A Ghardaïa, le spectacle hideux qui s'offre au regard
des Algériens est celui d'un monumental échec. Ce régime continue de faire
référence à une grande révolution qui a fait l'Algérie et ambitionnait de
redonner la liberté et la justice aux Algériens. Il aura réussi, un demi-siècle
plus tard, à pousser ses jeunes à renoncer à l'espace-nation arraché de haute
lutte pour se recroqueviller vers le microcosmique, vers l'infiniment petit.
Vers la région, la tribu, le clan ou le quartier. Ou vers la harga !
On a mal à le dire mais cette campagne électorale
surréaliste pour une élection surréaliste crée chez ceux qui s'y intéressent et
s'y investissent une sinistre polarisation entre l'Est et l'Ouest, entre
Tlemcen et Batna. Voilà où on en arrive avec un système dont les acteurs ne se
rendent pas compte que l'argent du pétrole - qui ne durera pas indéfiniment -
crée des clientèles mais ne crée pas l'adhésion consciente et responsable. Par
définition, une adhésion n'a de sens que dans un cadre national où le citoyen
existe et ses libertés garanties. La citoyenneté n'est toujours pas là, mais
les Algériens sont plus nombreux, les problèmes plus complexes alors que la
gouvernance se réduit aux codes primaires de la «rachka», don public de
numéraire, comme mode d'affectation politique des ressources.
L'immense majorité des Algériens s'est mise en marge
de ce «jeu». Une partie y est impliquée, non par conviction, mais pour l'accès
à la rente. Aujourd'hui, cette partie-là qui fait l'Algérie officielle -
estimée dans l'hypothèse la plus généreuse à 23% du corps électoral - est
divisée, éclatée, émiettée. La cohérence du système n'existant plus, c'est le
chacun pour soi, pour sa région, son clan, son groupe d'intérêt. La campagne
électorale ne donne pas lieu à des débats, elle se réduit à un combat de coqs,
selon la formule utilisée par feu Abdelhamid Mehri pour l'épisode de 2004. Le
communiqué anti-Benflis de la campagne Bouteflika diffusé hier illustre
parfaitement cette perte de cohérence du système. Benflis parle d'une fraude
annoncée, le camp de Bouteflika annonce d'emblée sa «débâcle».
Dans un pays où les institutions restent largement
fictives et pour peu que le DRS, comme l'a exigé de lui Amar Saadani, s'en lave
les mains, tous les doutes seront permis le 18 avril à minuit. Tout comme à
Ghardaïa, où une guerre tribale s'installe, l'élection surréaliste du 17 avril
peut déboucher sur une débile polarisation Est-Ouest. L'arbitrage des citoyens
n'existant pas, la crise du régime étant patente, la voie est ouverte à des
manifestations encore plus hideuses de la dérive régressive. Indéniablement, ce
quatrième mandat si controversé est en train d'accélérer les événements et crée
des conditions de rupture extrêmement graves. Cette compétition électorale
biaisée et insatisfaisante même pour le plus complaisant des observateurs se
dégrade chaque jour dans un brouhaha et des tumultes desquels n'émergent plus
qu'insultes et menaces.
Le pilote habituel, le DRS, celui qui fait accepter
aux «lièvres» leurs tristes conditions de perdants nécessaires, n'est
visiblement pas de la partie. Mais on ne sort pas du jeu la «maison mère» sur
un coup de gueule d'Amar Saadani sans que cela nuise à la cohérence de la mise
en scène, du simulacre. On en a l'illustration parfaite dans cette campagne où
le camp de Bouteflika a fabriqué lui-même, par ses incohérences, ses ratés de
communication, les thèmes de mobilisation des adversaires. Il s'agit
manifestement d'un cran de plus dans la régression qui n'augure rien de bon
pour la paix civile ou la démocratie.
LA NATION EST AINSI POUSSEE DANS UNE SURENCHERE DE
PLUS QUI DIVISE LES ALGERIENS SUR DES BASES INACCEPTABLES ET SUR DES
PRESUPPOSES ABSURDES. EST-IL ENCORE TEMPS DE RAMENER A LA RAISON DES CADRES
POLITIQUES EN PLEINE DIVAGATION ? ON LE SOUHAITE. CAR LA VINDICTE EST MAUVAISE
CONSEILLERE ET LA MENACE N'EST PAS UN ARGUMENT. SAUF A ECHAUFFER LES ESPRITS ET
PROVOQUER DES SITUATIONS PREJUDICIABLES A TOUS. CE PAYS A SUFFISAMMENT PAYE LE
PRIX DE SES APPRENTISSAGES POLITIQUES ET CETTE PEDAGOGIE PAR LA DIATRIBE
CONSTITUE UN RAPPEL A UN PASSE INSUPPORTABLE. IL EST PLUS QUE TEMPS QUE TOUS
LES ACTEURS DE CETTE MAUVAISE PIECE LE COMPRENNENT.
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