LE MOUVEMENT DANS LE STATUQUO A DEJA EU LIEU
par K. Selim
L'après-élection présidentielle ne peut, à moins d'un
choix de répression totalement contreproductif, se traduire par un silence des
rangs et à un rentrez chez vous il n'y a plus rien à voir. Un ministre qui a
fait campagne pour Bouteflika - et qui n'est pas nécessairement mieux informé
de ce qui va se décider - a pratiquement sommé les opposants de disparaître de
la scène jusqu'en 2019. Même si l'on peut penser qu'un Ali Benflis tente, vainement,
de créer pour lui-même un second tour impossible, le silence dans les rangs est
impossible. A moins de placer très haut le curseur de la répression et avec des
résultats qui peuvent être à l'opposé de ce qui est escompté.
Le statuquo a été formellement consacré par la
présidentielle mais les débats sur la crise, la fuite en avant des politiques
économiques et les risques d'un effondrement brutal du régime ne sont pas près
d'être remisés au placard. Les images de la répression en Kabylie qui ont connu
une diffusion virale ont montré à quel point le schéma classique fondé sur le
contrôle de l'ENTV - et des TV offshore amies - est dépassé. Le jeune qui a
pris les images et les a diffusées sur le Net a déjà vaincu la «force de
frappe» de l'ENTV and co. Le monopole sur ces médias audiovisuels va être de
plus en plus battu en brèche par la capacité de plus en plus grande des
Algériens à prendre des images et à les diffuser instantanément. L'auteur de la
vidéo a été placé sous contrôle judiciaire dans une tentative, anachronique, de
remettre une Algérie, de plus en plus branchée et connectée, sur le vieux
logiciel du régime.
Un confrère a noté, dans une boutade expressive, que
le régime fonctionne au vieux Windows 95 alors qu'une bonne partie de la
jeunesse est sur une autre dimension, en web 2.0. La mesure judiciaire prise à
l'encontre du jeune auteur de la vidéo lui suscite, sans surprise, une grande
vague de solidarité sur le Net. Des journalistes, qui n'apprécient pas
particulièrement l'actuel secrétaire général du FLN, Amar Saadani, observent
qu'il a causé - alors que ce n'était pas son but - des dommages collatéraux
majeurs en cassant certains grands tabous du régime. Du coup, plus besoin de
circonlocutions pour parler de ce qui fait le pouvoir, ni de ceux qui le font.
Le dommage Saadani a mis publiquement une polémique politique de crise dans les
six mètres du régime. Rien n'empêche plus que le débat, libre, se déroule
également dans ces six mètres. Des journaux s'y installent dans ces six mètres,
des personnalités politiques également.
On peut même constater - et cela mérite d'être relevé
- que des anciens militaires n'hésitent pas à intervenir dans les médias et pas
seulement, comme ce fut le cas du général Hocine Benhadid, sur le terrain
politique. Même l'attentat terroriste de Tizi Ouzou a fait l'objet d'un
décryptage critique sur les aspects opérationnels. La tentation de recréer le
vide politique et d'interdire les débats est bien présente. Elle est très
risquée. Le régime n'est pas en meilleure posture après le 17 avril même si
Benyounès et Hanoune semblent le croire. Pour reprendre la formule de Hocine
Aït Ahmed, le «mouvement dans le statuquo» a eu déjà lieu et les Algériens
attendent plus. Toute tentative d'effacer ce mouvement sera coûteuse. Voire
dramatique.
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