- Barack
Obama parle bien. En réalité, le président Obama n’écrit pas lui-même
ses textes et passe ses journées à lire sur des prompteurs des discours
écrits pour lui. Pendant ce temps, d’autres gouvernent à sa place.
Depuis toujours les gouvernants tentent de
convaincre de la justesse de leurs actes, car jamais les foules ne
suivent les hommes qu’elles savent mauvais. Le XXème siècle a été le
théâtre de méthodes nouvelles de propagation d’idées qui ne
s’encombraient pas de la vérité. Les Occidentaux font remonter la
propagande moderne au ministre nazi Joseph Goebbels. C’est une manière
de faire oublier que l’art de fausser la perception des choses fut
développé auparavant par les Anglo-Saxons.
En 1916, le Royaume-Uni créa la Wellington House à Londres, suivie par la Crewe House. Simultanément, les États-Unis créèrent le Committee on Public Information
(CPI). Considérant que la Première Guerre mondiale opposait des masses
et non plus des armées, ces organismes tentèrent d’intoxiquer leur
propre population tout autant que celles de leurs alliés et que celles
de leurs ennemis.
La propagande moderne commence avec la publication à Londres du
rapport Bryce sur les crimes de guerre allemands, qui fut traduit en
trente langues. Selon ce document, l’armée allemande avait violé des
milliers de femmes en Belgique, les armées britanniques luttaient donc
contre la barbarie. On découvrit à la fin de la Première Guerre mondiale
que l’ensemble du rapport était une supercherie, faite de faux
témoignages avec l’aide de journalistes.
De son côté, aux États-Unis, George Creel inventa un mythe selon
lequel la Guerre mondiale était une croisade des démocraties pour une
paix réalisant les droits de l’humanité.
Les historiens ont montré que la Première Guerre mondiale répondait à
des causes autant immédiates que profondes, la plus importante étant la
compétition entre grandes puissances pour étendre leur empires
coloniaux.
Les bureaux britanniques et états-unien étaient des organismes
secrets, travaillant pour le compte de leurs États. À la différence de
la propagande léniniste, qui ambitionnait de « révéler la vérité » aux
masses ignorantes, les Anglo-Saxons cherchaient à les tromper pour les
manipuler. Et pour cela, les organismes étatiques anglo-saxons devaient
se cacher et usurper de fausses identités.
Après la disparition de l’Union soviétique, les États-Unis ont
négligé la propagande et lui ont préféré les Relations publiques. Il ne
s’agissait plus de mentir, mais de tenir la main des journalistes pour
qu’ils ne voient que ce qu’on leur montre. Durant la guerre du Kosovo,
l’Otan fit appel à Alastair Campbell, un conseiller du Premier ministre
britannique, pour raconter à la presse une histoire édifiante par jour.
Pendant que les journalistes la reproduisaient, l’Alliance pouvait
bombarder « en paix ». Le story telling visait moins à mentir qu’à détourner l’attention.
Cependant, le story telling est revenu en force avec le
11-Septembre : il s’agissait de concentrer l’attention du public sur les
attentats de New York et de Washington pour qu’il ne perçoive pas le
coup d’État militaire organisé ce jour-là : transfert des pouvoirs
exécutifs du président Bush à une entité militaire secrète et placement
en résidence surveillée de tous les parlementaires. Cette intoxication
fut notamment l’œuvre de Benjamin Rhodes, aujourd’hui conseiller de
Barack Obama.
Au cours des années suivantes, la Maison-Blanche installa un système
d’intoxication avec ses principaux alliés (Royaume-Uni, Canada,
Australie et bien sûr Israël). Chaque jour ces quatre gouvernements
recevaient des instructions, voire des discours pré-écrits, du Bureau
des médias globaux pour justifier la guerre en Irak ou calomnier
l’Iran [1].
Pour diffuser rapidement ses mensonges, Washington s’appuyait, depuis
1989, sur CNN. Avec le temps, les États-Unis créèrent un cartel de
chaines d’information satellitaires (Al-Arabiya, Al-Jazeera, BBC, CNN,
France 24, Sky). En 2011, lors du bombardement de Tripoli, l’Otan
parvint par surprise à convaincre les Libyens qu’ils avaient perdu la
guerre et qu’il était inutile de résister encore. Mais en 2012, l’Otan a
échoué à reproduire ce modèle et à convaincre les Syriens que leur
gouvernement allait inévitablement tomber. Cette tactique a failli parce
que les Syriens ont eu connaissance de la manipulation effectuée par
les chaînes de télévision internationales en Libye et ont pu s’y
préparer [2]. Et cet échec marque la fin de l’hégémonie de ce cartel de « l’information ».
La crise actuelle entre Washington et Moscou à propos de l’Ukraine a
contraint l’administration Obama à revoir son système. En effet,
désormais Washington n’est plus seul à parler, il doit contredire le
gouvernement et les médias russes, accessibles partout dans le monde via
les satellites et Internet. Le secrétaire d’État John Kerry a donc
désigné un nouvel adjoint pour la propagande, en la personne de l’ancien
rédacteur en chef de Time Magazine, Richard Stengel [3].
Avant même de prêter serment, le 15 avril, il occupait déjà sa fonction
et, dès le 5 mars, envoyait aux principaux médias atlantistes une
« fiche documentaire » sur les « 10 contre-vérités » que Vladimir
Poutine aurait énoncées sur l’Ukraine [4]. Il récidivait le 13 avril avec une seconde fiche présentant « 10 autres contre-vérités » [5].
Ce qui frappe en lisant cette prose, c’est son ineptie. Elle vise à
valider l’histoire officielle d’une révolution à Kiev et à discréditer
le discours russe sur la présence de nazis dans le nouveau gouvernement.
Or, on sait aujourd’hui qu’en fait de révolution, il s’agissait bien
d’un coup d’État fomenté par l’Otan et mis en œuvre par la Pologne et
Israël en mixant des recettes des « révolutions colorées » et des
« printemps arabes » [6].
Les journalistes qui ont reçu ces fiches et les ont relayées
connaissent parfaitement les enregistrements de conversations
téléphoniques de l’assistante du secrétaire d’État Victoria Nuland, sur
la manière dont Washington allait changer le régime au détriment de
l’Union européenne, et du ministre estonien des Affaires étrangères,
Urmas Paets, sur la véritable identité des snipers de la place Maidan.
En outre, ils ont pris connaissance ultérieurement des révélations de
l’hebdomadaire polonais Nie sur la formation deux mois avant le
début des événements des émeutiers nazis à l’Académie de police
polonaise. Quant à nier la présence de nazis au sein du nouveau
gouvernement ukrainien, cela revient à clamer que la nuit est lumineuse.
Il n’est pas nécessaire de se rendre à Kiev, il suffit de lire les
écrits des ministres actuels ou d’écouter leurs propos pour le
constater [7].
En définitive, si ces argumentaires permettent de donner l’illusion
d’un consensus des grands médias atlantistes, ils n’ont aucune chance de
convaincre des citoyens curieux. Au contraire, il est si facile avec
Internet de découvrir la supercherie que ce type de manipulation ne
pourra qu’entamer un peu plus la crédibilité de Washington.
L’unanimisme des médias atlantistes le 11-Septembre a permis de
convaincre l’opinion publique internationale, mais le travail réalisé
par des très nombreux journalistes et citoyens, dont j’ai été le
précurseur, a montré l’impossibilité matérielle de la version
officielle. Treize ans plus tard, des centaines de millions de personnes
ont pris conscience de ces mensonges. Ce processus ne pourra que se
développer avec le nouveau dispositif de propagande états-unien. En
définitive, tous ceux qui relayent les argumentaires de la
Maison-Blanche, notamment les gouvernements et les médias de l’Otan,
détruisent eux-mêmes leur crédibilité.
Barack Obama et Benjamin Rhodes, John Kerry et Richard Stengel
n’agissent qu’à court terme. Leur propagande ne convainc les masses que
quelques semaines et contribue à les révolter lorsqu’elles comprennent
la manipulation. Involontairement, ils sapent la crédibilité des
institutions des États de l’Otan qui les relayent consciemment. Ils ont
oublié que la propagande du XXème siècle ne pouvait réussir que parce
que le monde était divisé en blocs qui ne communiquaient pas entre eux,
et que son principe monolithique est incompatible avec les nouveaux
moyens de communication.
La crise en Ukraine n’est pas terminée, mais elle a déjà profondément
changé le monde : en contredisant en public le président des
États-Unis, Vladimir Poutine a franchi un pas qui empêche désormais le
succès de la propagande états-unienne.
Enregistrer un commentaire