La Suisse, un paradis fiscal parmi d’autres
Soupçons sur plus de 440 Algériens qui cumuleraient 671 millions de
dollars dans des comptes à la banque HSBC Genève, touchée par un
scandale financier d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent. Rois du
Maroc et de Jordanie, hommes d’Etat et personnalités politiques et du
spectacle sont cités.
La Suisse subit depuis quelques années des pressions de Bruxelles afin
de revoir la «manière de faire» de ses banques. L’affaire SwissLeaks
braque une nouvelle fois les projecteurs sur le système financier
suisse, qui a de tout temps constitué le paradis fiscal par excellence.
Le paradis fiscal qui n’est autre que la désignation d’un pays qui
favorise l’évasion fiscale avec son système d’imposition très faible et
l’absence de contrôle sur les avoirs garanti par le système du secret
bancaire. La Suisse est un des nombreux anciens paradis fiscaux existant
dans le monde.
Elle gagne sa place de plaque tournante de la finance mondiale au début
du XXe siècle, notamment grâce aux effets de la Première Guerre
mondiale. Durant la crise financière de 1929, la Suisse est épargnée
grâce aux dépôts de capitaux étrangers dans ses banques. De même, lors
de la Seconde Guerre mondiale, son statut de pays neutre lui permet le
rachat de l’or des Allemands qui utilisent les francs suisses pour
s’approvisionner en différents matériels de guerre.
Dans les années 1960 et 70, la Suisse est la place financière la plus
importante au monde ; les dépôts étrangers s’y multiplient. Le succès
des banques helvétiques est dans leur discrétion codifiée par la loi
fédérale de 1934, notamment dans son article 47 qui interdit à un
représentant d’une banque de divulguer la moindre information sur l’un
de ses clients. Des économistes ont estimé à 180 milliards d’euros le
total des dépôts étrangers en Suisse. L’ONG Tax Justice Network indique,
quant à elle, que le total des avoirs bancaires représente 820% du PIB
de la Suisse.
Mais cette situation n’est pas appelée à durer. La Suisse subit depuis
quelques années des pressions de Bruxelles afin de revoir la «manière de
faire» de ses banques. Ainsi, la Suisse décide «d’abandonner son secret
bancaire vis-à-vis de l’étranger dès 2018 avec le passage à l’échange
automatique de renseignements entre administrations fiscales».
Dans un entretien accordé au journal Swissinfo, le secrétaire d’Etat
chargé de cette réforme bancaire, Jacques de Watteville, déclare que
«l’échange automatique devrait s’appliquer à tous les pays, de la même
manière, sur la base de la réciprocité, les informations pourront être
échangées uniquement à des fins bien définies et seront soumises à la
protection des données et, enfin, la transparence s’appliquera également
aux trusts et autres entités juridiques».
Les candidats à l’évasion fiscale chercheront alors d’autres
destinations pour leur argent, puisque la liste des paradis fiscaux est
bien longue. M. Watteville estime que les autres places financières
–Luxembourg, Autriche, Singapour, Hong Kong ou Jersey – seront aussi
engagées dans l’échange automatique d’informations. Est-ce la fin des
paradis fiscaux ? Assurément non, puisque ces exigences de transparence
bancaire concernent les Etats membres de l’OCDE. Les Etats du Sud, où
même l’argent public est détourné par des représentants des Etats
eux-mêmes pour être domiciliés dans des paradis fiscaux, continueront à
faire le bonheur de ces derniers.
En l’absence de poursuites et de contrôle judiciaire, les oligarques du
Sud rempliront les caisses des places financières. On se rappelle tous
des avoirs mirobolants des anciens présidents tunisien Zine El Abidine
Ben Ali et libyen Mouammar El Gueddafi, déposés dans les banques suisses
et que ces pays peinent à récupérer. Les dictateurs et autres adeptes
du blanchiment d’argent sale trouvent leur compte dans les comptes
répartis dans les nombreux paradis fiscaux existant dans le monde.
L’ONG Tax Justice Network avait recensé, en 2013, pas moins de 83 pays
concernés. Parmi les plus connus figurent la Suisse, le Luxembourg, les
Etats-Unis avec l’Etat du Delaware, la City de Londres, l’Irlande,
Singapour, les îles Caïmans, les Bermudes, le Costa Rica, le Panama, les
Seychelles et Saint Kitts & Nevis. Dans les zones tournées vers la
finance offshore, on cite aussi le très «sérieux» Japon ou encore
l’Allemagne. Figurent en outre le Liban, le Botswana, le Brunei, le
Guatemala, les îles Marshall, les Vierges britanniques, le Montserrat,
le Nauru et le Niue.
N. B.
Enregistrer un commentaire