Comme
toujours, y prirent part également des professeurs, pour consultation.
Le professeur Aryeh Dvoretzky proposa de transférer les Gazaouis dans
les maisons de ceux qui avaient fui la Cisjordanie en 67. « Vous
provoquez (ainsi) des dissensions internes entre les habitants eux-mêmes
parce qu’ils ne voudront pas d’un afflux de population sur leurs
territoires. De cette façon, vous vous débarrassez d’un surplus
d’habitants dans la Bande de Gaza et vous empêchez le retour des
réfugiés en Cisjordanie. »
La Bande de Gaza était fichée comme une épine dans l’imaginaire
sioniste. On ne savait quoi en faire. Dans une tentative des plus
« sérieuse », le Premier Ministre, Levi Eshkol, nomma Ada Sereni, qui
avait déjà un certain passé dans l’activité secrète, à la tête d’une
équipe chargée d’envisager comment se débarrasser de cette population.
Sereni croyait possible d’ « évacuer » un quart de million de personnes
vers la Jordanie, pour un coût – relativement – insignifiant. Lors d’une
des discussions, Eshkol déclara : « Je les verrais bien s’en aller
tous, et même sur la lune » (Tom Segev, « 1967. Six jours qui ont changé
le monde »).
Si ce n’est qu’Israël n’est pas totalement libre de faire ce qu’il
veut et qu’aucune autorité extérieure ne lui aurait permis de
concrétiser son désir de se débarrasser d’une population. C’est de là
qu’ont germé ces délires de destruction qui ont pris forme avec les
années.
Une occupation fait naître de la résistance. Une occupation brutale
engendre une résistance brutale. Et aussi du terrorisme. Israël – qui ne
permettait pas même que des grèves commerciales aient lieu dans les
Territoires sans les frapper de lourdes sanctions : fermeture de
magasins, arrestations, torture – a bâti au fil des années la seule voie
sur laquelle il se réjouissait d’aller en découdre : celle des
« opérations ». Le meurtre de deux enfants israéliens à Gaza au début de
l’année 1971 constitua le signal pour l’unité « Shaked ».
L’unité « Rimon », placée sous le commandement de Meir Dagan, fut
elle aussi créée pour cette « opération ». Torture, chasses à l’homme,
emprisonnement, démolitions, assassinat de civils dans leurs
baraquements ainsi que de quelques dizaines de membres de la résistance
armée. Cette glorieuse « guerre contre le terrorisme », c’est Ariel
Sharon qui l’a menée. Des soldats qui avaient pris part à ce
débroussaillage en revinrent horrifiés. Notamment, par la vue de
cadavres au pare-choc des jeeps dans les rues.
Pourtant, le consensus sur l’oppression dans la Bande de Gaza était
solide, parce qu’aucun parti sioniste ne soutenait une indépendance
palestinienne et moins encore une indépendance intégrant la Bande de
Gaza. D’où, très tôt, son enfermement et son lent étranglement. D’où
aussi la duperie sur la question du lien terrestre entre la Bande de
Gaza et la Cisjordanie, promis dans les accords d’Oslo. D’où encore les
compliments adressés à Sharon pour son plan de « désengagement » (se
débarrasser de Gaza). Des massacres le précédèrent et d’autres vinrent
ensuite.
Des centaines de Palestiniens ont été tués et des milliers ont été
blessés depuis 2004 dans les opérations « Arc-en-ciel » (mai), « Jours
de pénitence » (septembre – octobre), « Pluies d’été » (de juin à
novembre 2006), « Hiver chaud » (février - mars 2008). Même ceux qui
font profession de victimes et ceux qui ont la mémoire courte et ne
vivent que la dernière guerre en date se souviennent de l’horreur que le
gouvernement Olmert a portée à un nouveau sommet avec l’opération
« Plomb durci » (hiver 2008-2009). Jamais il n’y a eu de lien réel entre
les événements et les coups portés par l’armée israélienne en
« riposte » : ils ne furent jamais que des occasions de dévastations. La
politique [israélienne] des assassinats fournissant son déclencheur
habituel.
Plus l’oppression était féroce, plus la résistance se faisait
radicale. En comparaison avec le Hamas, le « Front populaire de
Libération de la Palestine » d’autrefois apparaît maintenant comme un
cercle de marxisme humanitaire. Mais la ténacité du Hamas dans
l’engagement actuel ne témoigne pas seulement de l’aveuglement de nos
dirigeants mais aussi du degré d’absence de choix des habitants du
ghetto assiégé et bombardé depuis des années.
Ceux qui multiplient les vexations à l’adresse de Benjamin Netanyahou
pour son échec feraient bien de se détendre. Même si on nous a présenté
les « objectifs de l’opération » et même s’ils n’ont pas été atteints,
les planificateurs font toujours au moins l’hypothèse d’un résultat
concret : Gaza ne disparaîtra pas ? Alors, nous tuerons là-bas, nous
détruirons, « nous les ramènerons à l’âge de la pierre », qu’ils passent
encore des années à se confronter au deuil, à la douleur de vivre parmi
des ruines, sans électricité ni eau. Après cela, ils tireront de
nouveau depuis leurs taudis, et nous dévasterons. Ils tireront. Nous
dévasterons. Mais les gens de « l’enveloppe de Gaza » alors ? Le peuple
est avec vous. Il n’y a pas d’appâts plus formidables que vous !
Haaretz
Traduction de l’hébreu Info Palestine : Michel Ghys
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