ELWATAN-ALHABIB
vendredi 18 avril 2014
 

Algérie:Sortir de la mentalité de rentier

 

 

 

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le 18.04.14 
 

Garantir une école publique de qualité, rendre la politique économique plus transparente, laisser la culture et l’armée exister en dehors de la politique... Pour que l’Algérie soit le pays puissant qu’elle aspire à devenir, de nombreux dossiers doivent être classés prioritaires.

Les économistes, le FMI, le directeur de la Banque d’Algérie… Tout le monde a fait passer le message : le modèle économique algérien, basé à 98% sur les recettes des hydrocarbures, n’est plus soutenable. Et la question n’est plus de savoir si les ressources vont se tarir à moyen ou à long termes, si la découverte de nouveaux gisements importants est envisageable, si le seuil de 100 dollars le baril de brent, structurel, restera élevé, mais d’admettre qu’il y a urgence à amorcer une nouvelle politique économique, non plus fondée sur la rente, mais sur la production et que c’est encore possible sans que le coût social soit trop important.
«Nous avons une fenêtre d’opportunités et nous savons par où commencer, argumente Abdelkrim Boudra, porte-parole du collectif Nabni (Notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées). Nous avons un matelas financier qui permet d’introduire des réformes de manière graduelle. Il faut en extraire une partie et la placer dans un fonds souverain, pour qu’elle soit utilisable au moment où l’Etat aura besoin de financer une école ou un hôpital, par exemple.» Et si les institutions jouent le jeu de la transparence et de la redevabilité, le citoyen, responsabilisé, sera tout à fait capable d’accepter le coût social de ces réformes.
Les décideurs ont-ils pris conscience de l’enjeu ? Dans le discours, oui. Quasi tous les ministères ont demandé à leurs départements de définir les projets à caractère «prioritaire» pour leur octroyer des budgets retirés d’autres projets secondaires. Quant aux walis, ils ont reçu des instructions pour réduire leurs dépenses de fonctionnement : les frais des missions officielles, les primes des heures supplémentaires, les frais de transport et les budgets alloués aux séminaires. Dans les faits, rien ne suit vraiment. La dernière loi de finances, adoptée fin 2013, qui aurait dû refléter de nouveaux signes de prudence budgétaire, indique même que «la gabegie continue», pour reprendre les termes de Mourad Goumiri.
Le président de l’Association des universitaires algériens pour la promotion des études de sécurité nationale a, par exemple, dénoncé la distribution aux wilayas d’enveloppes de plusieurs milliards de dinars par l’ex-Premier ministre, Abdelmalek Sellal, des deniers publics provenant d’une «caisse noire budgétaire» créée à partir du premier mandat, sous le nom de «Fonds national de péréquation», instrument destiné à l’origine à amortir les fluctuations intempestives du marché international des hydrocarbures. Or, c’est justement dans de telles actions que se profile aussi la faillite du système. C’est un des points sur lesquels insiste Nabni : rien n’est plus dangereux qu’une équation rente-déficit de gouvernance. En parallèle de la relance d’une économie productive, l’Etat devra donc aussi réfléchir à l’utilisation qu’il fait de ses économies.
Pour l’instant, les économistes sont tous d’accord pour dire que l’utilisation qui est faite du Fonds de régulation des recettes, le bas de laine de l’Algérie, n’est pas bonne. Ce compte spécial du Trésor est une «arnaque constitutionnelle», car «il ne “descend“ pas à l’Assemblée !, rappelle un consultant financier privé qui dénonce sa gestion par simple décret de l’exécutif. Le seul budget, dont débattent les députés et les sénateurs, est celui fondé sur un baril à 39 dollars, alors que son prix réel est de plus de 100 dollars ! Une espèce d’énorme esbroufe budgétaire !»
Les économistes sont aussi unanimes à dire que si les ressources financières doivent profiter à la population grâce aux transferts sociaux, leur proportion (selon le Trésor public, elles ont augmenté de près de 25% entre 2006 et 2012 et représentent un cinquième du budget de l’Etat et un tiers du PIB) et la façon dont ils sont distribués doivent être revues. L’Algérie ne fait pas exception à une règle qui touche tous les pays : 20% des plus riches bénéficient, toujours selon la Banque mondiale, six fois plus des subventions que les pauvres.
Soutenir le prix du carburant permet surtout d’aider les propriétaires de véhicules, c’est-à-dire essentiellement la classe moyenne et supérieure. Au lieu de favoriser le développement industriel, fournir de la nourriture, de l’eau ou de l’énergie à un prix raisonnable, les aides débouchent sur plus de corruption, de surconsommation ou de contrebande. «Nous ne faisons pas non plus exception à l’opacité des administrations publiques qui caractérise la majorité des pays en développement, ajoute l’économiste Abdelhak Lamiri et PDG de l’Institut supérieur international de management, à Alger.
Les transferts sociaux pourraient permettre d’aider 25 millions d’Algériens à dépasser le seuil de pauvreté. Mais pour cela, il faudrait que les frais de gestion des différents programmes ne dépassent pas les 10% du coût de ces programmes. Or, c’est là ou réside l’opacité. Il nous faut donc introduire un système de gestion par objectifs des différentes administrations sociales. Sinon on continuera à remplir les tonneaux des Danaïdes.»
Mélanie Matarese
 
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