Résistant à Gaza : récit d’un combattant en première ligne
dimanche 17 août 2014
Yousef Al-Helou
Le bruit des explosions et des tirs s’est tue après plus
d’un mois d’une agression militaire israélienne générale sur la bande de
Gaza, mettant un terme à l’effusion de sang qui depuis le 7 Juillet a
tué au moins 1980 Palestiniens, dans leur large majorité des civils -
ainsi que 67 Israéliens dont 64 [environ 150 selon la Résistance]
étaient des soldats.
- Fresque murale dans la Bande de Gaza
Une série de cessez-le feu, y compris l’accord actuel de cinq jours
d’arrêt des combats, ont contribué à dégager de l’horizon la fumée et la
poussière, et malgré les régulières violations israéliennes - dont les
tirs sur deux bateaux de pêche palestiniens - le calme actuel semble
susceptible de durer même si ce n’est que pour un moment.
Les scènes de totale dévastation dans la bande de Gaza témoignent de
la force meurtrière qu’Israël a utilisée lors de ses attaques,
détruisant des maisons, des hôpitaux, des écoles, des mosquées et de
nombreuses autres structures civiles. L’anéantissement de familles
entières réfugiées dans leurs maisons, l’assassinat de patients sur
leurs lits d’hôpitaux, de médecins, d’infirmiers, de travailleurs
humanitaires des Nations Unies, et de membres de la presse, pour ne
citer qu’eux, ont suscité des appels pour une enquête internationale
enquêtes sur les crimes de guerre.
Alors que se déroulaient tous ses crimes, des combattants
palestiniens restaient dans leurs retranchements et leurs cachettes afin
de se confronter aux troupes d’invasion israéliennes, prenant des
positions de tireurs d’élite, tirant des roquettes et luttant tels des
fantômes dans les quartiers vidés de leurs habitants.
Au milieu de la récente accalmie, les combattants de la résistance
palestinienne ont lentement émergé de leurs retranchements souterrains
pour prendre un peu de repos après plus d’un mois de combats acharnés
contre ’invasion des forces israéliennes.
Après plusieurs tentatives, Ma’an a obtenu une entrevue avec Abu
Muhammad, l’un des combattants des Brigades des Martyrs d’al-Aqsa,
affiliées au Fatah.
Le souci de sécurité et la prudence sont indispensables pendant les
escalades militaires, afin de rester invisibles des drones équipés de
caméras. C’est une obligation absolue pour les combattants de la
résistance palestinienne, en particulier lorsqu’ils sont interviewés.
Abu Muhammad - ce qui n’est pas son vrai nom - est âgé de 40 ans et
le père de cinq enfants, dont le plus âgé a 10 ans. Il a été engagé dans
les combats depuis le début de l’offensive israélienne au commencement
de juillet.
Il avait dit à ses enfants qu’il s’absentait pour se rendre ailleurs
dans la bande de Gaza pour des raisons médicales, afin de masquer sa
disparition - et dans le cas où il lui arriverait quelque chose. Mais sa
femme savait dès le début qu’il était au front, servant comme un
combattant de la résistance, et qu’il pourrait bien ne jamais revenir.
« Ma famille me manque beaucoup, mais j’ai le devoir de défendre mon
peuple et de répliquer aux attaques des envahisseurs qui ont tué des
centaines de civils », a déclaré Abu Muhammad.
« J’essaie de communiquer au minimum avec eux - quand je parle à mes
enfants, je les rassure et leur dis que les choses vont bien se passer.
Ma femme commence à pleurer chaque fois que j’appelle. Les émotions sont
fortes. J’essaie de faire des appels très courts... »
Bien que les martyrs d’Al-Aqsa Brigades soient la branche armée du
Fatah qui est le rival politique du Hamas, au moment des attaques
israéliennes toutes les factions et partis se sont coordonnés sous un
commandement unifié.
Portant un masque noir et jaune et un fusil automatique, Abu Muhammad
explique à Ma’an qu’il était un combattant depuis maintenant 20 ans.
Il souligne également qu’il s’oppose à l’abandon par le Fatah de la
lutte armée en faveur de négociations sans fin, la stratégie adoptée par
l’Autorité palestinienne dirigée par le Fatah en Cisjordanie.
« Notre ennemi ne comprend que le langage de la force. Regardez ce
qui s’est passé au cours des vingt dernières années de pourparlers de
paix : plus de colonisation et de vol des terres, la mort et la
destruction, » dit-il.
« Maintenant, regardez comment la résistance impose ses conditions (à
Israël) », en faisant référence à l’insistance par le Hamas de la levée
du siège israélien imposé depuis huit ans, comme condition de tout
accord de paix à long terme. Ce que Israël commence à devoir prendre en
considération...
« La résistance est un atout pour le peuple palestinien », ajoute-t-il.
Quand on lui demande ce qu’il pense de la principale exigence
d’Israël pour mettre fin aux hostilités - le désarmement des factions de
la résistance palestinienne - la réponse d’Abu Muhammad est sans
équivoque : « Celui qui accepte cette condition est un traître. »
« Nous avons le droit de résister et de nous défendre », poursuit-il.
« Notre ennemi a des ogives nucléaires et les armes les plus avancés
dans le monde. Pourquoi cette entité est-elle autorisée à s’armer ? Nous
sommes sous occupation militaire et en vertu du droit international,
nous avons le droit de résister à l’occupant ».
Environ 1980 Palestiniens ont été tués et plus de 10 000 blessés dans
le dernier mois des attaques israéliennes. La grande majorité des
personnes tuées étaient des civils dont plus de 450 enfants, selon les
Nations Unies.
Un certain nombre de combattants ont également été tués, mais on ne
sait pas encore combien de résistants sont tombés et à quelles
organisations ils appartenaient.
Peu de temps après qu’un cessez le feu humanitaire de 72 heures sous
médiation égyptienne soit entré en vigueur, les Brigades al-Qassam, la
branche armée du Hamas, ont publié un récit sur 29 de leurs combattants
qui avaient pris part à de violents affrontements avec les forces
israéliennes et réussi à rester en vie plusieurs jours à l’intérieur
d’un tunnel de 25 mètres de profondeur dans la partie orientale
d’al-Qarara, près de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza.
Al-Qassam a déclaré dans le rapport que chaque combattant n’a mangé
que la moitié d’un fruit et ne buvait que de la moitié d’une tasse d’eau
chaque jour.
Tandis que le Hamas a dans le passé été accusé d’exagérer ses succès -
notamment en ce qui concerne le nombre de soldats ennemis abattus - au
cours de cette guerre, il est devenu une des sources les plus fiables
pour les comptes précis des combats sur le terrain.
L’armée israélienne a, en revanche, toujours retardé la divulgation
d’informations et a minimisé ses pertes, lesquelles ont atteint des
proportions stupéfiantes allant même au-delà de ce que les forces
israéliennes ont souffert lorsqu’elles ont été chassées du Liban en 2006
par le Hezbollah.
Israël affirme que 64 de ses soldats ont été tués et que plus de 1000
ont été blessés pendant toute la durée des combats. Les affrontements
les plus féroces ont eu lieu près de la frontière dans les régions du
nord et de l’est de la bande de Gaza, dont Beit Hanoun, dans l’est à
Shujaiyya et à l’est de Khan Younis et de Rafah.
Bien que les forces israéliennes se soient retirées des villes de
Gaza et que les discussions sur un cessez-le feu permanent occupe une
place importante, les combattants de la résistance restent déployés sur
le terrain, vigilants en cas d’effondrement des négociations.
Abu Muhammad dit également qu’il ne sera pas de retour dans sa
famille jusqu’à ce que la bataille soit officiellement terminée, mais il
ajoute qu’il n’a de cesse de pouvoir embrasser ses enfants et prendre
un repas, tous en semble, dans sa famille.
« Nous ne nous reposerons pas jusqu’à ce que nous libérions notre terre occupée », dit Abu Muhammad.
« La résistance est une carte gagnante. Les dirigeants politiques, en
particulier les dirigeants du Fatah, doivent comprendre que le rameau
d’olivier ne permettra pas de libérer la Palestine. Nous avons tendu le
rameau d’olivier et suivi le processus de paix pendant de 20 ans, mais
nous vivons toujours sous occupation israélienne. »
* Yousef Al-Helou est un journaliste palestinien travaillant pour l’agence Reuters - Il peut être suivi sur Twitter
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