Une conférence appelée à faire date
par Kharroubi Habib
Le complexe touristique du Mazafran abritera le 10 juin, sauf imprévu indépendant de la volonté des
organisateurs, une rencontre politique appelée à faire date dans l'histoire du
multipartisme en Algérie. C'est à la Coordination nationale pour les libertés
et la transition démocratique (CNLTD) que cela sera dû si elle réussit la
gageure d'enregistrer ce jour-là la majorité des partis, personnalités
politiques, organisations et associations représentantes de la société civile
auxquels elle a adressé l'invitation à prendre part à la conférence nationale
sur la transition démocratique qu'elle a pris l'initiative d'organiser.
Si les destinataires de son invitation répondent en majorité
présents, la CNLTD pourra en effet s'enorgueillir d'avoir réussi une première
politique dans le pays, celle d'être parvenue à faire se rencontrer et
dialoguer le plus grand nombre d'acteurs politiques se revendiquant de
l'opposition au régime. Elle sera d'autant une première que si certes les
participants auront en commun d'être des opposants au régime, ils viennent
néanmoins d'horizons doctrinaux qui pour certains sont aux antipodes. L'on
verra en effet présents dans l'assistance et échangeant des partis islamistes
et des formations laïques que tout a opposé jusque-là. Mais aussi des
personnalités politiques s'étant vouées des inimitiés qui apparaissaient
irréconciliables.
Aux dernières nouvelles, le pari de la CNLTD serait
pratiquement gagné, puisqu'elle a enregistré le OK de sa participation du «
pôle du changement » qui regroupe 14 partis et des personnalités politiques
sous la houlette d'Ali Benflis, qu'elle a également reçu celui du FFS et que
les anciens chefs du gouvernement Mouloud Hamrouche et Sid Ahmed Ghozali sont
donnés pour avoir eux aussi promis d'être au rendez-vous. Sans préjuger du
résultat auquel aboutira la conférence, le simple fait qu'elle se tienne
constituera un événement marquant car elle donnera à voir que l'opposition au
pouvoir est dans une stratégie de rapprochement entre ses composantes. Ce qui
il y a peu était inenvisageable pour les acteurs qui ont accepté de s'inscrire
dans cette logique et paraissait une utopie irréalisable pour l'opinion
publique.
Le mérite de l'initiative de la CNLTD est qu'elle a mis les
opposants au régime dans l'obligation de se positionner et révéler ainsi s'ils
sont pour ou contre une entente a minima entre eux contre ce pouvoir auquel ils
prétendent s'opposer. Les initiateurs n'ont pas fait mystère de ce qui a motivé
leur décision d'organiser la conférence du 10 juin : considérant que
l'adversaire prioritaire de l'opposition est le pouvoir devenu autiste et
réfractaire au changement, ils ambitionnent de réaliser l'unité d'action de
celle-ci, en convainquant ceux qui s'en revendiquent de s'entendre sur une
plateforme politique qui tout en n'ignorant pas les natures des querelles de
chapelle qui divisent leurs rangs les rassemblera autour d'un minimum leur
permettant d'agir en commun contre l'adversaire principal.
La nouveauté de la conférence de mardi est qu'elle donnera à
voir une opposition ayant pris conscience que le pouvoir paraît inébranlable en
partie parce qu'il n'a eu en face de lui qu'une opposition émiettée et occupée
par ses divisions doctrinales. Son rassemblement secouera sans aucun doute la «
sérénité » de ce pouvoir qui ne manquera pas d'actionner sa propagande contre
ce qu'il qualifiera à n'en point douter « d'opération médiatique » sans portée
politique. Au degré de l'intensité de la campagne de dénigrement qu'il ouvrira
contre la conférence, l'on saura l'intensité de la déconvenue qui sera la
sienne avec sa tenue et après son résultat.
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