Le général à la retraite Hocine benhadid : Ensemble rêvons! ensemble osons !
I/ Algérie 2014 : état des lieux - Un pays traversé de fragilités persistantes
L’Algérie reste traversée de fragilités récurrentes, qu’elles soient
territoriales, identitaires, économiques, sociales ou stratégiques.
Qu’avons-nous fait de ces cinquante ans ? Telle est la question que se
posent les Algériens maintenant que s’éloignent les célébrations de
l’indépendance. «Rien, sauf voler !», répondent la plupart d’entre eux,
surtout les jeunes qui n’ont en général pour perspective d’avenir que le
chômage ou des petits trafics, faute d’obtenir un visa pour l’eldorado
européen et américain. Le pays s’est enfoncé dans le marasme,
l’indiscipline, l’incivilité, l’immoralité et l’anarchie... Où est
l’Etat ?
Une caste politico-affairiste met l’économie en coupe réglée et se
maintient au pouvoir, recourant à des manipulations qui ont culminé
pendant la terrible décennie noire des années quatre-vingt-dix, aux
cicatrices encore à vif. Nourris d’un amour profond pour ce pays nous
donne des raisons d’espérer un nouveau départ. Nous n’avons pas attendu
2014 pour nous préoccuper de la situation qui prévaut dans ce pays.
Conscients de l’importance des enjeux géopolitiques et géostratégiques,
nous pensons que c’est le pouvoir qu’il faut isoler et non pas le
peuple et son institution militaire et sécuritaire.
Nous sommes préoccupés par l’évolution de la situation politique,
géopolitique, géostratégique et sociale de l’Algérie. Depuis 2004, les
quelques espoirs que l’élection du président Bouteflika avaient pu
susciter se sont révélés mirages et illusions. Même portés par un verbe
généreux, ils n’ont pu ouvrir de perspectives de sortie à la grave crise
dans laquelle l’Algérie s’enfonçait, pilotée par un pouvoir dont la
gestion de la société repose sur le mépris des populations, le déni de
toute expression citoyenne, l’arbitraire généralisé et l’aggravation des
injustices sociales, et ce qui couronne le tout les insultes proférees
des ministres en fonction.
Aujourd’hui, la société civile et les partis politiques peinent à
offrir aux citoyens une perspective de rupture alternative qui
échapperait au choix entre le fatalisme et le sacrifice. Ils assistent
même avec inquiétude à un passage politique en force pour imposer le
Président sortant. Cette option serait la pire pour eux-mêmes, pour
l’Algérie et pour l’ouverture sur l’ensemble du monde. L’hypothétique
compromis entre le groupe des «07» assis sur l’économie rentière et
rêvant de soumettre la société à leur diktat ? Ils sont dans la logique
de la terre brûlée.
Cette logique a pour segment une économie rentière, qui ne produit
plus, se contente de commercer, et dont le pactole est détourné au
profit d’une bourgeoisie parasitaire et arrogante et sans autre
perspective que l’enrichissement rapide. Il y aurait 20 milliards de
dollars circulant dans l’informel. Pour cette bourgeoisie estimée à 500
000 personnes, dont la majorité issue de l’informel, représenterait un
danger réel et une force hégémonique. Là est le danger réel ! Pas
étonnant que ce groupe des «07» est convaincu que l’élection est gagnée
d’avance. Le taux de +60% avancé par «le Sieur Saadani» marque la fin
des élections.
En dépit de tout cela, beaucoup résistent et s’entêtent à ne pas gâcher
définitivement l’avenir d’un pays doté de tant d’atouts et de
ressources et autant chargé d’histoire. Des forces de plus en plus
nombreuses se rendent compte qu’aucune démocratie n’est possible dans le
cadre du système actuel, qu’il faut rompre avec lui, avec ses
institutions, ses hommes — des rentiers corrompus — et refonder un Etat
moderne et redonnant la dignité à ses citoyens. Ce combat ne s’arrêtera
pas le 17 avril 2014. Il concerne toutes les Algériennes et tous les
Algériens. Ensemble rêvons ! Ensemble osons !
II/ Scrutin du 17 Avril 2014 : Projet Machiavélique
Pour nombre d’observateurs, jamais une élection en Algérie n’a été
autant porteuse de dangers. Doit-on renoncer à considérer ce pays comme
un Etat respectable et le réduire à une caste à groupes d’intérêts
maffieux ? Une question qui ronge aujourd’hui de nombreux Algériens de
toutes conditions. A la veille des grands changements vers lesquels le
pays tout entier s’achemine, changements auxquels aspire la majorité des
Algériens et Algériennes, à savoir une gouvernance plus démocratique,
une gouvernance plus soucieuse des intérêts supérieurs de la nation
qu’aux intérêts de clans et de chapelles. Ce qui serait anormal, c’est
que devant cette immense attente de changement l’on continue à
fonctionner avec les mêmes réflexes qui ont prévalu jusque-là.
Aucun développement durable n’est possible sans la prise en compte des
demandes sociales et sociétales de manière générale. Si jamais la
volonté populaire ne sera pas respectée, l’Algérie serait la risée du
monde entier et entrera dans les annales de l’histoire de l’humanité
pour avoir élu un Président qui aura fait une campagne politique par
procuration et qui dirigera le pays par procuration — on va vers
l’élection d’un Président Virtuel et un Etat Virtuel—. Tous ceux qui
s’acharnent aujourd’hui à vouloir coûte que coûte nous vendre cette
image d’un Président très affecté, à utiliser un homme visiblement
malade à des fins inavouables sont passibles de poursuites judiciaires
pour «non-assistance à personne en danger» et nous tous qui assistons à
ce spectacle désolant qui est en train de transformer l’Algérie en une
république bananière, nous tous serons tenus pour complices de cette
mascarade.
S’il est vrai que l’Algérie ne va sans doute pas connaître de printemps
arabe, par contre si ce système se perpétue, ce sera plutôt un hiver,
non pas arabe que va vivre l’Algérie, mais un hiver typiquement
algérien, c’est-à-dire un hiver polaire qui va statufier définitivement
le pays, l’empêchant d’aller de l’avant. Si ce système se perpétue et en
l’absence de société civile, en l’absence d’une élite universitaire
avérée, en l’absence de l’implication de la jeunesse performante et
novatrice, nous allons vers une momification qui fera de l’Algérie une
terre propice aux fouilles archéologiques parce que ce système mènera
inéluctablement ce pays à sa perte, à sa disparition, comme les
dinosaures.
L’Algérie est un grand et immense pays par sa richesse démographique et
ses ressources naturelles. Elle sera un géant si elle sait les mettre
en valeur. Le pouvoir actuel ne l’a pas su. Au vu de la situation
actuelle, ce pouvoir hégémonique après 15 années de règne veut entraîner
le pays vers le chaos. Mais d’où tire sa force son entêtement ? Est-il
si fort au point de mettre l’institution militaire et 40 millions
d’Algériens au pas, au garde à vous ? Telle est la question que tout
Algérien doit se poser. Faut-il agir ou laisser ce pays aux mains de ce
groupe des «07» ? Ces derniers tirent leur force des connexions et des
interconnexions tissées en haut lieu par les multinationales
juives-sionistes et les pieds-noirs d’outre-mer sous l’œil attentif du
Makhzen marocain.
Les voix jeunes et moins jeunes s’élèvent et se multiplient contre la
tenue de ces élections sans que cela émeuve qui que ce soit et sans que
cela ait le moindre effet sur les décideurs qui continuent à ignorer
avec un silence galactique cet appel de fond d’une société qui s’enfonce
chaque jour un peu plus dans le marasme. Les mouvements de protestation
se propagent telle une traînée de poudre. D’un quartier à l’autre,
d’une cité à l’autre, d’une ville à l’autre, la colère des habitants
s’exprime de la manière la plus violente ; à l’image de la région des
Aurès victime d’une grande désinvolture et d’une rare provocation envers
les Chaouia. Il faut rappeler à se «monsieur» que toutes les régions
d’Algérie sont les bastions du nationalisme. Hier, on a jeté la Kabylie à
la vindicte. Aujourd’hui, ce sont les Chaouia qu’on provoque. Ghardaïa
au bord de la division pleure ses morts. C’est le pouvoir, à travers ses
relais, qui est à la tête de ces divisions. A qui le tour ? Où est
l’Etat ? Que faire ?
III / Une phase de transition démocratique : Pour Une Assemblée Constituante ?
Face à cette situation de blocage, l’idéal serait de passer par une
phase de transition au cours de laquelle sera mise en place une
Assemblée constituante qui serait représentative de l’ensemble de la
société algérienne, toutes tendances confondues. Dans notre cas, la
Constitution devrait être nouvelle. C’est-à-dire construire une 2e
République.
Il ne faut pas non plus omettre de faire appel aux hommes et aux femmes
historiques encore de ce monde, tels que Monsieur Hocine Aït Ahmed
(membre suppléant du Congrès de la Soummam), Monsieur Rédha Malek
(membre du GPRA), Monsieur Méchati (membre du groupe des «22»), Monsieur
Lakhdar El Ibrahimi, Monsieur Taleb El Ibrahimi, Monsieur Ali Yahia
Abdennour, et enfin la Grande Dame Djamila Bouhired (représentante
exclusive de la femme algérienne). Auxquels il faut également associer
le président Liamine Zeroual, qui aura à charge d’assurer l’intérim à
la tête de l’Etat, sous l’appellation : le Haut Comité pour la
Transition. Le temps d’élaborer une véritable Constitution républicaine
qui sera soumise à la base pour discussion et enrichissement avant son
adoption par un référendum populaire.
La durée de la transition ne doit pas dépasser, en aucun cas, les 24
mois. Le président Liamine Zeroual aura à charge de convoquer et
d’organiser une Conférence nationale, où toutes les couches sociales
politiques et apolitiques intérieures et extérieures seront présentes.
Aucune exclusion n’est permise. Le mot d’ordre pour réussir cette
conférence serait : «Aucun tabou n’est à exclure. Aucune constante
imposée ne doit être prise. Tout doit être discuté en toute
transparence».
A/ La feuille de route pour Une Constituante :
A. L’Assemblée Constituante
Le succès même du projet de souveraineté de l’Algérie dépend de la
volonté du peuple. Pour assurer à ce projet toute la légitimité et toute
la force nécessaires à sa réalisation, nous proposons la convocation
d’une Assemblée constituante. En effet, la démarche qui sera suivie pour
réaliser une vraie indépendance doit être profondément démocratique.
Elle doit cesser d’être une opération de marketing visant à trouver le
meilleur slogan pour convaincre la population. Même si des tactiques
plus ou moins déloyales sont à prévoir de la part du pouvoir en place et
leurs relais, la démarche adoptée ne doit pas se borner à tenter de les
déjouer. Selon nous, il faut miser plutôt sur le formidable exercice de
participation collective que permettra une Assemblée constituante. Au
terme de cet exercice, la population algérienne devrait se sentir
capable de faire un choix éclairé et ferme. Au cœur de cette tradition
réside l’idée que le pouvoir émane du peuple et non d’un système.
B. Qu’est-ce que l’Assemblée constituante ?
Sans présumer de tous les détails du fonctionnement de l’Assemblée
constituante, nous proposons qu’elle se compose de citoyennes et de
citoyens élus dans toutes les wilayas. Ses membres — les constituants —
seront donc issus de la société civile et non du gouvernement en place.
Le pouvoir de l’Assemblée émanera ainsi de la souveraineté populaire.
La légitimité de l’Assemblée constituante reposera aussi sur le respect
de certaines règles de fonctionnement démocratique, par exemple : faire
élire ses membres au suffrage universel, direct et proportionnel ;
refléter la parité hommes/femmes et la diversité des régions ; disposer
des fonds et du temps nécessaires pour élaborer un projet de
Constitution. Bousculés par le temps, nous proposons 12 mois pour sa
rédaction. Aussi, nous proposons d’associer les éminents juristes pour
assister l’Assemblée dans la confection et la réalisation de la
Constitution, sous l’œil vigilant du Haut Comité pour la Transition.
C. Quel sera le rôle de l’Assemblée constituante ?
Comme le suggère son nom, l’Assemblée constituante a pour mandat
d’élaborer un projet de Constitution. Vaste tâche, puisque cela signifie
rédiger des lois d’un pays. Il s’agirait ainsi : de définir la
structure et les composantes de l’Etat souverain du pays ; de préciser
les institutions nécessaires et les compétences qui leur sont
déléguées ; d’énoncer les valeurs, les droits et les principes sur
lesquels repose la vie commune. Le travail de l’Assemblée constituante
sera de trouver des propositions pour mettre en place des institutions
politiques capables de représenter pleinement la réalité du pays. Elle
devra donc s’interroger sur les mécanismes actuels qui limitent ou
empêchent l’action citoyenne. A titre d’exemple, les Etats reposent
actuellement sur la domination de l’organe exécutif (Conseil des
ministres). Le pouvoir se concentre ainsi entre les mains d’un
Président. La plupart du temps, les projets de loi sont présentés à
l’initiative de l’organe exécutif ou même du bureau du Premier ministre.
Une telle concentration va évidemment à l’encontre des intérêts
collectifs puisqu’elle limite les opinions sur lesquelles se fonde la
prise de décisions.
Les débats organisés durant l’Assemblée constituante pourraient mener à
la mise en place des institutions politiques nécessaires pour éviter la
concentration du pouvoir et donner une place centrale aux personnes
élues par le peuple. Cela pourrait signifier : l’adoption d’un mode de
scrutin proportionnel de liste, la parité des sexes dans les
candidatures, le plafonnement strict des dépenses lors des campagnes
électorales, et l’accès équitable aux médias pour tous les partis
politiques. Aucun domaine, à commencer par l’économie, ne devrait
échapper aux délibérations publiques de l’Assemblée constituante.
Définir une démocratie véritable ne peut en effet se limiter aux
institutions politiques. C’est également dans les relations économiques
qu’il faut intégrer les principes de liberté, d’égalité et de justice.
C’est donc non seulement la scène politique, mais aussi le milieu de
travail, le mode de production et la propriété qu’une Assemblée
constituante pourrait organiser sur le modèle républicain.
L’Assemblée constituante aura le pouvoir et le devoir d’explorer
diverses questions, par exemple : quels mécanismes de démocratie
participative faut-il mettre en place ? Quels types d’assemblées élues
au niveau communal et wilayal faut-il pour favoriser l’implication
citoyenne dans différents dossiers publics ? Quelle collaboration
faut-il instaurer entre ces assemblées et les divers acteurs sociaux —
syndicats, groupes de femmes ou de jeunes engagés dans leurs milieux ?
Quels mécanismes sont nécessaires pour assurer le contrôle des
populations sur leurs mandataires et sur l’utilisation des fonds
publics ? Comment redistribuer des pouvoirs aux régions et permettre des
expériences locales ou wilayales de budget participatif ? Pour trouver
réponses à ces questions, l’Assemblée constituante pourra recourir à
divers moyens qui donneront la parole aux gens vivant à l’intérieur du
pays ou à l’extérieur : forums, états généraux, tribunes par téléphone
ou Internet, Facebook, etc. Ses travaux seront donc un exercice
exemplaire de démocratie participative qui permettra une prise de
conscience sans précédent. En fait, cette extraordinaire période de
réflexion et de prise de parole citoyenne sera un vaste chantier
d’émancipation collective.
D. À quoi pourrait ressembler la Constitution de la 2e République ?
Sans préjuger des travaux de l’Assemblée constituante, on peut penser
que cette large démarche de démocratie participative donnerait des
résultats adaptés aux besoins du peuple. La Constitution pourrait ainsi
s’ouvrir par une Charte sociale prévoyant non seulement des droits
politiques, mais aussi des droits économiques et sociaux. Y seraient
définis des droits collectifs qui élargissent la démocratie et dépassent
une logique purement libérale des droits individuels. Pourquoi des
droits collectifs ? Parce que les individus placés en position
subalterne dans la société peuvent exercer leurs droits individuels
seulement par une action collective. Pièce maîtresse d’une nouvelle
Constitution, la Charte sociale pourrait ainsi baliser les droits
d’organisation collective des travailleuses et des travailleurs,
l’égalité entre hommes et femmes en matière de droits économiques et de
représentation politique. Elle pourrait maintenir voire élargir le droit
de syndicalisation, de grève et de manifestation.
Elle devrait consacrer les meilleurs acquis en matière de salaires, de
temps de travail, de protection de l’environnement. Et ce ne sont là que
quelques exemples. En fait, la Charte sociale devrait préciser les
divers droits nécessaires pour assurer concrètement une redistribution
égalitaire des richesses, un développement viable et respectueux de
l’environnement ainsi qu’une société égalitaire, ouverte et pluraliste.
Parce que les services publics sont une condition indispensable à
l’exercice de la citoyenneté, donc de la vie démocratique, la Charte
sociale devrait réaffirmer leur importance. Cela impliquerait
d’interdire les privatisations et de retourner sous contrôle public les
domaines répondant aux besoins vitaux des populations : éducation,
santé, énergie, eau, transports en commun, équipements collectifs,
moyens de communication. Comme la Charte sociale affirmerait les valeurs
de justice et de solidarité, elle devrait garantir le maintien et le
développement de services publics de qualité dans ces domaines.
Outre des institutions politiques, des droits sociaux et économiques,
la Constitution pourrait prévoir d’autres principes, le refus de
participer à toute guerre, un revenu minimum garanti. Elle affirmerait
sans doute les principes de la liberté de culte et de la séparation de
la mosquée, des zaouïas et de l’Etat. Bref, elle définirait une Algérie
vraiment républicaine. Enfin, la Constitution d’une Algérie indépendante
reconnaîtrait évidemment les droits de la minorité.
E. Pourquoi proposer une Assemblée constituante ?
Pour nous, mettre en avant la stratégie de l’Assemblée constituante, ce
n’est pas seulement entreprendre de définir un projet de société. C’est
convier toutes les forces vives du pays à participer à l’élaboration du
projet. Voilà pourquoi notre proposition s’éloigne des autres démarches
proposées jusqu’ici pour réaliser l’indépendance. Il ne s’agit plus de
compter sur le résultat électoral du parti politique qui se considère
comme l’unique porteur du projet collectif de souveraineté. Il ne s’agit
pas d’un processus juridique où des experts sont chargés d’écrire une
Constitution en renommant les institutions héritées des cinquante années
passées. Il ne s’agit pas davantage d’organiser un référendum dont la
victoire dépend d’une campagne publicitaire visant à faire approuver un
projet élaboré en vase clos.
Parler d’Assemblée constituante, pour nous, ce n’est pas poser
abstraitement un nouveau chemin vers la souveraineté de l’Algérie. C’est
proposer de discuter, de la manière la plus démocratique et la plus
large possible, des mécanismes essentiels pour assurer la défense du
bien commun, pour articuler les luttes politiques et les revendications
sociales. Pour que l’Algérien réalise la rupture avec le pouvoir actuel
et choisisse l’indépendance, les Algériens doivent penser et rêver le
pays qu’ils veulent construire. Ils doivent définir eux-mêmes les
institutions démocratiques et les instruments politiques nécessaires
pour actualiser la souveraineté populaire.
A notre avis, ce vaste travail donnera l’occasion aux citoyennes et aux
citoyens de découvrir des raisons individuelles et collectives de faire
l’indépendance. Ayant ainsi exprimé leurs visions du pays, ils seront
mieux en mesure de résister ensuite aux représailles prévisibles de la
caste qui tient le pays en otage. Les convictions formées au cours du
long processus de l’Assemblée constituante seront en effet plus solides
que celles provoquées à la suite d’une campagne publicitaire.
En fait, la mise en branle d’une Assemblée constituante, élue et
démocratique, sera elle-même un acte de souveraineté populaire. Elle
marquera une rupture avec «les institutions» imposées par le pouvoir en
place. Elle signalera la fin de l’acceptation d’un pouvoir
centralisateur et de sa domination sur le pays. Bref, une Assemblée
constituante affirmera ce que ce pouvoir s’emploie à nier : l’existence
de la nation algérienne. Son travail permettra aux gens d’en finir avec
le statu quo constitutionnel qui les réduit à l’état de peuple
minoritaire et assisté. Voilà pourquoi nous proposons que le projet de
Constitution vienne couronner la démarche d’Assemblée constituante au
lieu de servir de point de départ.
Devant les menaces avérées du pouvoir centralisateur, de la situation
géopolitique, de situation géostratégique et de la mondialisation
néolibérale, le projet de la souveraineté s’impose plus que jamais. Son
succès et sa légitimité dépendent toutefois du caractère profondément
démocratique de la démarche suivie pour la réaliser. C’est pourquoi nous
proposons la convocation d’une Assemblée constituante.
Nous proposons d’inviter les citoyens d’ici et d’ailleurs à penser et à rêver le pays qu’ils désirent.
C’est à toute la population qu’il revient de déterminer les
institutions démocratiques et les instruments politiques nécessaires à
une véritable souveraineté populaire. Grâce au vaste travail de
l’Assemblée constituante, les citoyennes et les citoyens découvriront
des raisons personnelles et collectives de faire un autre 5 Juillet.
Mais qui pourrait être le garant de cette feuille de route ? Nous
pensons aux institutions sécuritaires tous corps confondus et à leurs
tête l’Armée Nationale Populaire.
IV/ La Place de l’Armée dans la Nation :
Appui à la transition
Le terrorisme hégémonique et sa répercussion catastrophique sur tout
le tissu social a littéralement projeté l’armée au-devant de la scène.
Ce rôle de pompier que son devoir lui exige est vu sous un angle
négatif, pour avoir utilisé la violence rationnelle et légitime à
l’instar des autres armées du monde l’a fragilisée. Les attaques subies
par notre armée ne sont en réalité qu’une stratégie machiavélique pour
faire écarter l’armée du champ politique au profit de la maffia
politico-financière.
On ne comprend pas pourquoi ils veulent tenir l’armée à l’écart, dans
la zone d’ombre, d’où elle n’émerge qu’à l’heure du danger. Par ces
attaques frontales, ils veulent influencer l’opinion nationale et
internationale à ne reconnaître l’armée qu’en tant qu’ultime recours,
autant d’influences qui ont engagé, malheureusement, intellectuels,
simple citoyen et même quelques «personnalités» dans la voie de la
négativité, du déni de réalité à l’armée et de l’hostilité
larvée. Nous ne pouvons nier par contre qu’à travers les attaques dûment
médiatisées et planifiées que notre armée se trouve coincée, voire
piégée.
Dans les pays qui se respectent et économiquement avancés d’Europe et
d’Amérique du Nord, la place privilégiée de l’armée et de son rôle dans
le développement sociopolitique et économique est sans équivoque et ne
prête à aucune confusion. Dans notre pays, la confusion est totale : au
lieu d’incriminer l’institution militaire, au lieu de la marginaliser
et de voir en elle que ce corps intrus dans le monde politique, il
faut, au contraire, voir cette institution sous un autre
angle. Posons-nous les questions suivantes : la violence armée est-elle
le propre de l’armée ou la caractéristique spécifique de l’appareil de
l’Etat ? Est-il possible de concevoir l’actualisation d’un
objectif social de quelque importance en dehors de la mise en œuvre de
la violence organisée et rationnelle, c’est-à-dire le maintien de
l’ordre ?Il serait erroné de notre part de pouvoir répondre à
ces questions. Nous laisserons le soin au peuple d’en décider, d’ouvrir
le débat sur cette problématique qui, sous d’autres cieux, ne se pose
même pas
Les propos tenus par le premier responsable de l’institution militaire
concernant l’élection présidentielle nous révèlent l’hésitation de cette
institution quant à son implication directe dans le champ politique. Il
serait juste, à notre avis, que ce responsable se montre direct et
ferme voire menaçant envers toutes les institutions responsables des
futures élections. Il faudrait que ces dernières sachent que
l’institution militaire est là et gare à celui qui piétine les lois de
la République. Le peuple doute et reste méfiant vis-à-vis de l’armée. Il
appartient à l’institution militaire de se monter plus convaincante
quant à sa neutralité, plus persuasive et menaçante envers les
institutions responsables de l’organisation des élections. Il appartient
à l’institution militaire de mettre tout le monde en garde en
organisant une conférence de presse en présence de la presse nationale
et internationale et pas à coups de communiqués. Car il y va de sa
crédibilité en ce moment de doute et de polémique.
Au moment où existe une polémique sur le rôle des forces de sécurité en
Algérie préjudiciable au pays, la région euro-méditerranéenne et
euro-africaine connaît des bouleversements géostratégiques avec des
conflits aux portes de l’Algérie. La sécurité, fondement du
développement de l’Algérie, est posée et devrait dépasser les conflits
de personnes pour la distribution de la rente et privilégier uniquement
les intérêts supérieurs du pays. C’est que les menaces qui pèsent sur
les peuples et leurs Etats et les défis collectifs qui leur sont lancés
doivent amener l’Algérie à se doter d’une politique de défense, d’une
politique extérieure et d’une politique socio-économique globale afin de
répondre aux nouveaux enjeux. Dans tout appareil d’Etat, l’armée est
bien l’institution dont l’étude et la compréhension relèvent par
excellence de l’analyse géopolitique, c’est-à-dire de la démarche qui
permet de mieux comprendre les rivalités des pouvoirs sur des
territoires.
C’est en effet principalement par leurs armées que les Etats se
disputent des contrées ou exercent leur domination à l’extérieur de
leurs frontières. Quant à la nation, c’est une idée fondamentalement
géopolitique. Cette idée se transforme en fonction des changements
géopolitiques et il en est de même pour les rapports de l’armée et de la
nation.
L’Algérie se trouve ceinturée de toute part et vit une grande tension
géopolitique sur ses frontières où se développent des mouvements
intégristes islamistes et des maffias de la drogue et des trafics en
tout genre qui prétendent imposer de gré ou de force leur autorité et
leurs visées géopolitiques à l’ensemble des Etats du Nord africain et
dans tout le Sahel. Il en résulte que le Grand Maghreb et tout
particulièrement l’Algérie se trouvent désormais confrontés à des
risques graves. Les problèmes de défense se posent en termes absolument
nouveaux dans la mesure où il s’agit de combattre des réseaux
terroristes qui s’infiltrent insidieusement à travers nos frontières
pour faire imploser le pays.
L’évolution de la situation sécuritaire à nos frontières et celle qui
prévaut à l’intérieur peuvent conduire l’armée à devoir s’impliquer
davantage dans le guêpier des élections, à devoir faire face seule à une
puissance intégriste, la maffia politico-financière et surtout l’armée
marocaine qui pourrait prendre à tout moment le contrôle du Sud et de
la façade Ouest et Sud-Ouest. L’Algérie serait alors une des plus
exposées et elle n’est pas certaine qu’elle puisse alors compter sur sa
cohésion interne ni sur ses partenaires. Avec la crise économique
mondiale, aucune assistance ne nous est possible. Il ne faut compter que
sur soi-même.
Conclusion :
Précisons enfin que cette phase de transition devra intervenir après le
17 avril et en cas de passage en force du 4e mandat de Abdelaziz
Bouteflika. Aujourd’hui, face à ce danger externe et à ce rendez-vous
déterminant pour l’avenir de la nation, la présidentielle, l’armée reste
encore une fois malgré elle l’arbitre ultime, elle est mise devant ses
responsabilités.
La grande muette, comme on l’a toujours qualifiée, devant l’immense
danger d’éclatement qui guette aujourd’hui l’Algérie ne peut plus rester
muette. C’est elle qui doit trancher. Pourquoi ? Pour éviter de laisser
la gangrène qui ronge tous les rouages de l’Etat ne la contamine.
L’armée doit rester au-dessus de la mêlée et imposer le seul choix
viable pour la pérennité de la nation : la voie de la démocratie et non
la pérennisation d’un système qui est en train de mener le pays à sa
perte. C’est l’armée qui a fait venir le président Bouteflika.
Aujourd’hui, devant l’entêtement de ce dernier et son groupe des «07» à
vouloir briguer un quatrième mandat à l’encontre de tout bon sens, c’est
donc à l’armée d’ assurer d’une manière directe le bon déroulement des
élections et d’assurer la transparence et surtout la neutralité de
toutes les institutions avant, pendant et après les élections. L’Armée
et le Peuple devront réussir ce rendez-vous et que le(a) meilleur(e)
gagne. H. B.
Hocine Benhadid : Général à la retraite
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