Air Algérie : Cadres et employés accusent
1-Demande d’attribution d’un billet gratuit à un jeune...
Un groupe d’employés et de cadres d’Air Algérie, qui a saisi le
ministre des Transports début août pour dénoncer la mauvaise gestion de
la compagnie aérienne, attaque de nouveau l’entreprise, documents à
l’appui.
«Ils sont responsables du marasme et de l’humiliation» que connaît le
pavillon national depuis le crash du vol AH5017 au Mali. Le groupe
d’employés et de cadres d’Air Algérie accuse l’actuel PDG d’Air Algérie,
Mohamed Salah Boultif, et les différents responsables de la compagnie,
qu’ils qualifient aussi de «courtisans». Documents à l’appui, ces
fonctionnaires ont décidé de rendre publics plusieurs éléments en leur
possession censés prouver la mauvaise gestion de l’entreprise et
impliquer différents hauts responsables de l’entreprise publique dans
des affaires d’«abus de pouvoir» et de «mauvaise gestion».
Le 2 août dernier, ils avaient déjà écrit au ministre des Transports,
Amar Ghoul : «Le népotisme, le régionalisme, l’injustice,
l’incompétence, l’immobilisme, l’absence d’anticipation, la cupidité, la
démission du collectif et la personnalité même du PDG d’Air Algérie
sont autant d’éléments qui pourraient expliquer, un tant soit peu,
l’incurie actuelle.» Ils dénoncent d’abord «les pertes financières
colossales qui ne laissent aucun doute sur la façon dont est gérée Air
Algérie». Dans une lettre adressée au directeur de la CNAS, où le
directeur des ressources humaines demande «des attestations de
cotisations sociales des employés expatriés en Italie (Rome) pour
justifier auprès des autorités italiennes, leurs cotisations en Algérie
durant leur période de détachement», il a été rapporté qu’«Air Algérie a
été pénalisée par les autorités italiennes pour un montant de plus de
500 000 euros».
Autre dossier : la construction du nouveau siège de la compagnie à Bab
Ezzouar. En avril 2013, l’entreprise chargée de la construction, SM
International, a lancé une procédure d’arbitrage international pour
régler un litige relatif à la résiliation du contrat avec Air Algérie.
Au-delà de l’affaire elle-même, le groupe s’inquiète des frais
qu’implique cette résiliation de contrat car SMI réclame… 90 millions
d’euros de dommages et intérêts. Les membres du collectif pointent aussi
du doigt l’agent général syrien, GSA, responsable de l’activité
commerciale d’Air Algérie en Syrie. Selon eux, il aurait détourné «plus
de 10 millions d’euros avant de s’évaporer dans la nature suite aux
événements en Syrie».
Sur un autre plan, le groupe déplore le manque de gestion et de vision
qui a mené la compagnie à perdre de nombreux marchés. «Nous rappelons
que le fret et cargo d’Air Algérie demeure l’otage des compagnies
étrangères. La compagnie doit, impérativement et sans tarder, chercher
un partenariat stratégique pour reprendre les parts du marché national.»
Il appelle aussi à revoir la politique commerciale de l’entreprise.
HUB
«Quatre compagnies aériennes se partagent le marché Alger/Paris : Air
France, Aigle Azur, Air Algérie et Air Méditerranée. Air Algérie perd du
terrain sur son propre marché, ce qui implique une baisse de son
chiffre d’affaires. Il n’existe aucune politique commerciale, car la
division commerciale est plongée dans des problèmes interminables dus
aux agissements néfastes du PDG et du directeur de l’aviation civile»,
dénonce-t-il. Le projet de réalisation d’un hub qui intégrera la
compagnie dans le trafic de transit tarde à voir le jour. Ce projet
donnera à Air Algérie la possibilité d’intégrer l’une des trois
alliances mondiales - Skyteam, Star Alliance ou One World - comme c’est
le cas de plusieurs pays africains, à savoir l’Egypte, l’Ethiopie,
l’Afrique du Sud et le Kenya.
«Tunis Air et Royal Air Maroc se sont accordées avec plusieurs
compagnies aériennes de renommée internationale sur des marchés communs,
contrairement à Air Algérie qui brille par son absence et son manque de
vision stratégique de développement. Elle n’offre aucune opportunité de
correspondances sur d’autres destinations et perd du terrain sur son
propre marché. Cette situation est grave quand on sait qu’Air Sénégal
International s’est entendue avec South African Airlines sur les
destinations de New York et Johannesburg», déplorent les membres du
collectif. Quant au projet des filiales d’Air Algérie, le groupe déclare
avoir totalement perdu espoir. «Le dossier reste au stade embryonnaire.
Le projet reste sans suite malgré tous les moyens dont dispose
l’entreprise publique», accuse un cadre.
Sonacom
Autre problème : l’achat de 16 nouveaux avions. D’après un pilote en
exercice, trois d’entre eux sont de type ATR 72-600, dotés d’un nouveau
cockpit au design évolutif et largement différent des cockpits ATR 72
connus jusque-là. «Les mises à niveau périodiques des pilotes (tous les
six mois, ndlr) pour la revalidation de leur licence de vol sur les
avions de type ATR 72-600 ne peut se faire sur le simulateur ATR 72-500
acquis par Air Algérie. La compagnie sera donc dans l’obligation
d’envoyer les équipages qualifiés à l’étranger pour des mises à niveau
en dépit d’un investissement de 10 millions de dollars. Soit le coût
d’un simulateur, si l’on additionne la prise en charge des équipages,
les frais de mission et le coût des séances qui se situent entre 300 et
400 euros/heure», explique-t-il avant de proposer de vendre les anciens
ATR et les remplacer par des ATR 72-600 pour n’opter que pour un
simulateur, puisqu’ATR ne fabrique plus le 72-500. Le collectif affirme
encore que la compagnie est devenue «l’employeur exclusif des amis et
proches de hauts responsables».
«Le recrutement ne se fait pas à partir des compétences des candidats
et ne passe par aucun appel à la candidature. Chaque responsable place
les siens. Air Algérie n’est pas loin de devenir la Sonacom
d’aujourd’hui», regrette un cadre. Pour nettoyer les réseaux sociaux des
critiques qui ont accablé la compagnie depuis le crash du vol AH5017,
le président du bureau exécutif du syndicat de la compagnie a procédé au
«recrutement» d’un jeune «spécialiste» résidant à Lille, en France.
Dans une lettre adressée, juillet dernier, au chef de la division
commerciale d’Air Algérie (copie jointe au PDG, ndlr), ce même
responsable a demandé qu’on lui délivre un titre de voyage gratuit
Lille/Alger/Lille.
Cafétéria
Ainsi, sans plus d’enquête à son sujet, le jeune Lillois a pu
bénéficier d’un billet aller-retour… gratuit. La section syndicale UGTA
n’est pas épargnée par le collectif qui rapporte qu’un représentant
syndical s’est présenté en «piétinant» le statut de l’UGTA adopté lors
du 10e congrès national en 2000. En effet, parmi les conditions de
candidature au sein des instances du syndicat étatique, il a été
clairement souligné que le candidat ne doit aucunement exercer des
activités lucratives. Or, d’après les documents présentés par les
membres du groupe, il s’avère que ce responsable tiendrait… une
cafétéria à Baraki ! Au chapitre des conditions de travail, les
anecdotes sont aussi très nombreuses.
Pour rappel, 70 mécaniciens de la direction technique sont toujours en
justice contre Air Algérie pour revendiquer leur droit à la prime de
production chantier. Le wali de Tindouf, Slimane Zergoune, déplore les
conditions de travail et le manque de personnel à l’aéroport de la
wilaya. A Constantine, les travailleurs critiquent le changement du
siège de la compagnie vers des appartements d’un immeuble de la cité
Zouaghi dans les faubourgs de la ville, selon eux, trop loin de leurs
habitations et invivables en été en raison de la chaleur.
Les membres du collectif appellent à «la réforme du staff dirigeant
d’Air Algérie», à revoir «la stratégie et la politique de gestion de la
compagnie qui doit s’engager dans le processus de certification de ses
métiers par leur mise en conformité avec les normes d’assurance qualité
les plus élevées dans l’industrie du transport aérien et à définir une
vision, une identité économique pour pouvoir se hisser au niveau des
grandes compagnies aériennes arabes et africaines». Comme d’habitude,
nos requêtes pour joindre la direction d’Air Algérie sont restées sans
réponse.
Meziane Abane
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