Mohamed Chafik Mesbah était l'invité, ce mardi
matin, de la Web Radio M de Maghreb Émergent. Le politologue et ancien
Colonel du DRS (direction du Renseignement de la Sécurité) est revenu
notamment sur la répression de la marche célébrant le Printemps amazigh
en Kabylie, mais aussi l'attentat meurtrier contre un convoi de l'ANP
dans cette même région laquelle peine à sortir de la spirale de
violence. De prime abord, la politologue auteur de "La problématique
algérienne", a abordé la répression par la police de la marche à Tizi
Ouzou dans la cadre de la célébration du Printemps Berbère. Il a estimé
que le général major Abdelghani Hamel, patron de la DGSN (police
nationale) a subi des pressions de la part de sa hiérarchie pour aller
plus loin dans l'utilisation de la violence contre les manifestants qui
ont marché dans le cadre des festivités commémoratives du
34eanniversaire du Printemps berbère d'Avril 1980. De par la proximité
avec Hamel dont il a été par le passé le collègue au sein de l'armée,
l'ancien colonel du DRS pense que le Directeur général de la Sureté
nationale n'est pas lui qui est mis personnellement en cause dans ce qui
s'est passé à Tizi Ouzou, le 20 avril dernier. "Au contraire, lui
(Hamel, Ndlr), avait l'intention de gérer démocratiquement les
manifestations. Mais je pense qu'il subit des pressions pour aller plus
loin dans l'utilisation de la violence contre les manifestants", observe
l'invité de Radio M. Pour lui, les éléments qui ont usé d'une violence
inouïe contre de simples manifestants, comme le montre une vidéo
compromettante diffusée sur le Net, "ont reçu des ordres" de leur
hiérarchie pour empêcher la marche pacifique à laquelle ont appelé ses
animateurs du Printemps berbère. "Est-ce en utilisant la violence.
Probablement. Car, je ne vois pas des policiers recourir à la violence
sous cette forme-là, si on n'avait pas lancé un ultimatum pour empêcher
la marche", a-t-il dit. Cela a été le cas aussi du Mouvement "Barakat!"
dont les marches à Alger ont été violemment réprimées par la police.
Militaires tués à Tizi Ouzou: "défaillance" de la part des chefs militaires
Autre actualité encore plus sanglante,
l'attentat d'Iboudrarène dans la région de Tizi Ouzou perpétré par un
groupe terroriste dans la nuit de samedi à dimanche contre un convoi de
l'ANP. Avec un bilan lourd: 11 militaires tués et des dizaines d'autres
blessés. Sur ce point, M. Mesbah a pointé du doigt une "défaillance" de
la part des chefs militaires de la région, ajoutant que des mesures
disciplinaires devaient être prises à leur encontre comme leur
traduction devant le tribunal militaire. Comment l'attentat, l'un des
plus meurtriers, a pu être perpétré? Le politologue évoque en sus de la
défaillance professionnelle, un problème de "rupture de confiance" entre
la population locale et les pouvoirs centraux. "Il est impossible qu'un
groupe terroriste agisse en toute aisance sans la connaissance de la
population. Le problème réside dans le fait que dans une région comme la
Kabylie dont la population n'a rien à voir avec le terrorisme, la
population ne se sent pas directement concernée par ce qui se passe, en
considérant que c'est un problème entre les pouvoirs centraux et les
terroristes".
"Une perte de gouvernance" en Kabylie"
L'attentat a-t-il un lien direct avec
l'élection présidentielle? Oui et non, répond Mesbah. Non, dans la
mesure où, selon lui, "les groupes terroristes ont de tout temps essayé
d'exploiter les événements où l'impact de leur action est plus
important". Oui, car, a-t-il dit, les terroristes "ont certainement tenu
compte du relâchement du dispositif sécuritaire, alors que c'est
l'inverse qui devait se produire. "Dans ce contexte particulier
(d'élection, Ndlr), des instructions auraient dû être données afin de
préserver les consignes de sécurité habituelles", juge l'ancien Colonel
du DRS. Chafik Mesbah prend la mesure d'une "crise et une perte de
gouvernance" en Kabylie particulièrement. Des observateurs échafaudent
un scénario selon lequel un "deal" aurait été contracté entre les
pouvoirs centraux et les terroristes pour "sanctuariser" la capitale et
la préserver des attaques terroristes, en laissant la Kabylie aux mains
des groupes armés. Sur ce point, Chafik Mesbah réfute l'idée que ce
qu'il appelle les "échelons de rangs intermédiaires" de l'Armée
"puissent accepter de se livrer à ce jeu-là". Plutôt, Mesbah parle d'un
problème d'efficacité lorsqu'il s'agit d'expliquer l'incapacité de ces
"échelons intermédiaires" de l'ANP à venir à bout des groupes armés
encore en activité. Il remarque, dans le même contexte, le "mépris
souverain" dont fait preuve le pouvoir central vis-à-vis de la Kabylie
et d'autres régions du pays.
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