Quand l’armée irakienne est arrivée à Kirkouk, elle n’a rencontré aucune résistance. En fait, les soldats irakiens n’y ont trouvé qu’un climat politique alimenté par les discours et les prises de position en provenance d’Erbil et de l’Occident. Toute la hasbara autour des indomptables milices kurdes et des féroces guerrières du Kurdistan défendant pied à pied « leur terre » était une coquille vide et entièrement bidon. On s’était pourtant hâté de leur construire une histoire au sein de la grande Histoire pour les présenter en défenseurs de leur patrie millénaire.
Petit rappel. L’Etat Islamique décide d’envahir le nord de l’Irak. Ses hordes déferlent sur Mossoul, prennent la ville sans coup férir, chassant l’armée irakienne pourtant bien entrainée par les Etats-Unis. Scénario des plus improbables, mais que des experts ont vite expliqué en invoquant la trahison des militaires irakiens pour des raisons aussi bancales les unes que les autres. Après tout, ne sommes-nous pas au Moyen-Orient compliqué où tout est possible et où n’importe quelle histoire est facile à gober ?
Mossoul prise, l’EI se taille un califat dans le nord de l’Irak et dans le nord de la Syrie. Rappelons cependant que Mossoul, la nouvelle capitale de l’EI, se trouve à peine à 80 kilomètres d’Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. Pour garder intacte l’image des Peshmergas kurdes, des addendum sont rajoutés au récit officiel des conquêtes de l’EI. Les Peshmergas auraient stoppé la formidable avancée des djihadistes qui avaient pourtant réussi à défaire l’armée irakienne. Les indomptables Peshmergas, dont le territoire se trouve à un jet de pierre du centre de décision de l’EI, arrivent à tenir tête au plus formidable rassemblement de mercenaires que la terre ait jamais connu et qui fait encore trembler le monde entier.
Dans ces conditions, on ne peut qu’être admiratif devant ces intrépides guerriers. Mais cela ne suffisait pas. Il fallait que l’histoire soit plus belle, mais surtout plus télégénique. L’idée d’y rajouter des amazones défendant leur liberté fut un coup de génie. La ruée des grands médias sur cette manne inespérée fut immédiate. Toute grande rédaction qui se respecte se devait de faire son reportage sur les nouvelles amazones, sur fond de lutte des femmes. On a ainsi vu apparaitre sur nos écrans et dans nos magazines des images de filles armées jusqu’aux dents, mais qui semblaient pour la plupart sortir d’un salon de maquillage ou de coiffure.
Là où les armées de deux pays (la Syrie et l’Irak) arrivaient péniblement, au prix d’énormes sacrifices, à maintenir leurs positions malgré l’aide de milices aguerries comme le Hezbollah et des soutiens aériens, nos charmantes amazones fraichement formées réussissaient à tenir à distance les combattants daéchistes, les narguant à partir de leurs positions protégées d’où les correspondants des magazines pouvaient  photographier sous toutes les coutures. Elles ont ainsi fait la Une de tous nos journaux et télés atlantistes qui les présentaient comme des personnages de film, avec un courage, une détermination et un sang-froid à couper le souffle tels qu’on en voit que dans les grandes productions hollywoodiennes.
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Reportage d’Arte : Les amazones du Kurdistan irakien
 L’express
Aujourd’hui, nous voyons à quoi tout cela était destiné. L’opération médiatique autour des amazones kurdes défendant « leur patrie » est de la même nature que celle qui a accompagné l’immense colonne de camionnettes indétectables par les systèmes de surveillance aérospatiales des Etats-Unis (mais parfaitement visibles de Hollywood) lors de l’invasion de Mossoul. Les deux opérations ont débuté presque en même temps, mais ont été présentées comme des opérations antagonistes, avec deux camps opposés. Dans la réalité, il n’en était rien ; il n’y avait ni ami ni ennemi, sauf sur le plan médiatique. Bien sûr, il y avait des morts  de part et d’autres, et dans tout le Moyen-Orient, mais c’était des morts acceptables aux yeux de ceux qui ont organisé cette longue guerre et aussi dans l’esprit de ceux qui l’observent de loin. Et l’on sait qu’une guerre, quelle qu’elle soit, peut toujours continuer tant que le nombre de morts et leur qualité restent « acceptables ». L’essentiel ici est que le plan initial continue.

La débâcle des Peshmergas va certainement entrainer des couinements dans la presse occidentale, mais ça n’ira pas bien loin. La médiatisation des amazones n’était qu’une opération ponctuelle sans grande valeur militaire servant à soutenir l’idée d’un Kurdistan qui se bat et se battra pour la bonne cause. Mais il semble que rien n’a fonctionné comme prévu, les Peshmergas ayant tout simplement disparu dans la nature devant l’armée irakienne.
Avic – Réseau International