Le grand oral du président réélu
par Kharroubi Habib
Tout président nouvellement élu s'adresse à la nation le
jour de son investiture pour lui faire connaître les grandes lignes des
politiques qu'il entend réaliser durant son mandat. Bouteflika l'a fait à
l'occasion de ses trois investitures précédentes, mais le doute plane qu'il en
fasse de même ce lundi où il va prêter serment pour la quatrième fois. Certes,
après la proclamation officielle de sa victoire par le Conseil constitutionnel,
il a promis qu'il s'adressera très bientôt aux Algériens, mais sans préciser
que ce serait à l'occasion de la cérémonie d'investiture. S'y étant engagé, le
président doit par conséquent s'adresser à la nation faute de quoi il
confortera dans leur opinion les tenants de la thèse que l'Algérie va être
gouvernée pour les cinq années par un chef d'Etat impotent au point de ne
pouvoir parler au peuple. C'est dire que les invités à la cérémonie de
prestation de serment ne seront pas les seuls à scruter les faits et gestes de Bouteflika
en cette circonstance.
Il doit s'adresser aux Algériens car il n'est pas sans
savoir que sa réélection n'a pas dissipé les inquiétudes qu'ils ressentent du
fait qu'ils ont conscience que le pays ne va pas bien en intérieur alors qu'il
est confronté de tous côtés à des menaces venant de l'extérieur qui peuvent se
concrétiser en profitant de ses fragilités internes qui sapent sa cohésion
nationale. Des inquiétudes qui sont avivées par celle que l'Algérie se retrouve
dans ce contexte avec à sa tête un chef de l'Etat amoindri par son problème de
santé.
Ce que les Algériens attendent de Bouteflika à l'entame de
son quatrième mandat est qu'il montre le cap qu'il a l'intention de suivre,
qu'il leur démontre que malgré son invalidité conséquence de son AVC il est
celui qui détient la réalité du pouvoir dans le pays.
Son programme électoral a été basé sur la promesse phare
que le quatrième mandat serait voué à l'instauration progressive et pacifique
d'une seconde République impliquant l'émergence d'un Etat de droit et d'une
démocratie réelle. Un objectif qui peut être rassembleur malgré ce que son
quatrième mandat suscite d'oppositions. Pour peu évidemment que Bouteflika
rompe avec la conception autoritaire et unilatérale qu'il a de l'exercice du
pouvoir. Il n'est pas sans s'être rendu compte que cette conception lui vaut
d'avoir dressé contre soi la plupart des forces vives de la nation qui de leur
côté sont en train de se coaliser en un pôle qui entend faire barrage à un
projet de refondation de la République dont ils ne seraient pas pleinement
associés à la définition.
Le pays a besoin d'un front uni face aux défis auxquels il
est confronté. Bouteflika est susceptible d'enclencher les convergences pouvant
constituer ce front. La plupart des forces vives nationales ne refuseront pas
la main qu'il pourrait leur tendre pour la réalisation de cet objectif. Elles
ont fait des propositions dans ce sens et c'est parce qu'elles n'ont pas été
prises en compte qu'elles ont pour certaines radicalisé leur opposition. Mais
étant conscientes que le pays traverse une dangereuse passe, elles ne
rejetteront certainement pas une offre visant à l'érection d'un front
intérieur, si ce qu'elle propose ne relève pas de la manœuvre politicienne mais
d'une volonté politique de rassembler le pays sans chercher à imposer la forme
et le contenu que ce rassemblement doit prendre.
La balle est du côté du président réélu qui doit rendre
publiques ses intentions.
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