La
question oiseuse en titre prête à sourire dans un pays où l’islamisme a
été depuis longtemps le principal, voire l’unique adversaire du
pouvoir. Dernièrement, à la faveur du printemps arabe, un tsunami
islamiste a déferlé sur la région avec les conséquences désastreuses que
l’on sait. On ne s’imaginait pas un jour que quelqu’un puisse soulever
une telle question tant les faits sont évidents et criards. Qu’il s’agit
de l’Égypte, de la Libye (révolution appelée parfois «Allahou akbar»),
de la Tunisie, de la Libye, du Maroc, etc., la vague verte à submerger
tout. L’évidence est telle que son rappel relève du poncif éculé. Alors,
dire que « l’actualité [...] nous enseigne que les forces intégristes sont plus enclines à sauver les dictatures qu’à accompagner les ouvertures démocratiques
» devient une hérésie et n’a d’autre sens, aux yeux des observateurs et
autres politologues sérieux, qu’un déni de l’histoire et un déni
d’existence. Des dénis muent par un sectarisme rétrograde et une haine
pathologique de l’autre. L’endémie arabe qui divise un seul peuple en
entités rivales si violentes que la stabilité de l’État en devient une
chimère entretenue cahin-caha par la violence du pouvoir. Le pays n’est
alors plus un espace de vie commune, mais une ensemble de champs de
batailles sanglantes. Djaffar Tamani, l’auteur du déni, ne s’en formalise pas outre mesure.
Le mot terrorisme et sa genèse peuvent à eux seuls détruire sa thèse.
Il n’y a pas un historien qui ignore que les islamistes sont le
mouvement qui a le plus souffert des dictatures arabes et que si le
printemps arabe a fait long feu, c’est justement parce qu’il a permis
aux islamistes de le confisquer… par la loi du plus grand nombre. Il n’y
a pas un historien crédible qui nie le lien fatal entre les laïcs et la
junte militaire algérienne et tunisienne par exemple. En Egypte, le
lien ets encore plus flagrant. Tous les «démocrates» sans exceptions se
sont mis au garde-à-vous. Mais comment un laïc peut-il salir autrement
un adversaire redoutable quand tous les artifices ont été usés jusqu’à
la corde et ne font plus recette ? Comment convaincre les nouveaux
démocrates, qu’il est dangereux de s’allier avec des islamistes
remodelés, aguerris ou acquis aux lois de la démocratie ? On invente ce
qu’on peut. Des sornettes et des salades, sans rougir. C’est une affaire
de style et de prestidigitation. Dire des non-sens, des mensonges, des grossièretés ou des inepties
dans les médias algériens n’a jamais soulevé les indignations. Ou bien
rarement. Entre fous, on se comprend, on se dit tout, on se crache
dessus et dans un mouvement d’ensemble en tourne en rond. Dans le sens
contraire du temps. Monsieur Tamani n’est pas dans un asile
psychiatrique, mais à El Watan, il publie ses opinions comme bon nombre
de ses collègues. Dès qu’un journaliste commence à s’illustrer, il
s’écarte de sa mission et devient chapelle d’une idéologie ou une
tribune d’un parti, du pouvoir ou d’un parti-pris quelconque. Rarement
de la stricte vérité ou du bon sens. Vu l’anarchie régnante et les
mélanges du genre, les théoriciens du journalisme doivent revoir leur
copie. Ils sont appelés à codifier de nouveaux standards à ce sujet. Il
est peut-être temps de distinguer le statut d’un journaliste pur qui se
contente d’informer et rapporter les faits comme ils se présentent, et
le statut d’un chroniqueur aux orientations politiques et religieuses
bien établies qui servira les faits après les avoir assaisonnés avec sa
propre sauce qui n’est pas du goût de tout le monde… http://www.elwatan.com/edito/le-dernier-ete-12-05-2014-256855_171.php
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