ELWATAN-ALHABIB
mercredi 22 octobre 2014
 
A quoi sert un pays aujourd'hui?



 
par Kamel Daoud
V itesse folle : le régime fouille le sol, trouve du gaz, le vend, le peuple le regarde, l'encercle puis lui demande plus, en faisant pencher la terre vers l'abîme. Le régime fouille encore, trouve et donne pour prendre plus. Les gens s'affolent, viennent, veulent, puis s'en vont. Le sol pèse sur le sous-sol, le comprime et le boit. Le régime a peur, creuse, encore, plus loin, trouve, donne, pompe. Son peuple mange, veut, menace, court puis mange, loge et bouge. En cercle. L'un mange l'autre. Un étrange corps composé d'une bouche aux deux bouts d'un ventre qui est, à la fois, convexe et concave : mange et se mange, dévore et produit. Cela donne une bête sombre qui a deux dos, pas de visage mais qui est, à la fois, sa proie et sa trace de pas sur la peau. Où va l'Algérie, vieille question d'un mort, devient celle d'une énigme biologique : comment cela va finir ? Un Président qui achète du temps, un peuple qui vend le temps de ses enfants. Manger, bouger puis bouger pour manger. Comment va finir donc l'équation algérienne ? Selon le pétrole, dit une réponse vieille comme la nationalisation. Un jour l'histoire aura une fin à cause de la fin du gisement. On le sait tous, mais nous fonçons, comme des drogués, vers le mur de la péremption.

Qui mangera le dernier mangé ? Fascinante perceptive gargantuesque. Car c'est intenable. Haddad prendra son avion, les harragua, la mer et le reste feront, à pied, le chemin vers le jugement dernier. C'est écrit sur n'importe quelle plaque de signalisation. D'où l'autre question, plus sombre mais tout à fait légitime, quand on est assis dans une gare par où ne passe que le souvenir : C'est quoi un pays, finalement ? Puis : à quoi sert un pays ? Sérieusement ? Au-delà du convenu patriotique et des formules habituelles ? Comme adresse administrative internationale ? Un endroit où la mémoire a des traces de pas ? Un lieu de naissance contré par une histoire de morts ? La question devient un droit, aujourd'hui : les pays ne servant pas à grand-chose, sauf à se souvenir ou à revenir. Face à la vastitude du monde, un Pays était une nécessité de racines et un contrepoids au glissement vers l'anonymat. Mais, aujourd'hui qu'il vous coûte cher, vous plombe, vous alourdit le songe et vous plonge dans le malaise ou la honte de soi ? Pourquoi devrais-je le porter s'il ne me porte pas ? Le pays est la peau. Au delà, il y a le sang, des miens. Puis vient la tribu, puis la mer annoncée par la bousculade des galets, le cousin lointain, le Québec, la connexion, Skype puis le capital Mondial. Donc, c'est à peine si, aujourd'hui, cela vous laisse de l'espace pour la notion du pays.

D'ailleurs, il y a redéfinition à venir : un pays ce n'est pas ce qu'on a libéré ou construit, mais ce qu'on va manger. Nés comme des cris, des pays meurent, ces temps-ci, comme des salades. On le voit, tous les jours, aux actualités
 
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