Bouteflika est trop bien renseigné sur l'ampleur du rejet
populaire que suscite le système politique auquel il préside depuis 15 ans et
sur celui qu'a rencontré sa candidature à un quatrième mandat pour être dupe de
la présentation de sa réélection telle qu'elle a été faite par ses courtisans
qui ont claironné sans retenue qu'elle a été un «plébiscite».
Il les laisse certes dire, mais a dû certainement se faire
à l'idée que sa victoire n'est pas de celles qui lui octroient une large marge
de manœuvre tant à l'égard de ses adversaires de l'opposition que du clan du
pouvoir en conflit sourd avec le sien. Or les deux n'ont pas l'intention de lui
laisser le champ libre dans l'après 17 avril et ne manqueront pas d'exploiter
contre lui l'étroitesse du socle populaire qui a permis son maintien au
pouvoir. L'opposition partisane en tentant, comme elle a déjà commencé à le
faire, de constituer un front commun dont elle espère qu'il pourrait fédérer
cette majorité de l'électorat qui dans le scrutin du 17 avril s'est réfugiée
dans l'abstention désapprobatrice ou a donné ses voix aux compétiteurs du
président candidat. Le clan rival au sein du pouvoir en faisant sentir à
Bouteflika que sa «victoire» ne lui confère pas la légitimité de s'estimer en
situation de remodeler à sa convenance le rapport de force entre les clans du
système.
Pourtant le président réélu pourrait élargir la base
populaire qui a permis sa réélection et ainsi amoindrir l'impact du front de
l'opposition en gestation. Il le peut à la condition qu'il démontre qu'il n'a
en vue avec son quatrième mandat que de propulser l'Algérie sur la voie de
l'instauration d'un véritable Etat de droit et d'une démocratie construite sur
des institutions respectées parce que respectueuses des normes qui fondent l'un
et l'autre.
Il est vrai que ce n'est là qu'une hypothèse qui se veut
optimiste sur les intentions que nourrirait Bouteflika ayant obtenu son
quatrième mandat. Pour ceux qui ont déserté les urnes ou voté pour les
compétiteurs du président candidat, elle relève évidemment de la pure
spéculation car ils sont convaincus que celui-ci ne s'est accroché au pouvoir
que pour assurer la continuité du système et sauvegarder les intérêts de son
clan. Il n'est pourtant pas impossible que Bouteflika surprenne tout son monde
en réalisant durant son quatrième mandat ce que l'on pense qu'il n'y songe même
pas.
L'homme a tout obtenu depuis qu'il est arrivé au pouvoir,
il ne lui reste qu'à faire une sortie qui le ferait entrer glorieusement dans
l'histoire de l'Algérie. Il est parfaitement conscient que ce n'est pas en
colmatant un système vermoulu et condamné qu'il fera une telle sortie. Son
«ego» qui revendique une place au panthéon de l'histoire de l'Algérie lui fera
peut-être avoir l'audace de bousculer le statu quo que sa réélection est censée
devoir prolonger. Bouteflika a démontré son aptitude à surprendre ses ennemis
comme ses partisans. L'on voudrait que dans l'après 17 avril il prenne des
initiatives qui lui vaudront le «mea culpa» des premiers et signifieront aux
seconds que l'ère de l'appropriation clanique et prédatrice de l'Etat algérien
c'est terminé.
Les «naïfs» qui croient que Bouteflika est hanté par la
place qu'il occupera dans l'histoire de l'Algérie ont voté pour lui jeudi
dernier avec le sentiment qu'ils lui ont octroyé l'opportunité d'achever son
parcours par des actes qui le grandiraient.
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