ELWATAN-ALHABIB
lundi 12 mai 2014
 

Les lauréats du printemps arabe 

 

 

 



Sans surprise pour ceux qui ont suivi ce récit, Rached Ghannouchi, Waddah Khanfar, Waël Al-Ghoneim, Bernard Henry Lévy et Nicolas Sarkozy ont été distingués en 2011 par la revue «Foreign Policy» parmi les «personnalités les plus influentes de 2011».
Des lauréats qui ne manquent pas d’allure: Rached Ghannouchi, le chef du parti islamiste tunisien An Nahda, longtemps la bête noire des Occidentaux, Waddah Khanfar, l’ancien directeur islamiste de la chaine Al-Jazeera, et interlocuteur des services de renseignements américains ainsi que Waël Al-Ghoneim, responsable pour l'Égypte du moteur de recherche américain Google, amplificateur du soulèvement populaire égyptien place Tahrir.
Parmi les «100 plus grands intellectuels» honorés cette année-là, figuraient une brochette de belliciste à tout crin: Dick Cheney, ancien vice-président de George Bush jr, un des artisans de l’invasion de l’Irak, de même que Condoleezza Rice, secrétaire d'État de George Bush, le sénateur John Mac Cain, le président français Nicolas Sarkozy, le couple Bill et Hilary Clinton, le ministre de la Défense de Bush jr et de Barack Obama, Robert Gates, le Premier ministre turc Recep Teyyeb Erdogan et l’incontournable Bernard-Henri Lévy.
Et sur le plan arabe, outre les trois personnalités précitées, ont figuré l’ancien Directeur de l’agence atomique de Vienne Mohamed Baradéï et le politologue palestinien Moustapha Barghouti, que nous aurions souhaité être distingué par un autre aréopage que Freedom House ou Global Voice Project.
Avec mention spéciale pour Ghannouchi «l’un des plus grands intellectuels de l’année 2011». Rached Ghannouchi, il est vrai, avait mis à profit son séjour aux Etats-Unis pour rendre visite au «Washington Institute for Near East Policy», très influent think tank fondé en 1985 par M. Martin Indyk, auparavant chargé de recherche à l’American Israel Public Affairs Committee ou AIPAC, le lobby israélien le plus puissant et le plus influent aux Etats-Unis. Le chef islamiste, longtemps couvé médiatiquement par la Chaine Al Jazeera, a pris soin de rassurer le lobby pro-israélien quant à l’article que lui-même avait proposé d’inclure dans la constitution tunisienne concernant le refus du gouvernement de collaborer avec Israël.
En trente ans d’exil, cet ancien nassérien modulera sa pensée politique en fonction de la conjoncture, épousant l’ensemble du spectre idéologique arabe au gré de la fortune politique des dirigeants, optant tour à tour, pour le nassérisme égyptien, devenant par la suite adepte de l’ayatollah Ruhollah Khomeiny (Iran), puis de Hassan Al Tourabi (Soudan), pour jeter ensuite son dévolu sur le turc Reccep Tayeb Erdogan, avant de se stabiliser sur le Qatar, soit sept mutations, une moyenne d’une mutation tous les quatre ans. Du grand art qui justifie a posteriori le constat du journaliste égyptien Mohamad Tohima «Les Frères Musulmans, des maitres dans l’art du camouflage et du contorsionnement mercuriel», article paru dans le journal libanais «Al Akhbar» en date du 1er octobre 2011 reprenant une tribune de Mohamad Tohima, directeur du quotidien égyptien «Al Hourriya». Du grand art. En attendant la prochaine culbute. La prochaine chute?
Quant au 2ème lauréat, Waddah Khanfar, son parcours résume à lui seul la confusion mentale arabe et la duplicité du Qatar. Ancien journaliste de la chaine gouvernementale américaine «Voice of America», ce palestinien natif de Djénine, en Cisjordanie occupée, était parent par alliance de l’ancien Premier ministre jordanien Wasfi Tall, surnommé le «boucher d’Amman» pour sa répression des Palestiniens lors du septembre noir jordanien (1970), dont il a épouse la nièce. Cet Islamiste notoire était aussi un interlocuteur des services de renseignements de l’US Army. Une opacité typique du comportement du Qatar.
Deux reproches ont pesé sur sa gestion de huit ans à la tête d’Al Jazeera (2003-2011): sa volonté d’imposer un code vestimentaire ultra-strict aux présentatrices de la chaine, en conformité avec l’orthodoxie musulmane la plus rigoureuse, ce qui a entrainé la démission de cinq journalistes femmes, ainsi que sa publication des documents confidentiels sur les pourparlers israélo-palestiniens «The Palestine Paper», discréditant les négociateurs palestiniens; ce qui a conduit le chef des négociateurs palestiniens, Saeb Oureikate, à réclamer sa démission, de même que l’Arabie saoudite effrayée par la crainte que la large couverture des soulèvements arabes par la chaîne du Qatar n’ait des répercussions sur la stabilité des pétro-monarchies.
 
Propulsé à la direction de la chaîne Al-Jazeera par son ami libyen, Mohammad Jibril. Il sera remercié de la chaîne, en 2011, au terme de l’épisode libyen, mais gratifié de la distinction américaine. Maigre consolation. L’homme a quitté la scène publique, avec de substantielles indemnités, sans bruits, emportant avec lui ses secrets et sa part d’ombre, les raisons de sa gloire et de sa disgrâce.

Quant au troisième larron BHL

Sur la centaine de pages des documents consultés, sauf erreur ou omission, pas une seule fois le nom du roman enquêteur, Bernard-Henry Lévy, n’a été mentionné. Ah les mortifications de l’ego.Echevelé, livide au milieu des tempêtes, le touriste de guerre a poursuivi sa quête incompressible du Graal, sautillant de Benghazi à la Syrie au secours de la liberté défendant le Monde Arabe, brandissant ses méfaits qu’il confondait avec des trophées, réussissant le tour de force d’instaurer la Charia en Libye, provoquant la talibanisation de la zone sahélienne par l’implosion de la Libye.
Point n’est pourtant besoin de boussole. Un arabe ou un musulman, voire tout citoyen du monde un tant soit peu patriote, doit se ranger impérativement dans le camp adverse à celui de Bernard-Henry Lévy, le fer de lance médiatique de la stratégie israélo-atlantiste dans la sphère arabo-musulmane. Songeons à la guerre anti-soviétique d’Afghanistan (1980-1989) et à la mystification des «combattants de la liberté» magnifiés par BHL, qui aura opéré le plus grand détournement du combat arabe de la Palestine vers Kaboul avec les désastreuses conséquences qui en découlent encore de nos jours, au niveau de son excroissance djihadique et de ses dérives erratiques (lire:  BHL ou comment se rendre ridicule), ainsi que  son dernier exploit: Harangué les foules de Kiev, sous cadrage des vétérans de l’armée israélienne. 
Selon le site israélien alyaexpress-news.com, ce groupe de 35 combattants armés et cagoulés de la place Maidan, était dirigé par 4 anciens officiers de l’armée israéliennes. Ces anciens officiers ont dès le début des événements rejoint le mouvement aux côtés du parti de la Liberté (Svoboda), bien que celui-ci ait la réputation d’être violemment antisémite. La présence d’unités israéliennes avait été signalée dans des événements similaires en Géorgie, aussi bien lors de la «révolution des roses» (2003) que lors de la guerre contre l’Ossétie du Sud (2008), où, en parfait synchronisme, BHL avait harangué les foules depuis son hôtel de Tbilissi, à plusieurs kms du champ de bataille.
En trois ans, deux des principaux libérateurs de la Libye, Les Etats-Unis et la France, ont été la cible d’attentats de représailles, et, sur fond de sanglants règlement de compte entre factions rivales, de pillages du gigantesque arsenal libyen, le Sahel a muté en zone de non droit absolu, fragilisant considérablement le pré carré africain de la France, alors que, parallèlement, les maîtres d’œuvre de la contre révolution arabe sombraient dans la guerre intestine, menaçant de paralysie le Conseil de coopération du Golfe, la seule instance de coopération régionale arabe encore en activité.
Fait sans précédent dans les annales pétro-monarchiques, l’Arabie saoudite a en effet placé le vendredi 7 mars, les Frères musulmans, une organisation qu’elle a longtemps couvé sur les listes des «organisations terroristes. Une décision qui traduit le degré de virulence de l’épreuve de force engagée entre l’Arabie saoudite et le Qatar à propos de la confrérie.
 
Dans ce qui apparait comme une grande opération de blanchissement de ses turpitudes et de dédouanement à son soutien à la nébuleuse du djihadisme erratique depuis son apparition dans la décennie 1980 lors de la guerre anti-soviétique d’Afghanistan, l’Arabie a associé à cette liste l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), le Front Al-Nusra, les rebelles chiites zaïdites dits Houthis du Yémen et naturellement……. le Hezbollah Libanais.
En pointe dans le combat tant contre la Libye que contre la Syrie, ce syndicat des pétro-monarchies du Golfe, sous haute protection militaire occidentale, parait devoir réduire sa voilure, non seulement en raison de la guerre entre les frères ennemis du wahhabisme, mais aussi du fait du souci du 6eme membre, le Sultanat d’Oman, de se maintenir à l’écart de ce conflit fratricide, cherchant auprès de l’Iran un contrepoids à la prééminence du duo saoudo-qatariote au sein de cette organisation.
 
Répudier la servilité à l’égard des Etats-Unis, bannir le dogmatisme régressif sous couvert de rigueur exégétique, concilier Islam et diversité, en un mot conjuguer Islam et modernité …Tel était le formidable défi que les Frères Musulmans se devaient de relever à leur accession au pouvoir et non de mener une politique revancharde contreproductive, qui a conduit directement en prison leur chef de file égyptien et débouché sur la désintégration morale du Hamas, unique mouvement de libération national de l’Islam sunnite, dans un retour retentissant à la case départ.
La satisfaction légitime de la chute d’un dictateur ne saurait occulter le gâchis stratégique provoqué par l’effondrement d’un pays à la jonction du Machreq et du Maghreb et son placement sous la coupe de l’OTAN, le plus implacable adversaire des aspirations nationales du Monde arabe. Acte stratégique majeur comparable par son ampleur à l’invasion américaine de l’Irak, en 2003, le changement de régime politique en Libye, sous les coups de butoirs des occidentaux, était destiné au premier chef à neutraliser les effets positifs du «printemps arabe» en ce qu’il devait accréditer l’idée que l’alliance atlantique constituait le gendarme absolu des revendications démocratiques des peuples arabes.
Aucune intervention occidentale à l’encontre du Monde arabe, même la plus louable, n’est jamais totalement innocente, tant perdurent les effets corrosifs des actions passées et vivace le souvenir de leurs méfaits. Et l’intervention en Libye n’échappe pas à la règle en ce qu’elle ne cible qu’un régime républicain, à l’exclusion de toute monarchie, les exonérant de leurs turpitudes et de l’impérieuse nécessité de changement.
L’histoire retiendra que la révolution libyenne aura été «la première révolution assistée par ordinateur» et le meurtre libératoire de l’ancien bourreau l’objet d’une assistance à distance. La fin de Kadhafi est la fin d’une longue lévitation politique en même temps que d’une illusion lyrique.Les Libyens vont devoir purger le cauchemar qui a peuplé leur subconscient et leur inconscient et apporter la démonstration qu’ils ne constituent pas un peuple d’assistés permanents.Le combat contre la dictature ne saurait être sélectif. La démocratie du Tomahawk a affranchi le djihadisme erratique et projeté dans l’arène la foultitude des paumés de l’islam takfiriste. Le sommeil de la raison a engendré des monstres.
 
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