Abderrahmane Hadj Nacer invité du RAJ
«On est à chaos moins 1»
Evoquant les événements de Ghardaïa, le conférencier estime que la
violence est le fait de l’incompétence et des calculs régionaux
résultant d’une histoire mal prise en charge.
On est à chaos moins 1.» La phrase est de l’économiste Abderrahmane
Hadj Nacer, qui ne veut toutefois pas fermer les portes de l’espoir et
estime que le chaos peut être évitable. «On est à chaos moins 1, je ne
peux dire si c’est à moins d’un jour, d’un mois ou d’une année ou de 5
ans, mais le fait est qu’il est là et que tout peut basculer. Personne
n’est sûr de ce qui peut arriver demain», indique l’économiste invité
hier par le Rassemblement action jeunesse (RAJ) à s’exprimer sur la
situation qui prévaut dans le pays. L’ancien gouverneur de la Banque
d’Algérie, tout en ne liant pas son propos à l’élection du 17 avril qui,
dit-il, est faite pour remplir les colonnes des journaux étrangers,
estime que tant que les choses restent en l’état actuel, l’Algérie ne
sera pas épargnée par un nouveau découpage territorial imposé par
l’oligarchie internationale.
«La valeur du dollar réside dans la puissance acquise qui n’est
puissante qu’avec un contrôle sur les sources d’énergie. Le sous-sol
algérien demeure riche, même si on est en fin de course de son
utilisation optimale en termes d’exploitation, mais pas en termes
d’exploration de tout le potentiel existant», avertit l’auteur de La
Martingale algérienne, en critiquant la perte de l’Algérie de son rôle
d’acteur. L’orateur est formel : «Ce qui se passe en Algérie depuis 25
ans n’est pas le fait de nos décideurs», même s’il note que ces derniers
y participent.
Ordre est donné d’aller vers une «précarisation» des sociétés qui
facilitera, à terme, la mise au pas des Etats. «La précarisation est
passée, en Algérie, par une ‘‘informelisation’’ économique et une
décérébration culturelle. La précarisation entreprise en Algérie est
passée aussi par un système de corruption», indique Hadj Nacer. Prenant
l’exemple de l’autoroute Est-Ouest, il considère que la corruption
renseigne sur une tentative des décideurs locaux de faire partie de
l’oligarchie mondiale via l’argent bien distribué aux amis à
l’international. «Je ne suis pas sûr que ces auteurs de précarisation
soient admis à la table des oligarques internationaux», note le
conférencier, en rappelant que la corruption utilisée par le système El
Gueddafi ne lui a pas épargné le sort qu’il a subi. La précarisation
s’est accompagnée d’une dé-identité qui mène à la violence.
Evoquant le cas de Ghardaïa, Hadj Nacer estime que la violence est le
fait de l’incompétence et des petits calculs régionaux, résultat d’une
histoire mal prise en charge par l’Etat. «Sur le plan génétique, il n’y a
pas de différence entre les Algériens, qu’ils soient mozabites ou
arabophones. Ces derniers sont aussi précarisés, beaucoup sont venus
d’ailleurs dont les fameux repentis et libérés des camps. On les a
placés à Ghardaïa sous prétexte que c’est une région calme et non
hostile, sauf que parmi ces gens il y a des imams salafistes qui
appellent au meurtre des Mozabites», précise le conférencier, en
s’interrogeant : pourquoi la mission de prévention qui revient aux
services de sécurité n’est pas remplie.
Leur première mission est la défense des citoyens sur la base du
renseignement... «La question que posent Ali Mendjeli, Ghardaïa, Djanet,
Badji Mokhtar… c’est à quoi sert l’Etat», dit-il, en soulignant que ce
n’est pas hasard que ce soit l’Algérie utile qui bouge, c’est le sud du
pays. Ceci et de s’indigner de la non-ouverture d’une information
judiciaire après qu’un prédicateur ait appelé au meurtre des Mozabites
sur une chaîne saoudienne. «Qui aurait cru que le Soudan ou l’Ethiopie
subiraient un nouveau découpage, pourtant c’est arrivé», note Hadj
Nacer, en se félicitant que la réaction de la population en Algérie va
toujours à l’encontre des manipulations. Hadj Nacer affirme : «Nous
avons les moyens d’éviter le chaos si la société algérienne retrouve ses
ressorts pour s’organiser et constituer une résistance permanente.»
Nous reviendrons dans notre édition de demain sur d’autres questions
évoquées par le conférencier, notamment sur l’idée de consensus et
l’armée.
Nadjia Bouaricha
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