Le pire n'est jamais certain mais il ne faut pas s'aveugler,
cette élection présidentielle qui se déroule sur fond de crise aiguë du système
politique en place est porteuse de risques. On en a eu quelques exemples qui
n'annoncent pas des perspectives réjouissantes. Les Algériens qui se
désintéressent d'une élection présidentielle «courue d'avance» commencent à y
prêter attention non sous l'angle de «l'intérêt civique» mais celui de
l'appréhension des suites.
Certains observent déjà une tendance des Algériens à stocker
des vivres dans le cas où les choses déraperaient. La formule qu'échangent le
plus les Algériens entre eux est «Rabbi yestor» (Que Dieu nous préserve). Le
système algérien arrive à ses ultimes retranchements et la manière dont se noue
l'élection présidentielle suscite des colères et des frustrations. Il sera
difficile de faire du 17 au soir une «fête démocratique» car les jeux biaisés
des élections à l'algérienne ne font plus illusion. Même les «fidèles» du vote
ont du mal à comprendre le cours qui est imposé au pays avec la reconduction
d'un statuquo devenu très visiblement bancal.
Le 17 au soir ne sera pas une fête, c'est certain. De très
nombreux Algériens appréhendent qu'il ne tourne au drame et qu'il serve
d'étincelle à une accumulation de frustrations et de colères dont les signaux
ont été donnés dans une campagne surréaliste menée par procuration. A dix jours
du vote, les tensions sont perceptibles. Et tout indique qu'elles ne
retomberont pas après le 17 avril. La campagne par procuration n'a rien d'un
voyage tranquille et Ali Benflis ne semble pas vouloir jouer le rôle de lièvre
«sage». L'activisme des «anti-4ème mandat» et des boycotteurs a été renforcé
par les gros dommages provoqués par les bévues de Sellal. Il crée déjà une
forte polarisation sur une base régionale, une évolution sinistre alors que
dans d'autres régions, Ghardaïa ou à Ali Menjeli (Constantine) on bascule dans
le tribalisme et les guerres des gangs.
On n'est pas dans la configuration de 1999 où tous les
compartiments du régime ont soutenu «l'homme du consensus», on n'est pas non
plus dans celle de 2004. Ces élections ont été conduites par un régime qui
avait encore du ressort. Celle qui se profile se déroule sur fond de crise
interne sérieuse du régime. C'est cette crise qui permet à un Benflis de croire
qu'il n'est pas un lièvre. Ou qu'il peut refuser le rôle qu'on lui impute. Devant
la faible confiance - pour ne pas dire l'absence de confiance - à l'égard des
institutions et des administrations, la contestation des résultats se profile
déjà. La révolte du «lièvre» principal pourrait chambouler les constructions. Et
ce qui rend la situation délétère est que ceux qui sont en charge de la
campagne de Bouteflika réfutent avec beaucoup de raideur les appels à la
transition et à la renégociation d'un nouveau consensus pour un nouveau régime.
Tout le monde demande la transition et le consensus sauf les
Sellal, Ouyahia and co qui s'installent dans un discours du déni et font mine
de croire que les institutions fonctionnent normalement et jouissent du crédit
nécessaire pour qu'il ne soit pas besoin de remettre en cause le régime. L'autisme
dans sa plus grande splendeur. Rabbi yestor disent les Algériens. Eux ne sont
pas aveugles. Ils sont en Algérie pas dans une bulle rentière.
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