ELWATAN-ALHABIB
jeudi 17 juillet 2014
 

Deuil à Gaza : « Comment peut-on tirer sur des enfants qui courent »

 

 

LE MONDE |
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Corps des quatre enfants palestiniens tués mercredi sur une plage de Gaza, enveloppés dans le drapeau du Fatah.

Il est 15 h 20 à Gaza, mercredi 16 juillet, quand une terrible déflagration ébranle le front de mer. Quelques minutes plus tard, une seconde frappe retentit. Touchée par ce qui semble être un obus tiré d'un navire israélien, une bicoque de pêcheurs, construite sur la digue du port de pêche, est réduite en un tas de parpaings éclatés et de tôles noircies. A côté des décombres, les corps en partie calcinés de quatre garçons de la même famille, Mohammad, Ahed, Zakariya et Ismail. Ils avaient entre 9 et 11 ans.

Les enfants Bakr jouaient sur la plage depuis quelques heures. Certains avaient apporté un ballon, d'autres pêchaient ou grattaient le sable à la recherche de morceaux de métal à revendre. Après la première frappe millimétrée sur la cabane, il semble que les enfants, blessés, aient été pris sciemment pour cible alors qu'ils remontaient la plage pour se mettre à l'abri.
A quelques mètres de la cahute, Mohammad Abou Watfah a assisté au carnage : «Les enfants étaient paniqués, ils se sont mis à courir vers la plage. Un deuxième obus les a suivis. Il est tombé à quelques mètres et j'ai perdu connaissance», raconte péniblement le commerçant, touché à l'estomac par des éclats. Le corps ensanglanté, hors d'haleine, des enfants blessés parviennent à la terrasse d'un établissement du bord de mer, alors que résonne l'explosion d'un troisième obus.
L'ARMÉE ISRAÉLIENNE VA ENQUÊTER « CONSCIENCIEUSEMENT »
Dans le quartier des pêcheurs, non loin du front de mer, les femmes se regroupent autour des mères endeuillées des quatre enfants. Parmi elles, Saloua, la mère de Mohammad, son fils unique, suffoque. « Elle a huit filles. Elle avait attendu ce fils pendant des années », souffle une voisine. Enveloppés, chacun, dans le drapeau jaune du Fatah, les quatre petits corps sont portés jusqu'au cimetière. En marge du cortège, Sharifa, la mère de Zakariya, 10 ans, ne parvient pas à se redresser, pliée en deux par la douleur. Un homme fend la foule et s'approche d'elle. Alors qu'il la relève péniblement, il lui annonce le décès à l'hôpital d'un autre de ses fils, Montassar. La femme s'écroule, à moitié inconsciente. L'enfant est en réalité toujours en vie, mais dans un état critique. Après quelques jours d'accalmie relative, les urgences de l'hôpital central de Gaza sont à nouveau débordées par l'arrivée des blessés, ce qui provoque les plus dramatiques confusions.
  • Quatre enfants tués sur la plage de Gaza
    Ce mercredi, Israël a intensifié ses frappes contre la bande de Gaza. Pour répondre aux tirs de roquettes, plus de 40 aujourd'hui tirées depuis l'enclave palestinienne. Ces roquettes qui avaient fait un premier mort israélien, un civil, qu'on enterre ici à Yehud, au centre du pays. L'homme de 37 ans a été tué la veille, alors qu'il distribuait de la nourriture aux soldats à la frontière de Gaza. De l'autre côté, les Gazaouis payent un lourd tribut : plus de 22 Palestiniens tués dans la journée, dont quatre enfants qui jouaient au football sur la plage. Ils avaient tous moins de 15 ans. L'obus a été tiré d'un navire israélien. Un quart des victimes sont des enfants. Ici c'est une fillette de cinq mois arrachée à ces parents par cette violence qui se déchaîne depuis neuf jours. Dans les prochaines heures, l'armée israélienne a prévu des bombardements massifs. Par sms ou tracts lancés du ciel, elle a appelé 100.000 habitants du nord de l'enclave à fuir pour se réfugier dans la ville de Gaza. Un appel qui n'a pas entraîné d'exode. Car pour la majorité, il n'y a nulle part où aller...
    1:14
Dans le service de chirurgie, Tagred, une autre mère du clan Bakr, veille sur son fils, Ahmad, 13 ans, touché à la poitrine par des éclats d'obus : « Ce ne sont que des enfants. Ils ne faisaient rien de mal contre les Israéliens, pleure d'incompréhension la mère palestinienne. Mon fils jouait simplement avec ses cousins et maintenant ils sont tous morts.» « Comment peut-on tirer sur des enfants qui courent ? »
L'armée israélienne a annoncé, dans la soirée, qu'elle enquêtait « consciencieusement » pour déterminer les circonstances exactes de la mort des quatre enfants. Expliquant que les frappes visaient, en principe, des membres du Hamas, Tsahal n'a pas exclu la possibilité d'une « erreur » dans cette attaque, dont l'étendue sera de toute évidence difficile à justifier.
Avant l'entrée en vigueur d'une trêve humanitaire, jeudi entre 9 heures et 15 heures, les bombardements ont été particulièrement meurtriers mercredi, faisant au moins 25 morts. Devant la morgue de l'hôpital Al-Shifa, un père titube après avoir reconnu le corps de son fils. Moushira, une jeune Palestinienne, conclut avec une ironie glaçante : « C'était la fête des enfants à Gaza. »
Hélène Prudhon (Gaza, envoyée spéciale)
 
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