L'abstention qui fait peur
par Kharroubi Habib
Jeudi, la marche de protestation organisée à Batna en réplique
au propos insultant et indécent de Abdelmalek Sellal à l'encontre des Chaouias
a drainé plusieurs milliers de manifestants et a carrément tourné à
l'opposition à un quatrième mandat du président Bouteflika. Le lendemain
vendredi à Alger, la coalition des partis et personnalités politiques appelant
au boycott de l'élection présidentielle a eu pari gagné en étant parvenue à
remplir la salle Harcha. Avant les indignés de Batna et la démonstration de
force des boycotteurs ayant répondu à la coalition partisane, le mouvement
civique Barakat a été le premier à tenter de faire bouger la rue contre
l'option du quatrième mandat.
De cette mobilisation qui va en s'élargissant contre le
processus électoral tel que voulu par le pouvoir et le IVème mandat qui en sera
probablement la conclusion, il en ressort que le boycott populaire hantise du
clan et des partisans du président candidat risque d'être au rendez-vous du
scrutin de la présidentielle avec un taux jamais atteint. Ce risque n'est pas
évidemment celui qui va faire renoncer les tenants du quatrième mandat de faire
passer en force leur option. Ils savent pourtant qu'une telle perspective
ruinerait irrémédiablement l'argument sur lequel ils fondent leur plaidoyer en
faveur d'une réélection de Bouteflika à savoir que celle-ci garantirait la
stabilité et la sécurité que celui-ci a apportées au pays.
Un scrutin boudé par une majorité massive d'électeurs ne
donne pas de président bien élu et sans ce label il est clair qu'il sera
contesté. Il le sera d'autant s'il a été le président sortant comme c'est le
cas pour Abdelaziz Bouteflika. Comment en effet un président sortant dont la
propagande officielle et celle de ses thuriféraires n'ont cessé de louer la
grandeur du bilan et d'invoquer la popularité dont il jouit au sein du peuple,
pourrait se satisfaire d'une réélection qui en ferait en terme de légitimité un
président même pas «trois quarts». C'est pourtant ce qui peut advenir en cette
élection du 17 avril tant le mot d'ordre du boycott est en train de faire son
chemin au sein de l'opinion.
Les partisans du président candidat, mais aussi ceux des
autres candidats en lice espèrent renverser la tendance par de pugnaces et
motivantes campagnes électorales. L'absence physique pour les premiers de leur
candidat qui ne peut animer lui-même sa campagne est un handicap qui risque de
plomber le zèle qu'ils mettront à la mener par procuration. Pour les autres, il
sera difficile de convaincre les électeurs à se rendre aux urnes et pourquoi
pas donner leurs voix aux candidats dont ils défendent les couleurs et le
programme, alors même qu'eux les premiers doutent que la régularité et la
transparence soient au rendez-vous du scrutin du 17 avril.
A défaut d'une insurrection citoyenne pacifique faisant
barrage à un scrutin qui ne sera pas exempt de fraude et magouille, qu'ils
savent n'étant pas à attendre dans l'immédiat, les citoyens feront ce qu'ils
ont habitude de faire pour les échéances électorales : «aller à la pêche». En
plus grand nombre cette fois-ci car ayant la conviction que le quatrième mandat
le pays n'y coupera. Celui-ci acquis, la stabilité du pays dont ses partisans
se vantent sera alors soumise à rude épreuve car les oppositions qu'il a
suscitées sont déterminées à inscrire leurs actions dans la durée, et l'écoute
qu'ils ont enregistrée au sein de l'opinion les renforce dans la conviction
qu'ils finiront par faire bouger les lignes et avancer l'option de
l'insurrection citoyenne pacifique contre un système dont le quatrième mandat
est l'ultime ligne de défense.
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