Peut-on rire de tout et de rien ? De rien certainement,
mais de tout, il faut déjà le définir ce tout et surtout éviter de faire
fonctionner ses zygomatiques dans des sujets qui fâchent. La Shoah, les
religions, la race et la maladie de Bouteflika. Dieudonné paye toujours ses
sketchs antisionistes, ses références «négationnistes» ainsi que ses proximités
avec l'extrême-droite. Chez nous, le jour du vote, a-t-on le droit de rire des
six candidats et se payer leur gueule, un petit chouïa, s'amuser à les voir
s'égosiller pendant trois semaines alors qu'ils ont dormi pendant cinq ans,
promettant mille vœux à une populace malade d'un pays qui leur a tourné le dos
depuis 1962 ? Un rire gras, bien portant, estampillé halal et sans méchanceté
qui sortira de la gorge des millions d'Algériens, incapables de se souvenir de
la date de leur dernier rire innocent. Aujourd'hui, le petit peuple est appelé
à se rendre aux isoloirs pour élire leur président. Aujourd'hui, le petit
peuple, même conscient que sa voix n'est qu'un détail dans l'histoire des
élections en Algérie, va se tordre de rire, au risque de s'étouffer, devant la
mine ahurie des candidats figurants qui pensent avoir mené une campagne bien
comme il faut. Aujourd'hui, le petit peuple aura sa revanche même de 24 heures
sur le système qui l'a broyé, humilié et rendu assisté. Demain, il aura
toujours le temps de pleurer et pour cinq ans. Aujourd'hui, et alors que des
millions de paires d'yeux seront tournées vers le ciel, des millions
d'Algériens s'apprêtent à rejouer un remake des conquêtes arabes et envahir l'Espagne
catholique. L'armada est fin prête au large des côtes algériennes, attendant le
minuit de jeudi pour partir à l'assaut de Grenade et, de là, l'Europe. Des
Algériens qui ont eu marre de vivre sous un ciel qui ne leur appartient pas,
décidés à ramer pour sauver leur peau ou ce qu'il en reste, prêts à bouffer de
la sardine et réciproquement. L'info est tout ce qu'il y a de crédible et ça
serait notre Belaïz qui aurait vendu la mèche aux Espagnols pour qu'ils
viennent cueillir ces antipatriotes qui ont préféré faire une traversée à la
nage au devoir national. Ils leur ont dit que des millions de ventres affamés,
d'esprits oppressés allaient les envahir alors que l'Algérien ne cherche qu'à
vivre, en mourant s'il le faut. Prêt à s'embarquer sur un radeau de fortune
pour tenter la fortune ailleurs, dans un pays où il fait bon vivre pour peu
qu'on se fond dans le moule. L'Algérien ne veut pas voter, enfin ce n'est pas
une priorité absolue dans son agenda. Il n'aime pas la politique ni les gens
qui le représentent. Il n'aspire qu'à vivre dans la dignité comme le reste du
monde. Celui qui lui apportera ça, alors il pourra prétendre à dix mandats et
pas à quatre seulement.
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