La
Chine et la Russie ont conclu, hier, un méga-contrat d'approvisionnement en gaz
de 400 milliards de dollars sur trente ans. L'expression de partenariat ou
d'alliance «stratégique», trop galvaudée, prend ici tout son sens et pas
seulement au plan économique. Un sommet entre Xi Jinping et Vladimir Poutine
n'a rien de banal en soi, à plus forte raison quand il se tient dans un
contexte où les deux puissances sont, à des degrés divers, en situation
conflictuelle avec les Etats-Unis. La signature de l'accord sur le gaz, en
gestation depuis dix ans et qui achoppait sur la question du prix, constitue un
évènement majeur. Il confirme que les convergences entre les deux puissances
sont plus fortes que les divergences même si les Occidentaux ont tendance à
mettre fortement en exergue ces dernières. Ce n'est pas une alliance militaire
destinée à faire «peur», mais les accords qui intègrent également
l'organisation de manœuvres militaires communes marquent bien l'existence d'une
forte entente. Le président russe, devenu le «méchant absolu» dans les médias
occidentaux, souligne qu'il n'est pas nécessaire de créer une alliance militaire
et politique. Il reste que les deux puissances, qu'elles s'allient ou non, sont
vues par les Etats-Unis comme des adversaires potentiels pour ne pas dire des
ennemis. Une coopération plus poussée dans les domaines économiques ou autres a
nécessairement un impact sur la situation mondiale où ils sont très influents.
La
Chine et la Russie sont, de fait, dans leur aire régionale immédiate, en
situation de conflit potentiel avec les Etats-Unis. Et même si la Chine a
semblé ne pas tout approuver dans la politique de Poutine en Ukraine, elle a
été systématiquement opposée aux sanctions contre Moscou. C'est l'essentiel
pour la Russie ouvertement menacée par les Etats-Unis d'être «saignée» au
niveau économique, en raison du bras de fer sur la crise ukrainienne. En jouant
cette partie chinoise, avec succès, Vladimir Poutine montre que la Russie
dispose de marges d'actions et peut trouver des alternatives à une hostilité
occidentale. La Russie a probablement dû céder sur les prix pour le méga-accord
sur le gaz, mais elle gagne une place de choix dans un marché chinois très
demandeur. Le sommet sino-russe met, en tout cas, clairement fin aux espoirs
des Occidentaux de rallier la Chine à un front anti-Russie. La Chine partage
sur le fond l'analyse russe qui voit dans ce qui a été déclenché en Ukraine le
résultat d'une déstabilisation menée ou soutenue par les Occidentaux. Dans la
déclaration commune publiée à Shanghai, ils insistent fortement sur leur
détermination à «résister aux interférences dans les affaires internes des
autres Etats et de s'opposer au langage des sanctions unilatérales». Dans une
allusion évidente aux «révolutions oranges» menées avec le soutien des
Occidentaux, la déclaration conjointe demande l'arrêt de «tout financement et
tout encouragement d'activités visant à changer l'ordre constitutionnel
d'autres Etats».
Si
les officiels ne parlent pas d'alliance, les «experts», eux, ne se gênent pas
de l'évoquer. A l'image d'Igor Korottchenko, directeur du Centre d'analyse du
commerce mondial des armes (TSAMTO), qui affirme que les exercices militaires
sino-russes prévus pour 2015 obligeront les Etats-Unis «à jouer selon les mêmes
règles que le reste du monde civilisé» et à les empêcher de «décider seuls des
destinées du monde». C'est porter la barre beaucoup plus haut que ne le disent
les officiels russes et chinois. Mais cela donne une idée du bras de fer
stratégique qui se déroule actuellement.
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