UN MESSAGE DE RATIONALITE
par K. Selim
Un reproche sans cesse ressassé, décliné sous tous
les modes allant de la réprimande à la condamnation voire à l'accusation de
«trahison», est adressé à Mouloud Hamrouche : il parle à l'armée, pas au peuple
ou aux citoyens. Il ne nie pourtant pas parler à l'armée. Il s'adresse à «ceux
qui gouvernent et à ceux qui les légitiment». Le chef de file des réformateurs
n'ignore pas la population, il sait qu'elle n'est plus pour l'essentiel dans un
«champ politique» réduit à une parodie où on ne lui offre qu'un «discours
tronqué et mensonger et des contre-vérités». Pas plus qu'il n'occulte que les
épreuves ont cassé beaucoup de ressorts dans la société.
Dans le contexte de verrouillage absolu où il
n'existe aucun choix et où les partis et les hommes politiques jouent,
volontairement ou contraints, une partition creuse, faire preuve de
«responsabilité» est une attitude éthique. Mais la population ne désertera pas
indéfiniment le champ comme on le lui impose et la crise, patente du régime,
mènera inéluctablement à un choc qui pourrait être encore plus terrible que
celui des années 90. Ceux qui continuent, au nom d'un improbable «grand soir»
démocratique, de reprocher à ceux qui «s'adressent à l'armée» de faire preuve de
«naïveté» politique font mine d'ignorer la grande méfiance de la population à
l'égard de ceux qui l'appellent à la confrontation. On l'a vérifié en 2011 et
on le vérifie encore aujourd'hui.
Malgré la consternation générale suscitée par la mise
en application d'une présidence à vie aussi déphasée qu'incongrue, les
Algériens ne sont pas enclins aux dérives violentes. Ils adressent, en silence
et par une distance très marquée, un message de rationalité aux tenants d'un
système qui n'en dispose plus : il faut changer, maintenant, avec le moins de
dégâts possibles. Mais la réserve de patience n'est pas inépuisable, à leur
manière également, la majorité des Algériens s'adresse à «ceux qui gouvernent
et à ceux qui les légitiment» avec un message très clairement perceptible :
n'abusez pas trop de notre endurance. Dans ces conditions et dans une
atmosphère dominée par le folklore, la cacophonie et l'aventurisme, restituer
les enjeux vitaux d'une transition trop longtemps différée vers une
organisation démocratique n'a rien de naïf.
La société algérienne, malgré des signaux évidents
d'une régression qui la rendent plus aisément inflammable, est prête au
compromis pour faire avancer le pays, dans la paix, vers l'Etat de droit, les
libertés et la démocratie. Et s'il ne faut pas se leurrer sur le fait que la
société algérienne doit réapprendre des valeurs essentielles - le travail, le
respect de la loi et des règles et le vivre en commun -, il est indéniable que
ce qui menace le plus l'Algérie aujourd'hui est la pérennité d'un système qui
se délite. S'adresser aux militaires dans un pays où le pouvoir continue d'être
«légitimé par l'armée» n'est en rien l'expression d'un impensable angélisme
politique. Ni les Algériens ni d'ailleurs les «partenaires» de notre pays ne se
font la moindre illusion sur la légitimité démocratique du pouvoir. Mais le
système qui a «atteint ses limites» et ne peut ni se renouveler ni gouverner
dans la «cohérence et la cohésion» peut entraîner le pays dans la spirale
funeste d'un statu quo asphyxiant. On en a un aperçu avec cette terrible
régression vers une sorte de Makhzen incongru au pays de la révolution de
Novembre.
LE FAIT QUE LA POPULATION SOIT SI DISTANTE DU
CARNAVAL OFFICIEL NE DOIT PAS FAIRE L'OBJET D'UNE ERREUR DE DECRYPTAGE. C'EST
ENCORE UNE FOIS UN MESSAGE DE SAGESSE ET DE RATIONALITE ADRESSE PAR LES
ALGERIENS A CEUX QUI DETIENNENT LES LEVIERS DE COMMANDE : OPEREZ LES
CHANGEMENTS EN RECHERCHANT L'ADHESION DYNAMIQUE DES ALGERIENS AVANT QU'IL NE
SOIT TROP TARD. MOULOUD HAMROUCHE DIT LA MEME CHOSE AVEC UNE CONTRIBUTION DE
HAUT NIVEAU AU DEBAT QUE LES ALGERIENNES ET ALGERIENS SOUHAITENT. POUR SORTIR
DE LA DESESPERANTE IMPASSE ET DES SIGNAUX PATHOGENES D'UN SYSTEME DEPUIS
LONGTEMPS OBSOLETE ET QUI APPARAIT CHAQUE JOUR UN PEU PLUS COMME UNE
HUMILIATION AUTANT QU'UNE MENACE.
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