Crise politique : Pourquoi l’armée est-elle sollicitée
Des partis politiques et des personnalités nationales de poids et de
divers horizons interpellent l’armée pour juguler la crise dans
laquelle s’enlise le pays et aider à l’élaboration d’une perspective de
mise en place d’un régime démocratique.
Fortement sollicitée pour peser de tout son pouvoir en faveur d’un
changement démocratique, le commandement militaire cristallise tous les
regards. En raison du flou politique dominant et surtout d’un chef
d’Etat absent renforçant une périlleuse impasse, alors que les rumeurs
font rage au sein du sérail, l’armée est de plus en plus sollicitée pour
assumer son rôle historique. Des partis politiques et des personnalités
nationales de poids et de divers horizons l’interpellent pour juguler
la crise dans laquelle s’enlise le pays et aider à l’élaboration d’une
perspective de mise en place d’un régime démocratique.
La grande muette, dont le rôle a été de tout temps déterminant dans les
choix politiques comme dans la désignation des chefs d’Etat, est ainsi
mise aujourd’hui face à ses responsabilités en tant que dépositaire du
pouvoir réel car c’est elle qui «donne la légitimité aux civils pour
gouverner», dixit l’ancien chef du gouvernement, Mouloud Hamrouche. Et
c’est précisément ce dernier qui, depuis la campagne pour reconduire
Abdelaziz Bouteflika au poste de président de la République pour un
quatrième mandat qui fait peser sur l’armée une forte pression pour
rappeler sa mission historique. «Faire allégeance au pays et à l’Etat de
droit en non pas aux hommes», l’invite-t-il.
Le chef de file des réformateurs ne cesse depuis d’appeler à forger «un
nouveau consensus national» dont l’armée serait un acteur majeur car,
selon lui, sans elle «rien ne pourra se faire». M. Hamrouche, au double
parcours militaire et politique, fait la démonstration qu’il n’est «pas
dans l’intérêt de l’armée de rester figée dans la situation actuelle».
D’autres acteurs politiques se rallient également à l’idée de s’appuyer
sur l’institution militaire pour amorcer un processus de changement
politique démocratique.
De nombreuses formations politiques travaillent à l’élaboration d’un
compromis historique et convient le pouvoir à aller vers un changement
de régime. Mokrane Aït Larbi a ainsi apporté sa contribution au débat
sur le rôle de l’armée dans «une transition démocratique et pacifique».
Pour l’ancien dirigeant du RCD, il ne s’agit pas d’appeler à un coup
d’Etat militaire, mais face à « un dialogue de sourds qui s’est
installé entre le pouvoir et l’opposition, l’armée détient la clé de la
solution». En rappelant que l’armée a eu depuis l’indépendance « un rôle
politique qui a pesé dans les évènements à commencer par l’élection de
l’assemblée nationale constituante en 1993 jusque au quatrième mandat.
C’est le commandement militaire qui a fabriqué les présidents, de
Ben-Bella à Bouteflika et c’est le même commandement qui a fixé les
grandes lignes de l’Etat. L’armée a pesé dans les grands évènements
positivement ou négativement et c’est elle qui déteint les moyens
matériels et humains et les compétences capables de contribuer
efficacement à un changement démocratique (…)».
L’avocat poursuit son analyse en considérant que l’armée qui devrait
être au « service de l’Etat, du peuple et de la nation en non pas au
profit de d’un pouvoir, d’un groupe ou d’un système ne peut retourner
aisément dans les casernes alors que l’Algérie est dans une crise
multiformes. Dans le contexte actuel, son rôle est de convaincre le
président de la république de la nécessité de parvenir à un accord
impérieux entre le pouvoir et l’opposition autour d’un plate forme
adoptée par tout le monde dans la perspective d’un changement pacifique
et éviter une nouvelle tragédie».
La grande muette restera-elle sourde ?
Ces appels seront-ils entendus? La grande muette restera-elle sourde
aux «appels patriotiques» ? S’il est admis que durant la période
post-octobre 1988 l’armée était soudée autour d’un groupe de généraux
puissants qui se sont jetés dans l’arène et façonné le paysage
politique, aujourd’hui, après quinze ans de règne de Bouteflika c’est le
paysage de l’institution militaire qui a sensiblement changé. La guerre
que se sont livrée des segments du pouvoir à la veille du scrutin
présidentiel du 17 avril a vigoureusement révélé les dissensions, les
divisions et surtout les tensions qui caractérisent le pouvoir et son
épicentre militaire.
Une escalade qui avait dévoilé les désaccords entre les centres de
décision. Le Département du renseignement et de la sécurité a été
violemment secoué et son patron, le général Toufik, a été mis en cause
et en «difficulté» par le clan présidentiel via le FLN. Des analystes
estiment que le commandement militaire n’est plus un bloc homogène et
hégémonique. «En trois mandats, Bouteflika et son clan ont réussi à
asseoir leur pouvoir et l’élargir à mesure que les puissants chefs
militaires quittaient leurs fonctions».
Les rapports de force dans le sérail ne sont pas restés figés. Le règne
de Bouteflika a donné naissance à d’autres groupes influents au sein du
pouvoir s’appuyant sur l’informel dominant et surtout sur
l’accumulation de grosses fortunes qui contrebalancent le poids des
militaires et des politiques. L’apparition de cette «nouvelle force» à
une capacité de nuisance certaine qui évolue en neutralisant d’autres
forces et à leur tête celle de l’armée. Cette dernière faut-il le
souligner est fortement sollicitée militairement en raison du contexte
sécuritaire régional.
Ses chefs sont pour la plupart au crépuscule de leur carrière. Les
acteurs politiques les appellent à accomplir leur denier acte. «Sauver»
le pays d’un chaos menaçant ! Les généraux- majors, Toufik et Gaïd Salah
interpellés par Mouloud Hamrouche ont-ils la volonté et la possibilité
de le faire, eux qui étaient «forcés à maintenir le statu quo» ?
N’est-il pas illusoire d’accorder des vertus démocratiques à des
prétoriens qui ont façonné un ordre autoritaire ? Ceux qui exhortent
l’armée à assumer son rôle dans le changement démocratique tablent sur
une situation d’urgence nationale. «Les décideurs militaire sont enclins
à l’ouverture quand le danger se fait imminent», proclame un
connaisseur du sérail. En somme, à court terme, une succession devrait
s’ «organiser» à des niveaux différents au sein du pouvoir.
L’inéluctable départ à la retraite des patrons du DRS, Mohamed Mediène,
et du chef d’état-major, Ahmed Gaïd-Salah. Reste le chef de l’Etat dont
l’état de santé est incertain, et qui focalise toutes les incertitudes.
Ces départs vont-ils alors induire des changements profonds dans la
nature du régime politique? En tout état de cause, la classe politique
,comme le reste de la société l’espèrent ardemment.
Hacen Ouali
Commentaire:
A.Dehbi
LE SEUL CADRE LEGITIME D'UNE INTERVENTION DE L'ARMEE
Si
l'Institution militaire nationale qu'est l'ANP doit faire le ménage
quelque part, elle doit d'abord le faire en son propre sein, pour être
pleinement légitimée à intervenir dans le champ politique, afin de faire
respecter la Constitution, en particulier dans ses dispositions
relatives aux conditions d'exercice de la fonction de Président de la
République, en sa double qualité de Chef de l'Exécutif et de Commandant
Suprême des Forces armées.
Ainsi, si elle doit s'impliquer, l'armée
se grandirait en assumant cette intervention exclusivement au nom des
intérêts supérieurs du peuple algérien et de la nation algérienne et non
pas au nom de tel ou tel clan d'oligarques corrompus, repus mais
toujours insatiables – civils et militaires confondus – qui considèrent
l'Etat, comme leur propriété familiale ou clanique, et le peuple
profond, comme une plèbe d'un autre âge, qui ne mérite ni libertés
publiques, ni statut politique ni dignité socio-économique.
Le Chef
de l'Etat, M. Abdelaziz Bouteflika doit être dignement et
constitutionnellement destitué, en vertu des dispositions-mêmes de la
Constitution. Cet acte constitutionnel, permettra du même coup de
délégitimer toute cette faune familiale et clanique d'opportunistes et
d'aventuriers de tous bords, sans foi ni loi, gravitant autour d'un
homme malade et d'âge avancé, formant autour de lui, des centres de
pouvoirs clandestins, pour la plupart d'entre eux, soumis à des
influences de toutes sortes, aussi bien de l'intérieur que de
l'extérieur. Et peut-être même plus que des influences : des pressions,
voire des diktats, auxquelles l'institution militaire a le devoir sacré
de mettre fin ; encore une fois, au nom des intérêts supérieurs du
peuple algérien et de la nation algérienne.
Le monde est
probablement à la veille d'un conflit mondial majeur et généralisé et
beaucoup d'experts géostratégiques parlent carrément de 3ème Guerre
Mondiale…
La Souveraineté nationale et l'indépendance du peuple
algérien sont au-dessus des calculs idéologiques et partisans, et à plus
forte raison, au-dessus des prétentions des castes et des intérêts de
clans et de personnes, quels que soient leurs positions civiles ou
militaires. Il est urgent pour notre pays, de mettre en place un
Gouvernement technocratique de Transition, dirigé par une personnalité
d'envergure et de notoriété, jouissant d'une autorité morale
incontestable, ayant pour mission, sous un délai n'excédant pas un an,
d'organiser dans la loyauté et la transparence, l'élection d'une
Assemblée Constituante, qui sera chargée, en tant que dépositaire de la
Souveraineté du Peuple algérien, de doter l'Algérie d'une nouvelle
Constitution qui sera nécessairement le reflet authentique des
aspirations et de la volonté de ce Peuple, telle qu'exprimées par le
suffrage universel.
Ce sera l'honneur de l'armée algérienne et de
son élite nationaliste, d'accompagner dans l'Ordre, la Paix et la
Justice, une authentique Transition démocratique de l'Algérie vers le
statut d'un Etat digne de ce nom, respecté à l'intérieur et à
l'extérieur ; un Etat d'égalité réelle des droits et des devoirs entre
les citoyens ; un Etat d'où seront bannis la "hogra" et l'exclusion,
l'impunité et l'injustice, par-delà les considérations d'ordre culturel,
idéologique ou politique. En un mot, un Etat de Droit authentique.
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