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mercredi 25 décembre 2013

Egypte : répression anti Frère, effet boomerang?  

 

 

 

Par Abdel Bari Attwan


IRIB- Le rédacteur en chef du journal Raï al-Youm, Abdelbari Atwan,
met en garde contre l’effet boomerang des mesures hâtives du gouvernement provisoire égyptien contre les Frères musulmans. 
Le rédacteur en chef du journal Raï al-Youm, Abdelbari Atwan, estime que la décision du gouvernement provisoire égyptien d’arrêter des leaders et des membres des Frères musulmans, et les déclarations du premier ministre qui les a qualifiés de terroristes risqueraient d’avoir des effets inattendus. « Il n’y a pas l’ombre d’un doute que le massacre de 13 personnes dans un attentat à la voiture piégé dans le delta du Nil est bel et bien un acte terroriste. Il est d’ailleurs l’une des attaques les plus meurtrières depuis l’arrestation du président destitué Mohammed Morsi. Mais le gouvernement provisoire doit rester prudent dans ses démarches à l’égard des Frères musulmans », a écrit le rédacteur en chef de Raï al-Youm. Abdelbari Atwan écrit que l’Egypte se trouve dans une période de transition très difficile caractérisée par une bipolarisation profonde au sein de la société égyptienne. Dans ce contexte, les responsables politiques ont décidé de déclencher une véritable guerre politique, médiatique et sécuritaire contre les leaders et les partisans des Frères musulmans et leurs alliés dans le groupe du Jimaa Islamiya.
L’auteur rappelle qu’à l’approche du référendum sur la nouvelle Constitution, il serait difficile d’imaginer qu’une grande vague de violence puisse se reproduire en Egypte où le gouvernement provisoire à interdit les activités des Frères musulmans, du Parti de la liberté et la justice, en annonçant que les Frères musulmans est une organisation terroriste. Abdelbari Atwan ajoute que les Frères musulmans ont vivement condamné le récent attentat terroriste dans le delta du Nil, mais les responsables du gouvernement n’ont pas pris au sérieux la prise de position de la confrérie. Peu après cet attentat, le Premier ministre Hazem Beblawi a déclaré que les Frères musulmans sont une organisation terroriste.
Le rédacteur en chef de Raï al-Youm écrit que les autorités du gouvernement provisoire ont bel et bien décidé d’intensifier leur guerre contre les Frères musulmans, et qu’elles veulent éradiquer complètement cette confrérie en tant que formation politique. En effet, le gouvernement semble avoir fermé toutes les voies sur la réconciliation ou le dialogue avec les Frères musulmans.
Les dirigeants actuels de l’Egypte estiment que la grande armée du pays (1 millions de soldats) et le grand empire de leur service de renseignement suffiraient à éradiquer totalement la confrérie. Pour le moment, tous les grands leaders des Frères musulmans sont en prison et attendent des condamnations lourdes comme la peine capitale ou des prisons à perpétuité. Mais il est difficile d’imaginer que le gouvernement actuel puisse aller si loin pour appliquer de tels verdicts.
Abdelbari Atwan a ajouté : « Nous avons dit plusieurs fois qu’il vaudrait mieux de permettre aux Frères musulmans à continuer leurs activités en toute légalité, au lieu de les pousser à redevenir une organisation clandestine. Nous avons toujours mis en garde contre les efforts en cours pour marginaliser la confrérie, car de telles mesures hâtives peuvent avoir un effet boomerang. Il suffirait de se souvenir de ce qui s’est passé en Irak, en Libye ou en Syrie, pour prévoir que cette politique ne réussira pas non plus en Egypte. Nous nous opposons donc à tous ceux qui en Egypte ou à l’extérieur du pays veulent marginaliser les Frères musulmans. Certains croient que la seule voie pour rétablir la sécurité et la stabilité en Egypte passerait par l’exclusion des Frères musulmans. Mais n’oublions pas, les Frères musulmans ne sont pas un petit groupuscule. Les services de renseignements auraient tort de croire qu’ils pourraient facilement éradiquer les Frères musulmans comme ils l’avaient fait dans les années 1970-1980 pour lutter contre le Djihad islamique ou le Jamaa Islamiya. »
Le rédacteur en chef de Raï al-Youm ajoute : « Il s’agit d’un mouvement islamique qui a des racines très profondes dans la société égyptienne. Les Frères musulmans sont là depuis plus de 80 ans. Ils profitent d’un soutien populaire indéniable. L’arrestation des leaders des Frères musulmans ne signifierait point la disparition de la confrérie. Autrefois, Gamal Abdel Nasser avait réussi à affaiblir considérablement les Frères musulmans en arrêtant leurs leaders et en exécutant leurs membres. Mais à cette époque-là, les Frères musulmans n’étaient pas aussi populaires et aussi puissants qu’aujourd’hui ; d’autant plus que la donne a complètement changé non seulement en Egypte, mais aussi dans le monde arabe et sur la scène internationale ».
L’auteur conclut que le gouvernement provisoire a eu tort d’annoncer que les Frères musulmans étaient terroristes sans avoir des preuves à l’appui. Cette décision du gouvernement pourrait pousser les branches radicales de la confrérie à se servir des armes et des méthodes violentes contre le gouvernement. Il rappelle qu’en Egypte une kalachnikov ne coûte dans certaines régions que 20 dollars, et que la situation peut tourner de sorte que les mouvements radicaux y trouvent un terrain favorable comme en Libye, au mali, au Tchad ou au Yémen. Abdelbari Atwan estime que chaque fois que l’armée égyptienne a essayé de restreindre ou d’interdire les activités des Frères musulmans, elle a commis des erreurs irréparables, et qu’il serait également une grande erreur de qualifier hâtivement la confrérie comme une organisation terroriste.

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