ELWATAN-ALHABIB
dimanche 13 avril 2014
 

Élection en Algérie: qui dirige vraiment le pays? 

 

 

 

Le HuffPost  | 
 Par Sara Taleb 


INTERNATIONAL - Ils sont six candidats mais le vainqueur est connu d'avance. Alors que la campagne électorale pour la présidentielle algérienne s'achève ce dimanche 13 avril, l'issue de cette élection ne devrait pas laisser de place à la surprise. Abdelaziz Bouteflika, président sortant et candidat à un quatrième mandat, devrait être réélu malgré la controverse autour de sa santé.
Depuis son AVC en 2013 qui lui avait valu près de 80 jours d'hospitalisation puis une nouvelle alerte en janvier 2014, l'état physique du président algérien ne cesse d'alimenter les débats: est-il oui ou non capable de garder et d'assurer ses fonctions? Si son entourage affirme qu'il va de "mieux en mieux", son absence tout au long de la campagne fait douter de cet optimisme. Sa seule prise de parole publique le 3 mars dernier, pendant laquelle il a très difficilement articulé quelques phrases, a suscité de nombreux commentaires dans la presse nationale. Et pour dire à quel point sa santé est scrutée, le simple fait qu'il réussisse à se lever pour saluer John Kerry en visite en Algérie a été largement discuté.


Au-delà de la santé de Bouteflika, c'est la question de son pouvoir qui se pose. Un homme aussi affaibli est-il capable de diriger un pays? Si tel n'est pas le cas, la question est de savoir qui est la personne (ou les personnes) qui dirige et gouverne réellement.
Un sujet loin d'être simple en Algérie où depuis de nombreuses années, plusieurs clans se partagent le pouvoir. "L'Algérie ressemble à un théâtre d'ombre où tout le monde pense deviner ce qu'il va advenir mais où personne en fait, ne sait ce qui se trame en coulisse", écrit l'hebdomadaire Jeune Afrique.
Si l'opacité du système politique algérien empêche d'en percer les secrets, il est toutefois possible d'esquisser les jeux de pouvoir qui s'exercent actuellement.
Abdelaziz Bouteflika nomme des fidèles ouyahia
C'est un peu un candidat fantôme. Mis à part de rares apparitions, Abdelaziz Bouteflika, fatigué physiquement, est resté invisible ces dernières semaines. Pour mener campagne, sept de ses proches ont sillonné le pays afin de convaincre les électeurs. Cette équipe rapprochée, dont la composition a été minutieusement pensée, est la preuve pour certains observateurs qu'Abdelaziz Bouteflika est en pleine possession de ses moyens intellectuels.
"Il semble qu'Abdelaziz Bouteflika demeure le seul décisionnaire en Algérie. A preuve, le dernier remaniement mais aussi la composition de son staff de campagne", écrit Jeune Afrique. Selon l'hebdomadaire, le retour de deux anciens caciques du régime parmi les hommes du président, reflète la volonté de Bouteflika de montrer qu'il reste maître à bord. Ces deux hommes, ce sont Abdelaziz Belkhadem et d'Ahmed Ouyahia (ce dernier qu'on peut voir sur la photo ci-dessus).
Si ces deux anciens premiers ministres ont été écartés au cours des derniers mandats, ils se sont vus attribués pour la campagne électorale, le rang de ministre d'Etat et sont respectivement conseiller spécial et chef de cabinet. Attribuer des postes clés à des hommes forts fidèles ne peut être l'oeuvre que d'un Bouteflika qui redéploie stratégiquement ses pions. "Ouyahia n'est pas homme a être dirigé par des cabinets de l'ombre et sera désormais la courroie officielle de transmission entre le président et le reste des institutions", analyse l'hebdomadaire.
Le frère aux manettessaid bouteflika
Si certains pensent que Bouteflika est maître de ses moyens, d'autres au contraire le disent manipulé. L'ancien colonel Ahmed Bencherif, soutien du principal adversaire de Bouteflika, Ali Benflis, a violemment critiqué la candidature du président algérien. “Je l’ai appelé plusieurs fois ces derniers temps. Il n’arrive même pas à parler au téléphone. Il est complètement inconscient”, a-t-il lancé au cours d'une conférence de presse.
Dénonçant une candidature forcée du président sortant, Ahmed Bencherif a notamment ouvertement critiqué le frère d'Abdelaziz Bouteflika, Saïd (photo ci-dessus). Selon lui, ce dernier est à la tête "d’une maffia politico-financière qui a pris le pouvoir en Algérie depuis la maladie de [son] ami Abdelaziz Bouteflika". Ce n'est pas la première fois que ce frère de l'ombre est pointé du doigt.
Nommé conseiller spécial à la présidence lors du premier mandat de son frère, Saïd Bouteflika a toujours eu une forte influence auprès de lui. "Il veille sur le président, le suit comme son ombre, commande à sa place aux ministres et aux hauts fonctionnaires", souligne Le Point.
Tout au long des trois mandats d'Abdelaziz, Saïd "continuera à interférer de plus en plus dans les nominations des ministres, des diplomates", ajoute l'hebdomadaire. "Ses pressions sur les hommes d'affaires pour qu'ils financent les campagnes électorales du président sont connues. Comme ses interventions pour attribuer les marchés publics à ses obligés. Ou convaincre son frère, en 2008, de faire voter une modification de la Constitution pour supprimer la limitation du nombre des mandats présidentiels", écrit encore Le Point.
Les militaires tapis dans l'ombretoufik
La forte influence de Saïd Bouteflika sur son frère déplaît par ailleurs fortement à un autre cercle de pouvoir. Les militaires, en particulier le Département du Renseignement et de la Sécurité (le DRS, le service de renseignement considéré comme une police politique), ne le voit pas d'un très bon oeil. Surtout depuis que Saïd Bouteflika a mis en place Amar Saadani à la tête du Front de libération nationale, parti présidé par Abdelaziz Bouteflika.
Dans une déclaration assassine, Amar Saadani a attaqué frontalement le patron du DRS, Mohamed Médiène, surnommé le général Toufik (La photo ci-dessus est l'une des rares photos de ce général très discret). "En ma qualité du patron du FLN, je refuse l’interférence de la sécurité intérieure dans les affaires du parti. Nous l’invitons à s’occuper des questions sécuritaires. La place des militaires est dans la caserne. Que fait un colonel au Sénat? De quel droit assiste-il aux réunions du Comité central d’un parti? La présence de la sécurité intérieure dans les institutions n’est pas justifiée", a-t-il violemment lancé.
Après l'indépendance, l'armée algérienne a souvent tiré les ficelles des élections depuis les coulisses. C'est d'ailleurs elle qui a choisit comme candidat Abdelaziz Bouteflika en 1999. Mais en optant pour lui, elle ne se doutait sans doute pas que le président sortant allait réussir à renverser le jeu de pouvoir. Tout au long de ses mandats, Abdelaziz Bouteflika a fait en sorte de réduire l'influence de l'armée en détricotant la hiérarchie militaire.
Un basculement qui n'empêche pas Bouteflika de toujours se méfier de cette force. "Ni l'omnipotence du président ni son habileté politique n'ont réussi à dépouiller complètement l'institution militaire algérienne de son statut de rouage essentiel du système qui gouverne l'Algérie depuis plus d'un demi-siècle. C'est pourquoi Bouteflika, tout chef suprême des forces armées et ministre de la Défense qu'il est, s'en méfie en permanence. Cette méfiance s'est accentuée après son accident vasculaire cérébral du 27 avril 2013", rappelle Jeune Afrique.
L'élection présidentielle, dont le premier tour se tiendra le 17 avril, a beau se vouloir démocratique, ce n'est pas encore ce scrutin qui verra le pouvoir algérien aller aux mains des citoyens.

 
Commentaires:

Enregistrer un commentaire

Abonnement Publier les commentaires [Atom]





<< Accueil
"Si vous n’y prenez pas garde, les journaux finiront par vous faire haïr les opprimés et adorer les oppresseurs." Malcom X

Archives
février 2007 / mars 2007 / avril 2007 / mai 2007 / juin 2007 / juillet 2007 / août 2007 / septembre 2007 / octobre 2007 / novembre 2007 / décembre 2007 / janvier 2008 / février 2008 / mars 2008 / avril 2008 / mai 2008 / juin 2008 / septembre 2008 / octobre 2008 / novembre 2008 / décembre 2008 / janvier 2009 / février 2009 / mars 2009 / avril 2009 / mai 2009 / juin 2009 / juillet 2009 / août 2009 / septembre 2009 / octobre 2009 / novembre 2009 / décembre 2009 / janvier 2010 / février 2010 / mars 2010 / avril 2010 / mai 2010 / juin 2010 / juillet 2010 / août 2010 / septembre 2010 / octobre 2010 / novembre 2010 / décembre 2010 / janvier 2011 / février 2011 / mars 2011 / avril 2011 / mai 2011 / juin 2011 / juillet 2011 / août 2011 / septembre 2011 / octobre 2011 / novembre 2011 / décembre 2011 / janvier 2012 / février 2012 / mars 2012 / avril 2012 / mai 2012 / juin 2012 / juillet 2012 / août 2012 / septembre 2012 / octobre 2012 / novembre 2012 / décembre 2012 / janvier 2013 / février 2013 / mars 2013 / avril 2013 / mai 2013 / juin 2013 / juillet 2013 / août 2013 / septembre 2013 / octobre 2013 / novembre 2013 / décembre 2013 / janvier 2014 / février 2014 / mars 2014 / avril 2014 / mai 2014 / juin 2014 / juillet 2014 / août 2014 / septembre 2014 / octobre 2014 / novembre 2014 / décembre 2014 / janvier 2015 / février 2015 / mars 2015 / avril 2015 / mai 2015 / juin 2015 / juillet 2015 / août 2015 / septembre 2015 / octobre 2015 / novembre 2015 / décembre 2015 / janvier 2016 / février 2016 / mars 2016 / avril 2016 / mai 2016 / juin 2016 / juillet 2016 / août 2016 / septembre 2016 / octobre 2016 / novembre 2016 / décembre 2016 / janvier 2017 / février 2017 / mars 2017 / avril 2017 / mai 2017 / juin 2017 / juillet 2017 / août 2017 / septembre 2017 / octobre 2017 / novembre 2017 / décembre 2017 / janvier 2018 / février 2018 / mars 2018 / avril 2018 / mai 2018 / juin 2018 / juillet 2018 / août 2018 / septembre 2018 / octobre 2018 / novembre 2018 / décembre 2018 / janvier 2019 / février 2019 / mars 2019 / avril 2019 / mai 2019 / juin 2019 / juillet 2019 / août 2019 / septembre 2019 / octobre 2019 / novembre 2019 / décembre 2019 / janvier 2020 / février 2020 / mai 2020 /


Powered by Blogger

Abonnement
Articles [Atom]