Des
pays africains se sont réunis à Paris autour du président français François
Hollande pour déclarer la guerre à Boko Haram qui provoque une aversion
mondialisée après l'enlèvement massif de 200 lycéennes au nord du Nigeria.
Réunis à l'Elysée, les chefs d'Etat africains concernés, ceux du Nigeria, du
Cameroun, du Tchad, du Niger et du Bénin ont décidé d'une série de mesures
allant de l'organisation de patrouilles coordonnées à la mise en place d'un
«système de partage du renseignement» en passant par la surveillance des
frontières. Sur le plus long terme, ils ont décidé de créer une «cellule de
fusion du renseignement» et une équipe dédiée à élaborer une «stratégie
régionale de lutte contre le terrorisme dans le cadre de la Commission du
Bassin du lac Tchad».
L'émotion
provoquée par le terrible forfait de la secte Boko Haram contre les lycéennes
nigérianes dispense-t-elle de poser la question qui fâche : pourquoi le
Nigeria, premier concerné et ses voisins, le Cameroun, le Niger, le Tchad et le
Bénin, se sont réunis à Paris au lieu d'Abuja pour se concerter et prendre ces
mesures ? On a, bien entendu, la réponse générale structurelle, celle de
l'incapacité de l'Union africaine et des organisations régionales à être des
vrais espaces de concertation et d'action pour prévenir les crises ou les
traiter. Le principe de non-ingérence régulièrement évoqué sonne creux quand
les pays concernés n'ont pas une volonté réelle de le mettre en œuvre et ne se
donnent pas les moyens d'agir sans attendre les initiatives extérieures,
occidentales en général. Bien au contraire, la «non-ingérence» a été souvent
une justification d'une inaction qui fait pourrir la situation et rend
«inéluctable» l'intervention étrangère. C'était le cas au Mali qui a subi
directement l'effet de la guerre de l'Otan en Libye : des armes et des groupes
armés y ont reflué et se sont installés durant de longs mois sans réaction
rapide des pays de la région. L'intervention française est venue au nom de
l'urgence confirmer l'incapacité des pays africains à agir par eux-mêmes.
Pourquoi le Nigeria, qui est un pays riche avec une vraie armée, accepte-t-il
de traiter de ses affaires intérieures à Paris en présence du président
français et des représentants des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de
l'Union européenne ? La grande émotion que suscite le sort de ces jeunes filles
tombées entre les mains de sinistres individus en est la raison apparente.
Mais
il faut préciser que le gouvernement nigérian n'a commencé à se soucier du sort
des lycéennes que tardivement quand le sujet est devenu récurrent dans les
médias internationaux. Même s'il ne le dit pas, pour le gouvernement du
Nigeria, le Nord pauvre ne fait pas partie du «pays utile» et les évènements
qui s'y déroulent sont sans impact sur l'activité économique générale. Mais
plus gravement, il existe un grave problème de corruption dans un pays où près
du quart du budget est consacré à la lutte contre le terrorisme alors que les
troupes sont, en réalité, sous-équipées.
On
trouve ainsi réunies les grandes plaies africaines : une grave mal-gouvernance
interne et des institutions africaines, continentales ou régionales,
inefficientes. Parler dans ces conditions de non-ingérence n'a aucun sens.
C'est ce qui explique que des chefs d'Etat africains se réunissent à Paris pour
annoncer des décisions qu'ils auraient pu prendre à Abuja ou à Addis-Abeba.
Derrière la plaie de Boko Haram, organisation terroriste brutale et produit
d'une gestion brutale, il y a encore et toujours cette terrible déficience des
élites africaines.
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