Seuls
ceux qui ont cessé de voir et de suivre la situation au Mali sont surpris par
les derniers évènements sanglants survenus à Kidal. Ils ne sont pas un accident
mais un révélateur des risques encourus par une démarche de déni des problèmes
par le gouvernement malien. Depuis l'intervention française qui a dispersé les
groupes djihadistes installés au Mali, la défiance des populations du nord du
Mali à l'égard de Bamako est restée inchangée. Les tensions n'ont jamais baissé
avec parfois des pics de violence en général liés à des visites de hauts
responsables maliens à Kidal. Entre le Mouvement national de Libération de
l'Azawad (MNLA) et Bamako, les échanges sont restés marqués par de l'hostilité
avec parfois des escarmouches armées. Les derniers incidents sont plus graves
depuis janvier 2013, début de l'opération française au Mali, et traduisent une
exacerbation des rapports entre les deux parties. Les Touaregs ont, à plusieurs
reprises, menacé de reprendre le chemin de la guérilla. De son côté, le
gouvernement malien a durci le ton à l'égard du MNLA dont les membres ont été
assimilés à des «terroristes». La France, qui maintient une présence militaire
conséquente, n'a pas de vision claire sur la manière de gérer le problème du
nord du Mali.
Il
est certes question de réconciliation nationale mais les deux parties ne lui
donnent pas le même contenu. A Bamako, on a persisté à considérer que
l'intervention française et la dispersion ce qui ne veut pas dire disparition
des djihadistes avait résolu le problème du Nord. Le MNLA, qui avait été
débordé puis supplanté par les djihadistes, n'était pas en odeur de sainteté à
Bamako. Même si des accords en bonne et due forme ont été conclus avec ce
mouvement, le gouvernement malien a tendance à le considérer comme une quantité
négligeable. Ce qui est une fausse appréciation de la situation : le MNLA et
les autres mouvements ont enregistré des renforts après la déconfiture d'Ansar
Eddine d'Iyad Ag-Ghaly. C'est une erreur d'appréciation qui conduit Bamako à
rester très rigide en matière de réforme de l'Etat et à n'envisager, au mieux,
pour répondre aux demandes des Touaregs, qu'une «décentralisation». Cela est
confirmé par le fait que, malgré le retour de l'administration centrale, la
situation sécuritaire reste des plus problématiques avec même un regain
d'activisme des djihadistes. Il ne faut pas être un grand stratège pour
comprendre qu'une stabilisation du nord du Mali dépend très largement de
l'adhésion de la population à l'Etat malien. Or, Bamako ne semble pas envisager
une réforme suffisamment acceptable pour les populations du Nord alors même que
le MNLA et les autres mouvements ont accepté de renoncer à une option
indépendantiste qui n'est pas acceptée au niveau régional et international.
Bamako reste dans la ligne édictée par le président Ibrahim Boubacar Keïta : on
ne discute ni d'indépendance, ni de fédéralisme, ni d'autonomie mais
«d'amélioration de la décentralisation».
Les
rapports entre les deux parties restent constamment au bord de la rupture alors
que les pays pouvant avoir de l'influence, comme l'Algérie et la France,
hésitent à se mêler des «détails» de la crise pour ne pas froisser les
dirigeants de Bamako. Sauf que ce problème essentiel, qui a fait pendant
longtemps du Mali une zone grise, ne peut se résorber sans une vraie volonté
politique. Pour le moment, le Mali, contrairement à ce que croient les
dirigeants de Bamako, n'a pas retrouvé le nord et la paix après l'opération
militaire française. Ce sera toujours le cas tant que le gouvernement malien
refuse d'entrer dans le vif du sujet : le nord du problème !
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