Que faire quand on veut libérer son pays
d’une « alliance » avec un pays étranger, alliance totalement
unilatérale, où votre propre pays apporte un soutien économique et diplomatique énorme à la puissance étrangère et ne reçoit rien en retour ?
C’est évidemment la situation des Etats-Unis par rapport à Israël.
Ce dernier pays n’a jamais rien apporté
aux Etats-Unis, pas une goutte de pétrole, n’a jamais aidé les
Etats-Unis dans leurs guerres, et refuse avec dédain les tentatives
répétées (depuis 1967) des présidents américains
visant à établir une sorte de compromis entre Israël et les
Palestiniens. Par contre, l’alliance avec Israël fait que les Etats-Unis
sont détestés dans une bonne partie du monde, ce qui n’est évidemment
pas dans leur intérêt.
Cette alliance contre nature n’est possible qu’à cause de l’action passionnée et efficace du lobby
pro-israélien, comme l’ont très bien expliqué J. Mearsheimer et S. Walt
dans leur livre sur ce sujet. Le problème est qu’attaquer ce lobby
de front n’est pas simple : en effet, vous récolterez immédiatement une
campagne de haine dans les médias au nom de la « lutte contre l’antisémitisme ».
C’est cette situation absurde d’un pays en principe puissant qui est
prisonnier d’un autre, parce que ses partisans manipulent adroitement
l’idéologie de la tolérance, qui est la source de bien des problèmes au
Moyen-Orient.
C’est cette réalité qu’une grande partie
de la gauche, y compris « pro-palestinienne », refuse de voir, d’une
part, parce qu’elle a intériorisé et utilise souvent elle-même la
manipulation de l’idéologie de la tolérance, d’autre part parce qu’elle
veut à tout prix (et en dépit des faits) réduire l’impérialisme
américain à une recherche de profits maximaux de la part de capitalistes cupides.
L’espoir de changement ne viendra donc
pas de la gauche, mais de cette partie des élites américaines qui veut
« sauver » son pays des effets désastreux pour les Etats-Unis des
politiques israéliennes. L’article ci-dessous, sur les protestations
américaines face à l’espionnage constant dont ils sont victimes de la
part de leur « seul allié au Moyen-Orient » montre comment ils s’y
prennent : bien sûr on va nous parler d’antisémitisme, mais les faits
d’espionnage sont tellement graves et patents qu’il est assez facile
pour les élites qui veulent libérer leur pays de gagner l’opinion à leur
cause, l’espionnage étranger n’étant populaire dans aucun pays au
monde.
Il ne nous reste qu’à espérer que ce
combat continue et à mener un combat similaire ici, en commençant par la
défense de la liberté d’expression, surtout sur les questions qui
fâchent, comme Israël ou la politique des organisations
pro-israéliennes.
Jean Bricmont – 13 mai 2014
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