Stigmatisés par un certain discours politique au lendemain des
attentats de Paris, la population des banlieues ne compte pas se taire.
Plusieurs actions seront organisées pour dire «Halte à la stigmatisation
et aux amalgames».
Mohamed Mechmache, porte-parole de ce collectif et de AC Le Feu
(Association collectif, liberté, égalité, fraternité, ensemble, unis),
dit vouloir «mettre en garde contre les amalgames dont sont victimes les
musulmans de France et les habitants des banlieues». Notre
interlocuteur s’insurge contre l’instrumentalisation politique des
attentats : «Pour des raisons bien connues, nos responsables politiques
fuient encore une fois leurs responsabilités en parlant des conséquences
au lieu de parler des causes du problème.» Selon lui, «la situation
dans la banlieue est le résultat de la politique publique d’exclusion
depuis une trentaine d’années».
Ces derniers jours, en effet, des voix de la droite française et de
l’extrême-droite mettent en cause «la radicalisation qui se généralise
dans les banlieues». Ces attaques visent en réalité l’immigration
afro-maghrébine, concentrée dans les quartiers populaires. C’est une
manière de détourner le débat, d’après M. Mechmache. «Le problème de la
radicalisation islamiste dans les banlieues dépasse l’immigration.
Plusieurs jeunes Français de souche basculent aussi dans cet intégrisme.
La ghettoïsation des quartiers a coupé leur jeunesse de l’autre partie
de la République. La plupart de ces jeunes, quelle que soit leur
origine, se sentent marginalisés et rejetés par leur pays. La
radicalisation est une sorte de refuge et d’enfermement sur soi-même»,
nous explique-t-il.
Le responsable d’AC Le Feu pense que le problème dans les banlieues est
surtout socio-économique : «Les pouvoirs publics doivent assumer leurs
responsabilités au lieu de désigner des coupables qui ne le sont pas.
Ceci passe par la revue du fonctionnement de l’école afin d’arrêter la
saignée de l’échec scolaire dans nos quartiers. Beaucoup de nos jeunes
sont déconnectés du monde du savoir. Les gamins qui voient que leurs
grands frères, bac+5, sont au chômage, sont découragés et n’ont pas
envie de continuer.»
Pour un front commun contre le racisme
De son côté, Ahcène Meharga, porte-parole de l’association Banlieue
Plus, «refuse que le gouvernement français profite du contexte actuel
pour imposer une sorte de Patriot Act, loi d’exception instaurée aux
Etats-Unis après le 11 Septembre 2001». Pour lui, spécifier et
concentrer le débat politique autour de la banlieue et de l’immigration,
dans le contexte actuel, est «un mauvais signal à envoyer au
vivre-ensemble et une très mauvaise réponse à un problème plus profond
que vit la France depuis plusieurs années».
Il assigne la classe politique à «essayer de comprendre pourquoi des
enfants de la France, nés et ayant grandi au sein de la République,
s’attaquent à ses valeurs de cette manière. Ceux qui ont commis les
attentats sont bien des enfants de la France, non pas des immigrés ou un
commando étranger». M. Meharga persiste dans ce sens : «Certes, les
terroristes sont issus de l’immigration, mais ils ne représentent qu’une
infime minorité des enfants d’immigrés et de la communauté musulmane.
Il ne faut donc pas jeter l’opprobre sur l’ensemble de l’immigration et
ses enfants.»
Le responsable de Banlieue Plus souhaite continuer à activer dans le
sens des revendications exprimées lors du rassemblement de Bobigny et
appelle le gouvernement français à les associer «à la réflexion et au
travail pour trouver des solutions durables qui renforcent le
vivre-ensemble. Les hommes politiques doivent arrêter, dans l’intérêt de
la cohésion nationale, l’ostracisation de l’immigration et de lui faire
porter la responsabilité de tous les maux de la société».
Toujours dans ce sillage, l’association caritative Adra, qui active
spécialement auprès de la communauté algérienne, appelle également
«l’ensemble des associations citoyennes qui représentent nos
ressortissants à s’unifier. Il est important de faire un front commun
pour répondre aux attaques racistes que subissent les musulmans de
France et particulièrement la communauté algérienne». Ces terroristes
n’ont «de religion que celle de la terreur. Mais la politique arrive
toujours à récupérer ce genre de drames», regrette Ayad Yougourthen,
président d’Adra.
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