Les méthodes hitlérienne d'un régime illégitime
Interdiction des manifestations publiques à Alger : Sur la base d’un texte fantôme
le 11.03.14
Le débat autour de la liberté de manifester occupe de nouveau
l’actualité suite aux manifestations du mouvement Barakat réprimées par
la police.
Les ténors de l’autorité publique et les partisans de Bouteflika
défendent le choix d’interdire les manifestations publiques à Alger et
se positionnent derrière une prétendue disposition juridique.
Et si cette interdiction qui date de 2001 n’était qu’un coup de bluff ?
C’est l’avis de Abdallah Haboul, ex-magistrat et syndicaliste pour qui
tenir des réunions publiques est un droit et une liberté fondamentale du
citoyen, garanti par la Constitution. Selon lui, «les références
juridiques relatives aux réunions et aux manifestations publiques
n’autorisent ni ne permettent au gouvernement ni à l’autorité
administrative d’interdire l’exercice de ce droit sur une partie ou tout
le territoire national». L’article 41 de la Constitution, placé sous le
chapitre Droits et Libertés, stipule en effet que «les libertés
d’expression, d’association et de réunion sont garanties au citoyen».
Edifiant ! Sauf exception, définie clairement par des textes dûment
établis, signés et publiés sur le Journal officiel de la République
algérienne, tout manquement à ce principe est considéré comme une
violation de la loi fondamentale.
Existe-t-il une exception juridique ?
Avant de répondre, un petit rappel de l’évolution des textes juridiques relatifs à ces libertés est nécessaire.
La Constitution du 28 novembre 1996 a été votée par le peuple et non
pas par le Parlement. Elle est encadrée par la loi 89/28 du 31 décembre
1989, relative aux réunions et aux manifestations publiques, fruit de
l’ouverture démocratique provoquée par les événements d’Octobre 1988. A
cette époque, les Algériens pouvaient battre le pavé à leur guise. La
réglementation était basée sur un système déclaratif. Toute organisation
désireuse de tenir une manifestation publique devait juste déposer une
demande, 5 jours à l’avance, auprès du wali, lequel devait délivrer un
récépissé sur le champ. Cette loi fut amendée en décembre 1991 suite à
la grève du FIS (dissous en 1992), avant que l’état d’urgence ne soit
décrété en février 1992, suite à l’arrêt du processus électoral,
prolongé par un décret législatif en 1993. Le système déclaratif est
remplacé par un nouveau dispositif qui soumet les demandeurs à une
autorisation administrative préalable à toute action.
La parenthèse des manifestations publiques, lesquelles avaient
transformé l’Algérie en pays libre et démocratique, a été ainsi fermée.
Mais en dépit des conditions exceptionnelles et l’insécurité qui ont
caractérisé les années 1990, il y a eu de nombreuses manifestations,
notamment la marche du 22 mars 1993 contre le terrorisme.
Quelle base juridique ?
L’intronisation de Abdelaziz Bouteflika en 1999 était censée lever les
interdictions et renforcer les libertés en parallèle avec le retour de
la paix. Rien n’en fut ! Au contraire, en juin 2001 et suite à la marche
des archs du 14 juin, le gouvernement, à l’époque présidé par Ali
Benflis, décide, par réaction aux dérapages de la marche et qu’on a
voulu imputer aux organisateurs, de renforcer le dispositif liberticide
en interdisant les manifestations à Alger.
Une interdiction qui va permettre à Bouteflika et son pouvoir de jouir
longuement de la tranquillité au détriment de l’opposition et son droit
de s’exprimer publiquement.
C’est la démocratie qui va prendre un coup sévère au nom de la
stabilité. L’opposition aura beau clamer son droit à manifester,
Bouteflika ne fera lever l’état d’urgence qu’en 2011, alors qu’Alger
demeure interdite aux voix non acquises au pouvoir en place.
Mais c’est sur le terrain juridique que le pouvoir est contesté et mis
au défi de fournir la base légale de l’interdiction. Abdallah Haboul est
formel : «En ce qui concerne l’existence d’une interdiction des
manifestations publiques qui toucherait la wilaya d’Alger, la question
qui se pose est de savoir qui est l’autorité qui a pris cette décision ?
S’agit-il d’une décision émanant du Premier ministre par décret
exécutif ou alors prise par le ministre de l’Intérieur par arrêté ? Dans
ces cas, il n’existe aucune trace sur le JO.
La troisième supposition est que la décision soit prise par le wali
d’Alger, mais même dans ce cas, il faut la porter à la connaissance du
citoyen, soit par voie d’affichage, soit sur les actes administratifs,
et ce pour permettre au citoyen qui se sent lésé de prendre l’initiative
pour se défendre, y compris devant la justice».
A ce jour, la décision derrière laquelle se justifie le gouvernement
est un texte fantôme. Si l’acte juridique en question existe, les
Algériens en général et les Algérois en particulier peuvent s’adresser à
la justice pour attaquer et invalider cette décision administrative. En
l’absence de ce texte, sachant qu’il n’est pas paru dans le Journal
officiel, les Algériens seraient victimes d’un bluff qui engage la
responsabilité politique des auteurs de l’interdiction, à leur tête le
président de la République.
Nouri Nesrouche
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