Les Occidentaux ont très fortement poussé en Ukraine à ce
que leurs médias appellent la «révolution du Maidan». On a fait tomber, au nom
de cette révolution «spontanée», un gouvernement élu. Une des premières mesures
des nouvelles autorités a consisté à remettre en cause le statut de la langue
russe. Mesure «révolutionnaire» dont elles n'ont pas mesuré l'effet de
répulsion qu'elle provoque chez les russophones du pays. Et l'est et le sud de
l'Ukraine sont très fortement composés de russophones.
La «révolution» du Maidan s'est immédiatement dirigée dans
le sens de la mise à feu du clivage ethnolinguistique ukrainien. Elle a désigné
des perdants, très rapidement. Trop rapidement. Les Occidentaux ont gagné un
coup sur Moscou Mais le revers du Maidan n'a pas tardé à se manifester. La
Crimée est désormais rattachée à la Russie tandis que l'Est et le Sud sont en
ébullition et ne se reconnaissent pas dans la «révolution du Maidan». Les
médias occidentaux avec leur propre prisme refusent d'admettre que ce qui vaut
pour Kiev vaut également pour les autres régions du pays. Quand un pouvoir
«révolutionnaire» s'installe, la légalité vacille au profit du rapport de
forces. Une action révolutionnaire entraîne, par définition, une remise en
cause des équilibres et ceux qui la mènent ne doivent pas s'attendre de voir
ceux qui s'estiment lésés se contenter d'être des spectateurs.
Il n'y a aucune supériorité morale de ceux qui s'appuient
sur les Occidentaux sur ceux qui regardent du côté de la Russie. Ils ont fait
leur révolution, les russophones de l'Ukraine réagissent à leur tour. Ils font
leur Maidan à eux. Dans un pays composé, il y avait un gros risque à jouer
l'Ouest contre la Russie. La réussite de la «révolution du Maidan» supposait
des perdants passifs. Il n'en est rien. Elle supposait aussi que la Russie -
qui pense que les Occidentaux sont les chefs d'orchestre du «Maidan» - reste
passive pour préserver ses «intérêts économiques». Il n'en est rien. Cette
révolution « orange» butait sur la réalité sociologique de l'Ukraine. Elle la
heurtait frontalement. La déstabilisation actuelle que connaît ce pays n'est
donc pas une surprise. C'était même la situation la plus prévisible qui soit.
Une révolution n'est pas une promenade, c'est une sortie du
cadre légal pour remettre en cause un ordre et en créer un nouveau. Et, on
n'invente rien, ce nouvel ordre ne peut s'imposer que par la violence avant de
se créer une nouvelle légalité. L'Ukraine est bien dans cet entre-deux. Un
mouvement a été enclenché pour remettre en cause un ordre et rencontre une
forte résistance. Or, le contexte ukrainien rend pratiquement impossible le
recours à la violence pour imposer le nouvel ordre. Cela donne une révolution
ratée. Le Maidan a créé son revers. Il n'a pas créé un nouvel ordre. Ou alors
il ne le créera que dans une partie de l'Ukraine. Tout comme les russophones et
Moscou ont vu dans Maidan un complot occidental, les gens de Kiev parlent de
complot russe. C'est un dialogue de sourds. Le pays peut déraper vers la guerre
civile, ce n'est pas une impossibilité. Ceux qui ont fait le Maidan ont cru
faire une révolution, ils ont probablement perdu un pays.
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