Les «consultations» : plus indiquées pour le gaz de schiste que pour la Constitution
par Kamel Daoud
Le gaz de schiste. En gros, le chroniqueur hésite à en
parler. Parce qu'il n'a pas compris, ne maîtrise pas, ne sait pas et ne veut
pas mettre le pied dans une chaussure géante et avoir, du coup, l'air
minuscule. Interrogé à Oran par un universitaire, l'ex-chef de gouvernement,
Mouloud Hamrouche, a répondu qu'il ne peut pas répondre sur ce qu'il ne sait
pas. Louable dans un monde d'hymnes et malentendus. L'affaire schiste se résume
ainsi : L'Algérie de Bouteflika vient de décider d'en accorder le droit de
cuissage à la France depuis peu. Certains y ont vu un effet d'annonce à
destination de l'Europe en crise d'angoisse face à l'Ukraine et la Russie. D'autres
y ont vu un Sidi Fredj par le sous-sol, après le Sidi Fredj par le sol.
Mais ce qui est le plus tragique et ce qui a le plus fait
réagir, c'est le caractère monarchiste de la décision. Sur une question aussi
sensible, aussi peu accessible au profane, engageant des générations, une terre
entière et un pays vivant et à venir, le régime n'a pas choisi, comme
d'habitude, de consulter, peser ou réfléchir et associer, mais de décider. Cela
a choqué et a provoqué une immense colère algérienne. Des pétitions circulent,
des populistes se sont emparés du sujet et une marée se prépare. Pour beaucoup,
c'est un abus, une ANSEJ internationale en faveur de la France premier électeur
de Bouteflika, un retour de la colonisation, une rente, une agression des
frontières par l'intérieur des frontières et un abus. C'est un Roi qui en a
décidé, par un président de la République. C'est la conviction de beaucoup.
Quelques jours après, par recul ou par rattrapage, des
«experts» par le canal officiel de l'APS expliquent qu'il s'agit d'un
malentendu, d'une mauvaise interprétation, de «prospection» et parlent d'«une
phase d'évaluation du potentiel non conventionnel en Algérie». Rétraction
spectaculaire ou amateurisme dans la communication. Car de deux choses l'une :
soit la société Bouteflika & Cie a compris l'erreur et a été surprise par
les résistances, soit c'est un cafouillage classique de la communication mais
là, les Algériens ne le croient déjà plus. Dans les deux cas, on revient à la
mentalité monarchisante ambiante : sur des questions aussi vitales comme sur le
reste, il y a nécessité de consultation, de médiatisation et de participation.
Les Suisses recourent au référendum même pour décider des dates des vacances
scolaires ou du chiffre du SMIG. Nous, peuplade désarmée, ne demandons à être
traités comme un peuple que pour les grandes questions qui concernent nos
enfants et leur avenir.
La conclusion est qu'il aurait été même plus respectable de
consulter les soi-disant 150 personnalités nationales sur cette formule
d'exploitation de nos dernières richesses, que de les inviter à parler de la
future Constitution déjà vieille et impossible à marier et ridée et stérile.
Puisqu'on n'arrive pas à respecter les gens, qu'on respecte au moins leurs
enfants à venir et la terre profonde où ils attendent.
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