On reste pantois devant le concentré de cécité politique que constitue l’opération « Tel Aviv à la plage » assumée et revendiquée par la maire de Paris.
Il faut vraiment être dans une drôle de bulle, hors du monde réel, pour ne pas avoir pensé un instant qu’il y avait là matière à scandale pour de très nombreux Français de tous milieux face à ce qui, pour le premier observateur venu, apparaît clairement comme une grossière opération de com. A tel point que certains ont pu légitimement croire un moment à une « intox ».
Le piquant de l’histoire est qu’au même moment, le Monde publiait un article intitulé « le tourisme israélien cherche comment sortir du marasme » dans lequel un responsable du secteur déclarait : «  La seule chose qui peut relancer la machine, c’est une énorme opération marketing à laquelle on allouerait des moyens financiers bien plus importants (…) Le vrai problème d’Israël, c’est le fossé entre l’image du pays et la réalité des faits ». L’image du pays, c’est bien le problème en effet car elle ne peut être dissociée du contexte général et de la politique d’un Etat aujourd’hui conduite par Benjamin Netanyahou. Mais qui, tout au long de son histoire, n’a jamais eu la volonté ni le courage de regarder la réalité en face et de voir l’autre, le Palestinien, comme un égal qui a les mêmes droits personnels ou nationaux.
Alors, obligée de venir en défense, Madame Hidalgo pousse le bouchon un peu loin et donne à Tel-Aviv le label de « première ville d’opposition ». Que la ville soit une des plus éloignées du messianisme religieux est une chose. Mais ses responsables et son maire Ron Huldaï, général d’aviation à la retraite, jouent en toute bonne conscience leur rôle dans la communication générale pour défendre l’indéfendable. Ce n’est pas nouveau et Hila Oren, la responsable de l’organisme en charge du développement culturel de la ville, le déclarait sans complexe en 2011 «La marque Tel-Aviv est un outil de contournement du conflit [car] Israël est un label difficile à vendre», ce qui avait à l'époque fait réagir plusieurs artistes israéliens du « camp de la Paix ».
C’est à cela que Madame Hidalgo prête la main aujourd’hui : une tentative dérisoire de « blanchir » l’image d’Israël. Il faudrait faire comme si le carnage de l’été dernier devait être passé par pertes et profits, comme si le blocus de Gaza (autre cité « qui ne dort jamais », mais pour d'autres raisons) appartenait au monde du virtuel, comme si les snipers de l’armée ne faisaient pas des « cartons » sanglants sur les manifestants palestiniens en Cisjordanie. Comme si les colons, qui ont dévoilé jusqu’où va leur idéologie criminelle et raciste, n’étaient pas le produit d’une politique mise en œuvre par tous les gouvernements israéliens depuis 1967 et aujourd’hui érigée en dogme.
Ce n’est pas en fermant les yeux ni en appelant à détourner les regards d’une situation coloniale inacceptable qu’on œuvre au « rapprochement des peuples » que dit appeler de ses vœux Madame Hidalgo. C' est en affrontant la réalité. Se cachant derrière des chimères, la maire de Paris a clairement signifié dans sa tribune du Monde qu'elle n'y est pas prête.
Taoufiq Tahani
Président de l'Association France Palestine Solidarité (AFPS)