts d’un de
leurs évènements – « Imaginer l’avenir politique de la Syrie » –
partageant le plateau avec un autre porte-parole du CNS, Ausama Monajed
(des informations sur Monajed ci-dessous) et un membre du CNS, Najib
Ghadbian.
Le Wall Street Journal a identifié Ghadbian comme un des premiers
intermédiaires entre le gouvernement US et l’opposition syrienne en
exil : « Un premier contact entre la maison Blanche et le Front du Salut
national (FSN) avait été assuré par Najib Ghadbian, un politologue de
l’université de l’Arkansas. » C’était en 2005. Une année qui a marqué un
tournant.
En ce moment, Ghadbian est membre du secrétariat général du CNS, et
est au conseil de surveillance d’une organisation politique basée à
Washington, le Syrian Center for Political and Strategic Studies (SCPSS)
– une organisation dont il est le co-fondateur.
Ziadeh construit ce genre de relations depuis des années. En 2008,
Ziadeh avait participé à une réunion avec des personnalités d’opposition
dans des locaux gouvernementaux à Washington : une mini-conférence
intitulée « Syria In-Transition ». La réunion avait été co-sponsorisée
par un organisme basé aux USA appelé le Democracy Council et une
organisation basée au Royaume Uni appelée le Movement for Justice and
Development (MJD). Ce fut un grand jour pour le MJD – son président,
Anas Al-Abdah, s’était déplacé de Grande Bretagne aux Etats Unis pour
l’occasion avec son directeur des relations publiques. Ci-après, une
description de cette journée tirée du site internet du MJD : « La
conférence a vu une affluence exceptionnelle puisque la salle était
bourrée à craquer d’invités de la Chambre des représentants et du sénat,
ce représentants de centres d’études, de journalistes et dde Syriens
expatriés aux USA. »
La journée avait débuté par un discours inaugural de James Prince,
directeur du Democracy Council. Ziadeh participait à un groupe d’experts
présidé par Joshua Muravchik (l’auteur ultra-interventionniste de la
lettre ouverte « Bomb Iran » en 2006). Le thème de la discussion était
« l’émergence d’une opposition organisée. » Assis à côté de Ziadeh danns
ce groupe de discussion, se trouvait le directeur des relations
publiques du MJD – un homme qui deviendra plus tard son collègue
porte-parole au CNS – Ausama Monajed.
Ausama Monajed
Avec Kodmani et Ziadeh, Ausama (ou parfois Osama) Monajed est un des
plus importants porte-paroles du CNS. Il y en a d’autres, bien sûr – le
CNS est une structure énorme qui comprend les Frères Musulmans. Le
spectre de l’opposition à Assad est très large, mais ce sont là quelques
voix essentielles.
Il y a d’autres porte-paroles officiels qui ont une longue carrière
politique, comme George Sabra du Parti Démocratique Populaire Syrien –
Sabra a subi l’arrestation et un long séjour en prison pour son combat
contre le « régime répressif et totalitaire en Syrie. » Et il existe
d’autres vois d’opposition en dehors du CNS comme l’écrivain Michel
Kilo, qui parle avec éloquence de la violence qui ravage son pays. « La
Syrie est en cours de destruction – rue après rue, ville par ville,
village après village. Qu’est-ce que ce genre de solution ? Pour le
maintien au pouvoir d’un petit groupe, tout le pays est détruit. »

- Ausuma Monajed
Mais il est hors de doute que la principale organisation d’opposition
est le CNS et on constate que ce sont souvent Kodmani, Ziadeh et
Monajed qui le représentent. Monajed apparaît souvent comme commentateur
sur les chaînes télévisées d’informations. On le voit ici s’exprimant
depuis son bureau à Washington. Monajed n’édulcore pas son message :
« Nous voyons tous les jours à la télévision des civils assassinés et
des enfants assassinés et tués, et des femmes violées »
Dans le même temps, sur al jazeera, Monajed parle de « ce qui se
passe vraiment, en réalité, sur le terrain, » des « miliciens d’Assad »
qui « viennent et violent les femmes, tuent les enfants et les personnes
âgées. »
Monajed est devenu, depuis seulement quelques jours, blogueur sur le
Huffington Post UK, où il explique en long et en large ; « Pourquoi le
monde doit intervenir en Syrie » – appelant à une « assistance militaire
directe » et à une « aide militaire étrangère. » Une fois de plus, la
bonne question pourrait être : qui est ce porte-parole qui appelle à une
intervention militaire ?
Monajed est membre du CNS où il est conseiller du président et il
est, selon sa biographie au CNS, « le fondateur et directeur de Barada
Television, » une chaîne satellitaire basée à Vauxhall, Londres sud. En
2008, quelques mois après avoir assisté à la conférence Syria
In-Transition, Monajed était reparti pour Washington, invité à dîner
avec George W. Bush avec d’autres dissidents bien en cour (on peut voit
Monajed sur la photo souvenir, le troisième à partir de la droite,
cravate rouge, non loin de Condoleeza Rice – à l’opposé de Garry
Kasparov).
A cette époque, en 2008, le Département d’Etat US connaissait Monajed
en tant que « directeur des relations publiques pour le Mouvement pour
la Justice et le Développement (MJD) qui dirige la lutte pour un
changement démocratique et pacifique en Syrie. »
Examinons de plus près le MJD. L’an dernier, le Washington Post a
sélectionné une information de Wikileaks qui a publié des quantités de
communications diplomatiques piratées. Ces communications montrent qu’un
important flux financier va du Département d’Etat US au Mouvement pour
la Justice et le Développement dont le siège se trouve en Grande
Bretagne. Selon l’article du Washington Post : « Barada TV est
étroitement affiliée au Mouvement pour la Justice et le Développement,
un réseau d’exilés Syriens établi à Londres. Les câbles diplomatiques
américains classifiés montrent que le Département d’Etat a donné pas
moins de 6 millions de dollars à cette organisation depuis 2006 pour
qu’elle fasse fonctionner la chaîne satellitaire et pour financer
d’autres activités à l’intérieur de la Syrie. »
Un porte-parole du Département d’Etat avait réagi à cet article en
déclarant : « Essayer de promouvoir une transformation vers un processus
plus démocratique dans cette société ne porte pas nécessairement
atteinte au gouvernement en place ». » Et ils ont raison, « pas
nécessairement. »
Questionné au sujet de l’argent du Département d’Etat, Monajed dit
lui-même « ne pas pouvoir confirmer » un financement du Département
d’Etat US pour Barada TV, mais déclare : « Je n’ai personnellement pas
reçu un centime. » Malik al -Abdeh, tout récemment encore chef de la
rédaction à Barada TV insiste : « Nous n’avons pas eu de liens directs
avec le Département d’ Etat US. » La signification de cette phrase
tourne autour du mot « directs ». Il convient de noter que Malik al
-Abdeh, se trouve aussi être un des fondateurs du Mouvement pour la
Justice et le Développement (destinataire de 6 millions de dollars du
Département d’Etat selon le câble rendu public). Et il est le frère du
président de la chaîne, Anas Al-Abdah. Il est aussi copropriétaire de la
marque déposée du MJD : ce que Malik al Abdeh reconnaît, c’est que
Barada TV reçoit une bonne part de ses financements d’une fondation
américaine : le Democracy Council. Un des co-sponsors (avec le MJD) de
la mini-conférence Syria In-Transition. Donc, ce que nous avons en 2008,
lors de cette même réunion, ce sont précisément les dirigeants de des
organisations identifiées dans les câbles Wikileaks comme étant le canal
(le Democracy Council) et le bénéficiaire (le MJD) de grosses sommes
d’argent du Département d’Etat.
Le Democracy Council (un pourvoyeur de subventions basé aux Etats
Unis) cite le Département d’Etat comme étant une de ses sources de
financement. Il travaille ainsi : le Democracy Council sert
d’intermédiaire pour gérer des subventions en tant qu’intermédiaire
entre la “Middle East Partnership Initiative” du Département d’Etat et
des « partenaires locaux » (comme Barada TV). Comme l’explique le
Washington Post :
« Plusieurs câbles diplomatiques émanant de l’ambassade à Damas
révèlent que les exilés Syriens reçoivent de l’argent d’un programme du
Département d’Etat appelé la Middle East Partnership Initiative. Selon
ces câbles, le Département d’Etat a fait transiter l’argent à
l’organisation en exil via le Democracy Council, une fondation dont le
siège se trouve à Los Angeles. »
Le même article attire l’attention sur un câble de 2009 émis par
l’ambassade US en Syrie qui indique que le Democracy Council a reçu 6,3
millions de dollars du Département d’Etat pour réaliser un programme
concernant la Syrie, la “Civil Society Strengthening Initiative”. Le
câble la décrit comme « un discret effort de collaboration entre le
Democracy Council et des partenaires locaux » dans le but de produire,
entre autres choses, « divers concepts de diffusion [des idées]. » Selon
le Washington Post : « D’autres câbles indiquent clairement qu’un de
ces concepts était Barada TV. »
Il y a encore quelques mois, la Middle East Partnership Initiative
(MEPI)du Département d’Etat était supervisée par Tamara Cofman Wittes
(elle est maintenant à la Brookings Institution – un thinktank influent
de Washington). Selon elle, la MEPI a « créé une ‘image’ positive des
efforts des USA pour promouvoir la démocratie. » Quand elle travaillait
sur ce dossier, elle avait déclaré : « Il y a de nombreuses
organisations en Syrie et dans d’autres pays qui veulent des changements
dans leurs gouvernements… C’est un agenda auquel nous croyons et nous
allons le soutenir. » Et par soutien, elle veut dire financier.
L’argent
Ce n’est pas nouveau. Revenez un moment au début 2006, et vous avez
une annonce par le département d’Etat d’une nouvelle « opportunité de
subventionnement » appelée le « Syria Democracy Program. » Avec une
offre de subventions d’un montant de « 5 millions de dollars sur l’année
fiscale fédérale 2006. » Le but de ces subventions ? « Accélérer le
travail des réformateurs en Syrie. »
En ce moment, l’argent afflue encore plus vite que jamais. Au début
juin 2012, le Syrian Business Forum a été lancé à Doha par des
dirigeants de l’opposition, dont Wael Merza (secrétaire général du CNS).
« Ce fonds a été établi pour soutenir toutes les composantes de la
révolution en Syrie, » avait déclaré Merza. Le niveau de ce fonds ?
Quelque 300 millions de dollars. La provenance de l’argent n’est pas
claire du tout, quoique Merza « a fait allusion à un puissant soutien
financier des Etats arabes du Golfe pour le nouveau fonds » (al
Jazeera). A son lancement, Merza avait dit que quelque 150 millions de
dollars avaient déjà été dépensés, en partie pour l’Armée Syrienne Libre
(ASL).
L’organisation d’hommes d’affaires Syriens de Merza était présente à
une conférence du Forum Economique Mondial intitulée « Plateforme pour
la coopération internationale » qui s’est tenue à Istanbul en novembre
2011. Tout cela s’inscrit dans le processus par lequel le SNC a grandi
en réputation, pour devenir selon les propres termes de William Hague,
« un représentant légitime du peuple syrien » et être capable de gérer
ouvertement ces sommes énormes.
Construire la légitimité – de l’opposition, de sa représentation, de l’intervention – est l’essentiel de bataille propagandiste.
Dans une lettre ouverte publiée en février de cette année par USA
Today, l’ambassadeur Dennis Ross déclarait : « Il est temps de rehausser
le statut du Conseil national Syrien. » Ce qu’il voulait, urgemment,
était « la création d’une aura d’inévitabilité du CNS comme alternative à
Assad. » L’aura d’inévitabilité. Gagner la bataille à l’avance.
Un combattant essentiel dans cette bataille pour les esprits et les
cœurs est le journaliste Américain et blogueur pour le Daily Telegraph,
Michael Weiss.
Michael Weiss
Un des experts de la Syrie les plus cités dans les médias occidentaux
– et un enthousiaste d’une intervention occidentale – Michael Weiss
fait écho à l’ambassadeur Ross quand il dit : Une intervention militaire
en Syrie n’est pas tant une question de préférence que
d’inévitabilité. »
Certains écrits interventionnistes de Weiss peuvent être trouvés sur
le site web beyrouthin pro-Washington appelé ‘NOW Lebanon’ – dont la
section ‘NOW Syria’ est une source importante d’actualités syriennes.
NOW Lebanon a été créé en 2007 par Eli Khoury, un cadre de Saatchi &
Saatchi. Khoury est présenté dans l’industrie publicitaire comme « un
spécialiste de la communication stratégique, spécialisé dans le
développement de l’image de marque des entreprises et des
gouvernements. »
En mai dernier, Weiss avait déclaré à NOW Lebanon que grâce à la
fourniture d’armes aux rebelles Syriens, « nous avons déjà commencé à
voir quelques résultats. » Il avait montré une approbation semblable
pour les développements militaires quelques mois auparavant dans un
article pour le New Republic : « Au cours des dernières semaines,
l’Armée Syrienne Libre et d’autres unités rebelles indépendantesont fait
de gros progrès – à la suite de quoi, comme tout blogueur peut le
faire, il avait présenté son « Plan d’action pour une intervention
militaire en Syrie. »
Mais Weiss n’est pas seulement un blogueur. Il est aussi le directeur
de la communication et des relations publiques de la Henry Jackson
Society, un thinktank de politique étrangère ultra-ultra-belliciste.
Parmi les parrains de la Henry Jackson Society à l’international,
figurent : James “ex-CIA boss” Woolsey, Michael “secrétaire à la
sécurité intérieure” Chertoff, William “PNAC” [Project for a New
American Century] Kristol, Robert “PNAC” Kagan’, Joshua “Bomb Iran”
Muravchick, et Richard “Prince des Ténèbres” Perle. La société est
dirigé par Alan Mendoza, conseiller en chef du groupe parlementaire
interpartis sur la sécurité internationale et transatlantique.
La Henry Jackson Society est intransigeante sur sa « stratégie
avancée » pour la démocratie. Et Weiss est chargé du message. La Henry
Jackson Society est fière de la grande influence de son chef des
relations publiques : « Il est l’auteur de l’influent rapport
« Intervention en Syrie ? Une évaluation de la légalité, de la
logistique et des risques, » qui a été repris et approuvé par le Conseil
national Syrien. »
Le rapport original de Weiss a été rebaptisé “Safe Area for Syria” –
et a fini sur le site web officiel syriancouncil.org, comme pièce de la
littérature stratégique de leur bureau militaire. La reprise du rapport
de la Hery Jackson Society a été orchestrée par le fondateur et
directeur exécutif du Strategic Research and Communication Centre (SRCC)
– un certain Ausama Monajed
Donc, le fondateur de Barada TV, Ausama Monajed, a édité le rapport
de Weiss, l’a publié via sa propre organisation (le SRCC) et l’a
transmis au Conseil national Syrien avac le soutien de la Henry Jackson
Society.
La relation ne pouvait pas être plus étroite. Monajed en vient même à
traiter des demandes pour des « interviews de la presse avec Michael
Weiss. » Weiss n’est pas le seul stratégiste à avoir esquissé une
feuille de route pour cette guerre (de nombreux thinktanks y ont
réfléchi, de nombreux faucons en ont parlé), mais certains des aspects
les plus saillants sont le produit de sa réflexion.
L’Observatoire Syrien pour les Droits de l’Homme
La justification pour « l’inévitable » intervention militaire est la
sauvagerie du régime du président Assad : les atrocités, les
bombardements, les violations des droits de l’homme. L’information est
cruciale ici, et une source domine toutes les autres quant à la
fourniture d’informations sur la Syrie. Elle est citée à chaque fois :
« Le directeur de l’Observatoire Syrien pour les Droits de l’Homme
(OSDH) a déclaré à la Voice Of America que les combats et les
bombardements avaient tué au moins 12 personnes dans la province de
Homs. »
L’OSDH est communément utilisé comme unique source pour
d’informations et de bilans statistiques. Cette semaine, par exemple,
l’AFP a publié cette dépêche : « Les forces syriennes ont bombardé les
provinces d’Alep et de Deir Ezzor et au moins 35 personnes ont été tuées
dimanche dans tout le pays, dont 17 civils, a annoncé un organisme
d’observation. » Différentes atrocités ainsi que des chiffres de pertes
sont énumérés, tous en provenance d’une seule source : « Rami Abdel
Rahman, le directeur de l’Observatoire a déclaré par téléphone à
l’AFP. »
Des statistiques plus horribles les unes que les autres parviennent
en nombre de « l’Observatoire Syrien pour les Droits de l’Homme » (AP)
Il est difficile de trouver une information de la prese sur la Syrie qui
ne le cite pas. Mais qui sont-ils à l’OSDH ? « Ils », c’est Rami
Abdulrahman (ou Rami Abdel Rahman), qui réside à Coventry.
Selon une dépêche Reuters de décembre de l’an dernier : « Quand il ne
répond pas aux appels téléphoniques de la presse internationale,
Abdulrahman n’est qu’à quelques minutes, plus bas dans la rue, à sont
magasin de vêtements qu’il gère avec sa femme. »
Quand le blog Middle East live du Guardian avait cité « Rami
Abdul-Rahman de l’ Observatoire Syrien pour les Droits de l’Homme, » il
avait aussi proposé un lien vers un article sceptique du Modern Tokyo
Times, un article qui invitait les organes d’information à être un peu
« plus objectifs quant à leurs sources » quand ils citent « cette
soi-disant entité, » qu’est l’OSDH.
Ce nom, « Observatoire Syrien pour les Droits de l’Homme », sonne si
respectable, si inattaquable, si objectif. Et pourtant, quand
Abdulrahman et sont « ONG basée en Grande Bretagne » (AFP/NOW Lebanon)
sont la seule source pour de nombreuses informations sur un sujet aussi
important, il pourrait sembler raisonnable de soumettre cet organisme à
un ewxamen un peu plus approfondi que ce qui a été fait jusqu’à présent.
Cet Observatoire n’est en aucun cas la seule source syrienne
d’informations à qui on pourrait faire confiance aveuglément ou presque…
Hamza Fakher
La relation entre Ausama Monajed, le CNS, les faucons de la Henry
Jackson Society et un média accepté sans condition peut s’observer dans
le cas de Hamza Fakher. Le 1er janvier, Nick Cohen écrivait dans
l’Observer : « Pour avoir un aperçu du niveau de la barbarie, écoutez
Hamza Fakher, un militant pour la démocratie qui est une des sources les
plus fiables sur les crimes que cache le blackout du régime sur
l’information. »
Il poursuit en reprenant les horribles récits de Fakher de tortures
et de massacres. Fakher parle à Cohen d’une nouvelle technique de
torture dont il a entendu parler, la plaque brûlante : « imaginez toute
la chair fondant jusqu’à l’os avant que le prisonnier tombe sur la
plaque. » Le lendemain, Shamik Das, écrivant sur la « base de preuves »
dans le blog progressiste Left Foot Forward, cite la même source :
« Hamza Fakher, un militant pour la démocratie, décrit l’affligeante
réalité… » – répète le compte rendu de Cohen sur les atrocités.
Alors, qui est exactement le « militant pour la démocratie » Hamza Fakher ?
Il se trouve que Fakher est le co-auteur de Revolution in Danger, un
« briefing de le Henry Jackson Society, » publié en février 2012. Il a
co-rédigé ce document avec Michael Weis, le directeur de la
communication de la Henry Jackson Society. Et quand il ne co-écrit pas
des briefings de la Henry Jackson Society, Fakher est le directeur de la
communication du Strategic Research and Communication Centre (SRCC)
basé à Londres. Selon leur site web, « Il a rejoint le centre en 2011 et
a été chargé de la stratégie et des produits de communication du
centre. »
Comme vous vous en souvenz sans doute, le SRCC est dirigé par Ausama
Monajed : « M. Monajed a fondé le centre en 2010. Il est largement cité
et interviewé dans la presse et les médias internationaux. Il
travaillait auparavant comme consultant en communication en Europe et
aux Etats Unis t a été directeur de Barada Television… »
Monajed est le patron de Fakher.
Si ce n’était pas suffisant, pour la touche finale de Washington, on
trouvera au conseil d’administration du Strategic Research and
Communication Centre, Murhaf Jouejati, profeseur à la National Defence
University, à Washington – « la première institution de formation
militaire interarmes (JPME oint Professional Military Education) qui est
« sous l’autorité de son président, le chef d’état-major interarmes. »
Si vous aviez envie d’aller faire un tour au “Strategic Research and
Communication Centre” de Monajed, vous le trouverez à cette adresse :
Strategic Research & Communication Centre, Office 36, 88-90 Hatton
Garden, Holborn, London EC1N 8PN.
Office 36 à 88-90 Hatton Garden est aussi l’endroit où vous trouverez
le siège londonien de The Fake Tan Company, Supercar 4 U Limited, de
Moola loans (une société de crédit), d’Ultimate Screeding (for tous vos
besoins de nivelage), and The London School of Attraction – « un centre
de formation londonien qui aide les hommes à développer les compétences
et la confiance pour rencontrer et attirer les femmes. » Et encore une
autre centaine d’entreprises. C’est un bureau virtuel. Il y a d’ailleurs
quelque chose d’étrangement approprié dans tout ça. Un « centre de
communication » qui n’a même pas de centre, de local – un nom pompeux
mais sans substance concrète.
C’est la réalité de Hamza Fakher. Le 27 mai, Shamik Das de Left Foot
Forward a cité à nouveau un récit d’atrocités relaté par Fakher qu’il
présente cette fois comme « le récit d’un témoin oculaire » (ce que
Cohen n’a jamais affirmé) et qui maintenant s’est cristallisé comme
étant « le dossier du régime Assad. »
Ainsi, un rapport sur des atrocités fourni par un stratégiste de la
Henry Jackson Society qui est le responsable de la communication du
service des relations publiques de Mosafed a prisl’envergure d’un
« dossier » historique.
Je ne veux pas dire que les récits d’atrocités sont forcément faux,
mais combien parmi ceux qui les prennent pour argent comptant
s’intéressent à leurs origines ?
Et n’oublions pas, la déstabilisation qui a été entreprise dans le
domaine de l’information et de l’opinion publique l’est encore plus sur
le terrain. Nous savons déjà que (au minimum) « la CIA et le Département
d’Etat… aident l’Armée Syrienne Libre de l’opposition à développer des
routes logistiques pour acheminer des fournitures à l’intérieur de la
Syrie et donnent une formation dans le domaine des
[télé]communications. »
Les soutes à bombes sont ouvertes. Les plans ont été préparés.
Ces choses étaient en préparation depuis longtemps. L’énorme énergie
et la planification méticuleuse qui ont été investies dans ce changement
de régime – c’est à couper le souffle. La force de persuasion et les
entrées politiques des grandes fondations et des thinktanks politiques
sont considérables, mais l’examen des sources ne se contente pas de
titres pompeux, de bourses de recherche et de « briefings de
stratégie. » On doit demander : directeur exécutif de quoi exactement.
Le fait d’avoir les mots « démocratie » ou « droits de l’homme » dans
l’intitulé de votre job ne vaut pas dispense de ce contrôle.
Et si vous êtes un « responsable de la communication, » cela implique
que vos paroles doivent être accueillies avec une prudence extrême.
Weiss et Fakher, tous deux responsables de communication sont des
professionnels des relations publiques. Lors de l’évènement de Chatham
House en juin 2001, monajed était inscrit en tant que « directeur de la
communication de la National Initiative for Change » et il était
directeur des relations publiques pour le Mouvement pour la Justice et
le Développement (MJD). Le craéteuutr du site web d’informations NOW
Lebanon, Eli Khoury, est un cadre publicitaire de Saatchi. Ces
responsables de la communication travaillent dur pour créer ce que
Tamara Witts appelait une [image de] « marque positive. »
Ils vendent l’idée d’une intervention militaire et d’un changement de
régime, que la presse grand public est pressée d’acheter. Beaucoup de
« militants » et de porte-paroles de l’opposition syrienne sont
étroitement liés (souvent financièrement) aux Etats Unis et à Londres –
ceux-là mêmes qui feraient l’ intervention. Ce qui veut dire que les
informations et les chiffres donnés par ces sources ne sont pas
nécessairement de la pure information – de sont des arguments de vente
dans une campagne de relations publiques.
Mais il n’est jamais trop tard pour poser des questions, pour
examiner des sources. Poser des questions ne fait pas de vous un
admirateur d’Assad – c’est un argument spécieux. Cele vous rend
seulement moins susceptible d’être induit en erreur par la propagande.
La bonne nouvelle, c’est qu’il nait un sceptique par minute.
Charlie Skelton
http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2012/jul/12/syrian-o...
traduit de l’anglais par Djazaïri
http://mounadil.wordpress.com/2012/07/16/syrie-et-propagande...