On
ne peut pas s'empêcher de penser à la fameuse expression du DGSN algérien : La
gestion démocratique des foules. C'est à dire gérer des foules en émeutes ou en
colère ou en manifestations avec «démocratie» : c'est à dire sans frapper, sans
brutalité, sans dépassements, sans la haine habituelle du nervis. Tout ce qui
ne semble pas avoir été retenu comme méthode à Tizi-Ouzou avant-hier. Coups de
pieds, corps traîné sur le sol, gifles, excès et brutalités. On se repasse les
fameuses images qui circulent sur le net, cette vidéo semblable à dix mille autres
dans les pays comme le notre, gérés comme des casernes ou des cantonnements. Et
on s'interroge : pourquoi en arrive-t-on à cela encore une fois ? Pourquoi les
dictatures, molles, douces ou brutales, ne retiennent jamais rien de l'histoire
et des livres et des récits ? Pourquoi en Algérie, on n'en est encore à ces
humiliations et à la méthode coloniale de la gestion des foules ? Pourquoi ce
policier a eu ce réflexe de donner un coup de pied à un homme torse nu, étendu
sur le sol et qui déjà ne bouge plus ? Pourquoi ce coup de pied gratuit,
excédé, méchant et inutile dans le cadre de «la gestion démocratique des
foules» ?
Pour
beaucoup de raisons : histoire, conditionnement régionaliste peut-être,
tradition autoritaire etc. Et on peut s'attarder sur l'une d'elle, la plus
récente : cet homme est comme le régime : il pense que désormais ont peut
frapper et punir. Il se sent fort comme le régime après les dernières élections
: soutenu par un chiffre de récolte, des chancelleries clientes, un unanimisme,
un délire. On sent aujourd'hui que l'on peut frapper, que l'opposition,
organique, de cœur ou d'idées, a été vaincue et assimilée à la colonne des
Harkis. Il y a dans le coup de pied la hargne du vainqueur qui marche sur le
corps du vaincu. Cet homme qui a frappé sent l'impunité possible et la
possibilité d'aller plus loin car le vent est en poupe et le temps et aux
vengeances. Cet homme est le produit de ces haines-TV et de la campagne par les
insultes et les menaces. Sauf que cela détruit le pays, radicalise en Kabylie,
pousse la terre à se replier sous la chaussure qui l'écrase. Ce sentiment de
victoire et d'impunité chez le régime sera sa perte et sa chute. Tous les
livres du monde le disent. Ces images qui aujourd'hui choquent tant, sont le
début d'une vieille histoire de l'humanité. On le sait mais cela vous met
toujours en colère, vous attriste, vous fait peur et vous humilie au plus
profond.
Ce
qui s'est passé en Kabylie est un scandale et une indignité. Les Algériens ont
le droit de manifester dans leur pays. Ils ont le droit d'arpenter les rues et
de crier une racine ou une revendication. Nous sommes chez nous. On n'a pas le
droit de matraquer des Algériens pour leur faire payer ce droit attendu depuis
des millénaires. On n'a pas le droit de traiter ce pays comme l'ont fait les
colons et avec les mêmes méthodes.
Phrases
éparses et chronique décousue car le chroniqueur ne trouve pas quoi dire,
comment aligner le mot et l'indignation. Le mal est fait chaque jour et il est
immense : ces images resteront comme le prologue de ce mandat et de ce règne.
Aucune commission d'enquête ne les effacera. Aucune excuse publique. Elles sont
l'expression crue de ce que ressentent beaucoup d'Algériens comme colère et de
ce que ressentent beaucoup des hommes de main du règne comme impunité et
triomphe. Leur désastre et qu'elles ont accentué le sentiment de l'exclusion,
le régionalisme primaire, la division. Que dire d'autre ? On croit que les
nations sont immortelles alors que l'évidence est là : un pays peut mourir. Le notre
respire à peine déjà. Ou si peu. Le régime frappe aujourd'hui, car il sait que
l'Occident ne dira rien, que les Algériens des autres régions sont anesthésiés,
que sa victoire est un pacte et qu'il n'y aura pas de suite. L'homme qui a
donné un coup de pied au manifestant inanimé sur le sol le sait d'instinct. Le
bras d'honneur a pour suite le coup de pied. C'est connu. Les haines de cette
campagne électorale ne se résorberont pas aussi facilement.
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