L'OBSTRUCTION DE L'ESPACE-NATION
par K. Selim
La stabilité est une vue de l'esprit, il n'y a que du
mouvement : on progresse ou on régresse, on crée de la valeur ou on la dilapide.
La défense d'un statuquo politique peut servir des intérêts restreints, elle
dessert un pays en reportant les changements nécessaires aux moments les plus
délicats. «Que l'idée est sublime, Que la révolution est grande, Que l'Etat est
petit !». En ces temps où beaucoup d'Algériens sont déroutés et anxieux,
difficile de ne pas songer à ces vers du grand Mahmoud Darwiche.
Pour une nation qui s'arrache à l'adversité, à la
négation, l'Etat devient nécessairement trop petit quand il s'éloigne de l'idée
qui a donné son sens et son sang à la révolution : la liberté pour les Algériens.
Et le rêve d'un retour d'Etat qui défende cette liberté et renforce son
mouvement vers le progrès. Pourquoi les Algériens s'inquiètent ? Tout
simplement qu'ils observent, sous les soporifiques d'une aisance financière qui
n'a rien de durable, une accumulation des signaux cliniques de la régression.
Pourquoi assistons-nous à des affrontements entre Algériens à Ghardaïa ? Parce
que les conditions ont été créées pour que des jeunes ne se pensent plus en
Algériens mais en Mozabites ou Chaambi, en ibadites ou malékites ! Pourquoi à
Constantine des bandes se font la guerre à la cité Ali Mendjeli ? Parce qu'ils
ne se pensent plus ni Algériens, ni même Constantinois ! Ils ne sont plus que
la bande de Fedj Errih contre la bande d'Oued El Had. Ces «guerriers» ne savent
probablement pas grand-chose d'Ali Mendjeli et encore moins de «l'idée sublime»
qui a porté son combat et celui de sa génération.
Cette régression vers le plus petit est un effet
lourd d'une obstruction de l'espace de nation qui s'est installée au fil des
années du fait d'un système qui exclut au lieu d'intégrer. La nation algérienne
est le fruit d'un siècle de militantisme dont la révolution a été le
couronnement. Ces militants ont créé de la valeur que le système de l'exclusion
mis en place après l'indépendance ne fait que dilapider. On détruit de la
valeur en Algérie, on n'en crée plus. Même les femmes et les hommes qui ont
symbolisé cette grande idée d'une Algérie de la liberté sont soumis à une
insidieuse entreprise de dévalorisation pour ne pas dire de désacralisation.
L'Etat est trop petit quand il s'éloigne de l'idée sublime qui a fondé la
révolution : un pays libre pour des hommes libres qui se dotent d'institutions
sérieuses pour défendre les libertés. Et défendre le pays sans le bloquer dans
une impasse générationnelle, sans entraver son mouvement naturel vers le
progrès et le développement.
LES BANDES DE FEDJ ERRIH ET D'OUED EL HAD NOUS DISENT
QUELQUE CHOSE DE TERRIFIANT ALORS QU'AU SOMMET ON AGITE LA PEUR AU SUJET
«D'HOSTILITES INTERNES ET EXTERNES», «AVEREES ET POTENTIELLES». ON NAGE DANS
L'AUTISME, DANS L'ETERNELLE MAIN DE L'ETRANGER A LAQUELLE ON ASSOCIE LA MAIN DE
L'INTERIEUR. VIEUX DISCOURS PRECHANT UNE STABILITE SUR UN TERRAIN QUI BOUGE ET
CHANGE ALORS QU'UNE NATION N'EST JAMAIS UNE DONNEE ABSOLUE ET STABLE PAR
ESSENCE. ELLE PEUT S'ETIOLER COMME UNE TERRE A L'ABANDON PAR DEFAUT
D'IRRIGATION ET D'ENTRETIEN. ET ON EN A LES SIGNES, ON N'EST DEJA PLUS DANS LE
REGIONALISME, ON EST DANS LA TRIBU, LE DOUAR ET LE QUARTIER. UNE NATION EST UNE
CONSTRUCTION HUMAINE, HISTORIQUE, ELLE DOIT ETRE ENTRETENUE, VALORISEE ET
DEVELOPPEE. PAR L'APPORT DE TOUS ! ELLE PEUT REGRESSER ET DISPARAITRE - LES
EXEMPLES NE MANQUENT PAS - SI CEUX QUI LA COMPOSENT NE PARVIENNENT PAS A SE
DOTER DES INSTITUTIONS QUI PERMETTENT SON DEVELOPPEMENT ET LIBERENT SA
CREATIVITE. LA NATION EST EN DANGER QUAND L'ETAT DEVIENT TROP PETIT POUR
PRENDRE EN CHARGE L'IDEE FONDATRICE ET SUBLIME : UN PAYS LIBRE POUR DES HOMMES
LIBRES
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