Quel prix, pour quelle 2ème république ?
par El-Houari Dilmi
Au moment où le landerneau politico-médiatique algérois,
comme frappé d'autisme, est encore à échafauder sur le «fil du rasoir» des
scénarios aussi «grand-guignolesques» les uns que les autres, comme le report
de la présidentielle ou l'intervention de la «main étrangère» pour sauver le
vaisseau Algérie qui tangue, tout le monde perd de vue que le pays continue à
être perçu, ici comme ailleurs, comme un gigantesque théâtre des paradoxes. Mais
envers et contre tout, et à rebours du bon sens le plus prosaïque, une
hirondelle, sans faire le printemps dans tout son éclat, peut néanmoins
annoncer sa venue, à condition que personne ne trouve un malin plaisir à tout
le temps lui saccager son nid. Et c'est justement pour cette même raison qu'un
homme seul face à tous, fût-il de la stature de Abdelaziz Bouteflika, ne peut
s'improviser en «faux thaumaturge» en ces temps tourmentés, où seules
l'intelligence et la synergie des compétences, toutes les compétences sans
exclusive aucune, sont à même de nous arrimer du dernier wagon qui sépare
encore le pays du train à grande vitesse du développement. La volonté affichée
par l'aréopage politique aux commandes du pays d'aller de l'avant a souvent été
contrariée, voire avortée, que l'impression est tenace chez tout Algérien que
l'Algérie continue à être une immense machine en panne. En dépit d'un potentiel
humain et financier fabuleux, des retards énormes restent à rattraper dans
nombre de segments vitaux de la vie du pays. Et des Algériens. Le pays, «cerné»
de partout par des défis majeurs, doit se remettre au plus vite au boulot. Il y
a là une urgence absolue. Donné pour «gagnant avant l'heure», l'actuel-futur
président n'aura donc pas droit à la traditionnelle «pause» politique dite
d'état de grâce. Sa mission à la tête du pays pour le prochain quinquennat sera
d'autant plus «historique» que le pays a besoin d'un autre électrochoc pour se
mettre au diapason des défis qui l'attendent. Si personne de censé ne peut, en
effet, valablement remettre en cause l'œuvre fondatrice du programme du
président, charpentée autour de la réconciliation du pays avec lui-même, force
est de reconnaître que la tendance générale n'en est pas pour autant à un
redressement notable de l'état général du pays. Pour son quatrième (et
certainement dernier) mandat présidentiel, Bouteflika sait qu'il sera pris au
mot. Créer trois millions d'emplois, construire un (autre) million de logements
ou encore améliorer le pouvoir d'achat des Algériens sont encore et toujours
trois promesses-clés sur lesquelles Bouteflika compte rempiler pour le Palais
d'El Mouradia. Mais le plus grand pari, pas du tout aisé à relever, fût-il pour
un président porté à bout de bras par tout un peuple, reste celui de réformer
en profondeur l'appareil de l'Etat et remettre à niveau des institutions pas
toujours au diapason des attentes immenses de la population. La rémission d'un
mal ne signifiant pas forcément sa guérison, la relance de l'investissement par
la dépense publique, doctrine économique chère au président depuis son arrivée
au pouvoir en 1999, ne peut à elle seule ranimer une immense machine économique
en panne et son faible niveau de compétitivité à l'échelon régional et
international. L'économie fondée sur la connaissance étant actuellement une
«néo-religion» qui a fait partout ailleurs la preuve par neuf de sa viabilité
et de son efficience, l'Algérie ne pourrait aller à l'encontre de ce qui se
fait de meilleur sous d'autres latitudes, comme une gestion maîtrisée de
l'argent public et une lutte sans merci contre la corruption, véritable plaie
ouverte dans le tissu économique et social du pays. Faire retrouver à
l'université sa faculté originelle, celle de se mettre au service du
développement du pays, et repenser une stratégie industrielle capable de servir
de locomotive à une économie victime de changements trop brusques de cap sont
les deux autres dossiers brûlants à déposer sur la table du prochain exécutif
gouvernemental. Ne pas remettre en cause la politique d'Infitah économique du
pays et lutter contre la tentation de toujours privilégier l'acte «social» au
détriment d'un management «sans états d'âme» de l'économie nationale sont à
coup sûr des errements à éviter à tout prix. La naissance rêvée de la «deuxième
République» est aussi à ce prix...
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