Sur le net, désormais, une nouvelle vidéo : un texte tape
d'un vétéran du système. Ali Kafi, selon la chaîne naissante d'El Khabar, a
voté, dit, dénoncé et parlé et analysé et révélé. Mais il l'a fait après la mort,
pas pendant sa vie. Le drame des Algériens : les morts valent plus que les
vivants, en vrac. Depuis la Guerre de Libération, avant et longtemps après.
Qu'a dit cet ex-président de l'Algérie malheureuse ? Il faut rembobiner et
écouter. C'est terrible et fracassant même si on le savait déjà. C'est fait
pour déstabiliser les dernières convictions de ceux qui croient que
l'opposition est le chaos et que «bien portant imaginaire» est la sécurité et
la stabilité. Terrible et fracassant parce que, et seulement parce que, cet
homme est des «leurs», de leur clan, camp et régime. Il y a été, a mangé, dit
et trempé. Et maintenant il se repent, accuse et s'en lave les mains. Faut-il
zapper au nom du peu d'éthique politique de l'homme pendant sa vie ? Non. Il
faut penser efficacité : il faut écouter ce que dit ce mort parce que cela va
servir à réveiller. A penser et analyser, mieux qu'avec la peur et la passivité
ou l'émotion.
Derrière ce testament à la «texte tape», il y a le lever de
rideau sur une mécanique sinistre et l'âme ténébreuse d'un roi. Le régime parle
mieux de sa personne que lorsque l'opposition, avec sigle ou avec une tasse de
café, le tente ou le fait. Ce qu'a dit Kafi est une évidence pour certains,
mais une révélation pour les autres. Et cela confirme notre singularité
internationale : c'est le seul pays au monde où un mort vote, un ex témoigne,
un malade veut s'éterniser et un candidat ne veut parler qu'aux étrangers.
Il faut donc prendre la vidéo de Kafi comme un bug dans le
vaste cimetière de nos morts : d'habitude les morts ne disent rien et cela
permet de voter à leur place, en leur nom et avec leurs registres de décès ou
leurs souvenirs de guerre et de martyrs.
Cette fois, un mort a parlé et s'est impliqué. Par le son
et l'image et les sept mercenaires de la campagne ne pourront pas le démentir,
faire pression sur lui, le menacer, signer à sa place ou lui envoyer un
intermédiaire, le soir, pour qu'il se rétracte. C'est net, absolu et définitif.
Vision de fin de monde : ce jour où tout les morts algériens vont parler,
désigner qui le traitre, qui l'assassin par strangulation, qui le faux malien
qui le vrai héros.
En attendant, le pays est menacé, vraiment : à voir les
réponses aux meetings de la monarchie, les colères, les dérives et les basculements
dans la préhistoire, les insultes, on devine la possibilité d'un avenir
sinistre. Ce viol aura une conséquence plus lourde que la décennie 90.
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