ELWATAN-ALHABIB
samedi 11 février 2017
 

Trump suscite la furie des médias en disant que les États-Unis sont responsables de tueries





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La fureur déchaînée par les remarques du président Donald Trump dans sa réponse au commentateur Bill O’Reilly de Fox News qui a qualifié le président russe Vladimir Poutine de «tueur» lors d’une interview diffusée dimanche continue de faire des vagues et de susciter des condamnations hypocrites de la part des chefs de file républicains et démocrates.
En réponse à la dénonciation de Poutine par O’Reilly, Trump a déclaré:
«Il y a beaucoup de tueurs. Nous avons beaucoup de tueurs. Quoi? Vous pensez que notre pays est si innocent?»
Trump a ensuite fait référence à l’Irak pour faire valoir son point. Le visage d’O’Reilly s’est alors affaissé, car il ne savait absolument plus quoi dire. Le nouveau dirigeant du «monde libre» venait sérieusement de s’éloigner du discours officiel.
Pour les politiciens capitalistes des deux partis comme pour les médias, Trump a commis une faute impardonnable: dans ce cas-ci, il a dit quelque chose de tout à fait vrai au sujet du rôle de l’impérialisme américain dans le monde – même si uniquement pour des raisons purement pragmatiques liées à ses besoins politiques immédiats.
La position officielle d’indignation quant au commentaire impromptu de Trump aura peu d’effet sur le grand public. Les politiciens et les médias croient-ils vraiment que le public est si naïf et sa mémoire si courte? Les États-Unis sont un pays où le film The Bourne Identity (v.f. La mémoire dans la peau) et toute la saga de films qui ont suivi – dont la prémisse fondamentale est que le gouvernement américain est dirigé par des meurtriers – figurent parmi les films les plus populaires des vingt dernières années. Cette prémisse est bien fondée en fait. Au cours des 70 dernières années, les présidents et d’autres hauts fonctionnaires ont été impliqués dans l’autorisation et la mise en œuvre d’innombrables atrocités. Beaucoup de ces crimes ont été étayés dans les rapports officiels du gouvernement et lors de comparutions devant le Congrès des États-Unis.
Dans une revue de l’ouvrage de Joshua Kurlantzick A Great Place to Have a War: America in Laos and the Birth of the Military CIA, le critique Scott Shane écrivait dans l’édition du New York Times du 3 février:
«Prenant la parole en septembre dernier à Vientiane, la capitale du Laos, Barack Obama a mentionné un fait stupéfiant: que les États-Unis avaient, entre 1963 et 1974, largué deux millions de tonnes de bombes sur le pays, soit plus que le total lancé contre l’Allemagne et le Japon ensemble pendant la Deuxième Guerre mondiale. Cela fait du Laos, qui est légèrement plus petit que le Michigan, le pays le plus bombardé de l’histoire, a dit le président. Plus de quatre décennies après la fin de la guerre, les munitions non explosées tuent et mutilent encore des Laotiens, et Obama a annoncé qu’il doublait le financement américain pour les éliminer.»
Attirant l’attention sur l’information se trouvant dans le livre de Kurlantzick, Shane écrit:
«Lors de son premier mandat présidentiel, Richard M. Nixon a ordonné une escalade du nombre de bombardements, le faisant passer d’environ 15 sorties par jour à 300 par jour. “Combien de gens avons-nous tués au Laos?” demanda un jour Nixon à Henry Kissinger dans une conversation enregistrée. Kissinger lui a répondu : «Dans l’affaire laotienne, nous en avons tué environ 10, 15… – il voulait dire par là 10.000 ou 15.000 personnes. Le bilan final éventuellement allait être de 200.000 morts.»
Lorsque vient le temps de tuer, le gouvernement américain est sans égal. Dans ses nombreuses guerres d’agression, de la Corée au Vietnam, suivies par celles d’Afghanistan, d’Irak, en Libye et la guerre par procuration pour le changement de régime en Syrie, l’impérialisme américain a tué et mutilé des dizaines de millions de personnes.
La principale accusation portée contre Trump – tant par les prétendus libéraux du Parti démocrate que les droitistes républicains – est que ses propos impliquaient qu’il y avait une «équivalence morale» entre la Russie et les États-Unis. Cette expression était utilisée pendant la Guerre froide pour justifier tous les crimes commis par les États-Unis et leurs alliés, allant des dictatures sanglantes d’Amérique latine au régime d’apartheid en Afrique du Sud, sur la base qu’il ne pouvait y avoir «d’équivalence morale» entre le leader du «Monde libre» et l’«Empire du mal» soviétique.
Il n’y a, en fait, aucune équivalence. Quand il s’agit de tuer et de gangstérisme mondial, Poutine est du menu fretin comparé aux dirigeants des États-Unis.
Que le Parti démocrate se lance dans un tel mouvement réactionnaire vient prouver une fois de plus qu’il n’y a rien de progressiste dans sa prétendue opposition à Trump. Ce fait a été souligné lundi par les propos de la députée californienne Maxine Waters, une supposée démocrate «de gauche» et principale membre du Caucus noir au Congrès, qui a suggéré que Trump devrait être destitué parce qu’il «étreint Poutine alors que celui-ci poursuit son avance en Corée [sic].»
Derrière la fureur suscitée par les remarques de Trump se cachent de féroces divisions quant à la stratégie impérialiste que doivent suivre les États-Unis et les préparatifs de guerre de Washington qui sont apparues au grand jour avec le changement d’administration.
Ces différences ont été exacerbées par les récents événements en Syrie. La reprise du dernier bastion urbain des «rebelles» soutenus par les États-Unis à l’est d’Alep par le gouvernement syrien en décembre a été un revers colossal pour la politique américaine au Moyen-Orient.
Il y a des récriminations amères au sein de l’establishment de la politique étrangère à propos du recul de l’administration Obama de sa «ligne rouge» en 2013, alors qu’elle est presque allée en guerre sur la base de fausses accusations d’utilisation d’armes chimiques par le gouvernement syrien. Dans ces cercles, beaucoup estiment qu’une intervention militaire aurait été meilleure pour les intérêts américains, indépendamment de quelle nouvelle catastrophe cela aurait déclenchée.
Un article publié lundi dans le Washington Post mettant en garde contre le fait que les États-Unis font face à «un Iran beaucoup plus fort» après «des années de troubles dans le monde arabe», a précisé la situation que Washington confronte maintenant en termes on ne peut plus clairs:
«L’Iran et la Russie ont combattu ensemble pour assurer la survie du régime du président Bashar al-Assad, et ils travaillent actuellement à la conclusion d’un accord de paix en alliance avec la Turquie qui exclut tout rôle pour les États-Unis. Les États-Unis se retrouvent avec bien peu d’amis et bien peu d’influence, hormis les Kurdes dans le nord-est du pays.
«La Russie exerce la suprématie aérienne en Syrie, la Turquie exerce une influence sur les rebelles, mais c’est l’Iran qui tient le terrain…»
Parler de «respecter» Poutine, d’une éventuelle collaboration avec la Russie contre l’État islamique en Syrie et d’un assouplissement des sanctions n’est pas, comme les démocrates le laissent entendre, la preuve d’un contrôle secret exercé par le Kremlin sur Trump. Cela fait plutôt partie d’une stratégie bien définie consistant à éloigner la Russie de l’Iran afin d’ouvrir la voie à une nouvelle guerre au Moyen-Orient, tout en escaladant fortement les provocations contre la Chine.
Citant de hauts fonctionnaires restés dans l’anonymat, le Wall Street Journal a évoqué cette politique lundi: «L’administration explore des moyens de briser l’alliance diplomatique et militaire de la Russie avec l’Iran… La stratégie qui se profile vise à concilier les vœux apparemment contradictoires du président Donald Trump qui sont d’améliorer les relations avec le président russe Vladimir Poutine et de défier agressivement la présence militaire de l’Iran.»
Le stratège et conseiller de Trump à la Maison-Blanche, Stephen Bannon, un disciple et admirateur d’Adolf Hitler, voit sans doute le pivot de l’administration vers Moscou à travers le prisme historique du pacte Hitler-Staline qui a ouvert la voie à la Deuxième Guerre mondiale, une guerre qui a couté la vie ultimement à plus de 20 millions de Soviétiques.
Le gouvernement Poutine est susceptible de telles manœuvres. Il partage en effet toute la stupidité, le caractère arriéré et la myopie politique de la bureaucratie contre-révolutionnaire dirigée par Staline. Poutine se trouve au sommet d’un régime qui représente une clique d’oligarques rapaces qui se sont enrichis en pillant les biens de l’État et en exploitant et vendant les ressources de l’ex-Union soviétique. Ils sont impatients de voir la levée des sanctions américaines afin de pouvoir accélérer leur accumulation de richesses au détriment de la classe ouvrière russe.
Au sein de l’establishment politique des États-Unis et de l’immense appareil militaire et de renseignements de Washington, il y a une forte opposition au tournant qu’imprime Trump en politique étrangère. D’immenses ressources politiques, militaires et financières ont été investies dans les préparatifs de guerre contre la Russie, depuis le coup d’État en Ukraine au déploiement de milliers de soldats américains et de l’OTAN sur la frontière occidentale de la Russie. Les milieux dirigeants craignent qu’un changement dans la stratégie impérialiste soit imprudent et pose de sérieux dangers.
Alors que l’attention et l’indignation populaires se sont concentrées sur les décrets exécutoires antidémocratiques de Trump qui imposent une interdiction d’entrée aux musulmans et aux réfugiés, ordonnent la construction d’un mur le long de la frontière du Mexique, et jettent les bases pour l’organisation d’un coup de filet massif contre les travailleurs immigrés sans-papiers, une lutte sérieuse est menée en coulisse par les impérialistes quant à la stratégie mondiale qu’ils doivent suivre.
Cette lutte à propos de la politique étrangère à suivre est menée par deux bandes de truands tous aussi engagés les uns que les autres dans une escalade du militarisme américain afin de promouvoir les intérêts des banques et des sociétés transnationales basées aux États-Unis. Quel que soit le camp qui l’emportera, la menace d’une guerre mondiale, enracinée dans la crise du capitalisme mondial, ne fera que croître.
Bill Van Auken
 
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