COMMUNIQUE
(Jeudi 20 Mars 2014)
Le
jeudi 17 avril 2014, le corps électoral est convoqué en vue de
l’élection à la présidence de la république. Une élection à travers
laquelle le peuple souverain donnera mandat au prochain président de la
république d’agir en son nom, pour une période de cinq ans. L’élection
présidentielle a toujours constitué un moment fort dans la vie de la
nation et un évènement majeur pour le devenir national. C’est là un
insigne honneur pour le prétendant à la magistrature suprême mais
également une lourde et délicate charge, autant morale que physique. Une
charge qui, pour être honorablement assumée, exige d’être entourée d’un
certain nombre de conditions dont essentiellement celles qu’édicte
formellement la constitution d’une part et celles qu’impose l’éthique
des règles protocolaires liées à l’exercice de la fonction d’autre part.
C’est
à l’aune d’une aussi importante consultation électorale, et des
conditions objectives de transparence et de liberté qui doivent entourer
son déroulement, que s’apprécie le degré d’enracinement social de
l’Etat et que s’acquiert le respect mérité dans le concert des nations.
C’est pourquoi l’adhésion participative des citoyens aux grandes
décisions nationales confère une inestimable source de légitimité aux
institutions de la république et constitue de ce fait l’immunité la plus
élaborée dont pourra se prévaloir l’Algérie pour relever les grands
défis d’édification et affronter la menace des enjeux qui la guettent.
En
ma qualité d’ancien président de la république, je me suis, jusqu’à
maintenant, interdit d’investir intempestivement le champ politique par
obligation de réserve et abstenu d’interférer dans l’espace
institutionnel par éthique républicaine. Toutefois, cette attitude de
réserve ne m’a jamais empêché d’être toujours sensible aux pulsations de
la société algérienne et d’observer avec une attention régulière et un
intérêt particulier l’évolution de l’actualité nationale. Aujourd’hui,
la survenance d’une série d’évènements et de déclarations, autant
multiples qu’inhabituels, notamment à la veille d’une importante
échéance électorale, m’a mis dans l’obligation morale de m’exprimer et
de partager mes sentiments et mes craintes avec mes concitoyens
algériens.
Ce
qui se passe aujourd’hui sur la scène nationale ne peut laisser
indifférent et interpelle la conscience de tout citoyen algérien jaloux
de l’indépendance de son pays et mesurant à sa juste valeur le coût
exorbitant des sacrifices consentis pour la recouvrer. Il faudra se
souvenir également qu’hier encore et à ce même titre, l’Algérie a du
payer de nouveau un lourd tribut pour avoir vécu l’une des phases les
plus éprouvantes de son histoire contemporaine ; elle s’en est
miraculeusement sortie grâce à Dieu et à toutes les forces vives de la
nation qui se sont courageusement et dignement mobilisées à ses côtés.
Aujourd’hui plus que jamais, le devoir de mémoire doit constituer la
source intarissable qui doit invariablement inspirer le peuple algérien
dans sa quête nationale à construire le chemin de l’avenir.
Au
titre de ce devoir de mémoire, je voudrai, ici et de nouveau, rendre
hommage à toutes ces forces vives de la nation et saluer le rôle
éminemment salutaire qu’elles ont joué, notamment celui assumé par
l’Armée Nationale Populaire et les Forces de Sécurité dans le dénouement
de la grave tragédie nationale qu’a vécu l’Algérie. En dépit de la
farouche hostilité manifestée à l’endroit de l’Algérie dans sa lutte
contre le terrorisme, l’Armée Nationale Populaire et les services de
sécurité ont su et pu déjouer toutes les tentatives de déstabilisation
du pays et ont réussi le pari inespéré de mettre l’Algérie à l’abri du
grand péril qui la menaçait dans ses fondements-même.
Malheureusement
et tout récemment, l’institution militaire s’est vue exposée à une
regrettable diatribe dont la finalité n’est autre que celle de
fragiliser de nouveau l’appareil national de défense et sécurité
nationales et d’ouvrir ainsi la porte aux multiples dangers qui guettent
l’Algérie. Mais en cette matière, l’Armée Nationale Populaire est
parfaitement compétente pour faire face à de tels dangers, compte tenu
de la qualité des hommes qui y exercent et qui disposent des capacités
patriotiques leur permettant de remplir leur mission et d’accomplir leur
devoir au service exclusif de la nation.
L’Armée
Nationale Populaire, avec toutes ses composantes, reste avant tout au
service de la patrie. Tous les responsables, ayant eu, depuis
l’indépendance nationale, à agir en son nom, restent guidés, avant toute
autre considération, par le devoir de préserver la cohésion de ses
rangs, dans le respect de la loi et de renforcer ses capacités
opérationnelles pour assurer la protection de la patrie. La cohésion
interne de l’Armée Nationale Populaire, et son essence populaire
demeurent, à elles deux, les véritables facteurs de sa puissance.
L’Armée
Nationale Populaire a contribué à consolider la stabilité et la
sécurité, avec le concours des services de sécurité et le soutien
décisif des forces patriotiques. Elle reste engagée dans ce combat vital
car elle est consciente qu’elle représente le bouclier armé en mesure
de s’opposer à toutes les tentatives cherchant à porter atteinte à
l’Algérie, ressuscitée par la glorieuse Armée de Libération Nationale, à
sa souveraineté et à l’intégrité de son territoire national.
En
effet, ce qui se passe aujourd’hui sur la scène nationale, à la veille
d’une aussi importante échéance électorale, mérite bien de retenir
l’attention de tous les acteurs de la vie nationale et ne saurait être
grossièrement éludé au profit de certaines approches dont les intentions
cachées ne servent pas nécessairement les intérêts vitaux de
l’Algérie. Il faut se garder de sous-estimer la situation actuelle et
de penser que la manne financière peut, à elle seule, venir à bout d’une
crise de confiance structurelle. Même fondés, l’étalage des
statistiques et des bilans chiffrés à l’adresse d’une opinion nationale
exsangue n’est pas pour convaincre son scepticisme exacerbé, ni de
nature à contenir l’effervescence citoyenne que connait actuellement la
scène politique nationale. Une effervescence citoyenne qui n’a d’autre
ambition légitime que celle d’apporter sa propre contribution à
l’édification d’un nouvel ordre politique dans la fidélité à l’esprit de
la déclaration du 1er novembre 1954 et en harmonie avec les normes universellement consacrées, tout en préservant nos valeurs et nos spécificités.
La
révision de la constitution algérienne en 2008, notamment l’amendement
de son article 74, relatif à la limitation des mandats présidentiels à
deux, a profondément altéré le saut qualitatif qu’exigeait l’alternance
au pouvoir et a privé le processus de redressement national de conquérir
de nouveaux acquis sur le chemin de la démocratie. Il est éminemment
important de rappeler que l’alternance au pouvoir a pour vocation de
consolider la solidarité intergénérationnelle, de conforter la cohésion
nationale et d’instituer les bases structurantes d’une stabilité
durable. L’alternance au pouvoir a également pour vocation de fortifier
la démocratie et de crédibiliser les institutions de la république qui
en sont la plus précieuse émanation. Enfin, l’alternance au pouvoir a
pour finalité d’assurer les meilleures conditions d’avènement, sans
grands heurts, d’un Etat moderne.
L’histoire
des grandes démocraties dans le monde nous enseigne qu’un Etat fort est
toujours consubstantiel decontre-pouvoirs tout autant forts. Cette même
histoire nous enseigne également que le principe de transparence dans
l’administration des affaires publiques, dans la gestion des ressources
du pays et dans l’exercice des libertés individuelles/collectives
constitue un puissant gage de bonne
gouvernance et permet de lutter efficacement contre toutes les formes
d’abus et de corruption, sous l’autorité irréfragable de la primauté du
droit et de l’équité de la justice.
A
ce titre, il faut souligner avec force à l’adresse de tous ceux qui
doutent encore du génie national que le peuple algérien sait distinguer
l’essentiel de l’accessoire et sait également offrir gracieusement sa
patience légendaire dès lors qu’il s’agit de la mettre au service d’une
grande cause nationale. Une cause qui emporte l’adhésion participative
du peuple est une cause entendue et déjà acquise.
C’est
pourquoi, le prochain mandat présidentiel doit s’inscrire dans le cadre
d’un grand dessein national et offrir l’opportunité historique d’œuvrer
à réunir les conditions favorables à un consensus national autour d’une
vision partagée sur l’avenir de l’Algérie ; une vision partagée par les
principaux acteurs de la vie nationale et que doit nécessairement
couronner, en dernière instance, l’assentiment souverain de l’ensemble
du peuple algérien. Ce mandat-transition constituera la première étape
sérieuse d’un saut qualitatif vers un renouveau algérien, plus conforme
aux aspirations légitimes des générations post-indépendance et en
harmonie avec les grandes mutations que connait le monde. Il est temps
d’offrir à l’Algérie la république qu’elle est en droit d’exiger de son
peuple et de son élite éclairée.
Dans
ce cadre et à ce titre, il faut rappeler en toute objectivité que le
droit de vote constitue le moyen constitutionnel le plus pacifique que
le citoyen utilise pour exprimer ses choix. C’est également un devoir
national que d’exprimer ses choix et de participer ainsi, à travers des
élus représentatifs, au processus d’élaboration de la décision
nationale. C’est pourquoi la voix exprimée du citoyen doit constituer
une précieuse valeur dans la construction démocratique du système
politique algérien et dont il faudra se garder d’en amoindrir
l’inestimable portée. C’est par l’effet de la voix exprimée du citoyen
que se construit l’Algérie de demain. Si le citoyen algérien a le devoir
d’exprimer sa voix dans les grandes haltes nationales, il incombe à
l’Etat d’offrir les meilleures conditions de transparence et de liberté
afin que ce choix soit rigoureusement respecté et pris en considération.
C’est de cette manière que s’enracine la confiance et que se perpétue
la pratique démocratique.
C’est
dans cet esprit qu’il faut considérer que la constitution, la cohésion
nationale et l’unité des forces armées de la république constituent les
piliers qui portent l’Algérie et le précieux patrimoine commun que les
algériens sont en devoir de préserver et de défendre quelque soit le
niveau et la nature des sacrifices à consentir.
Indépendamment
de ce qui va résulter du scrutin du 17 avril prochain, il faudra
surtout retenir que le prochain mandat présidentiel est le mandat de
l’ultime chance à saisir pour engager l’Algérie sur la voie de la
transition véritable. Tous les indicateurs objectifs militent pour
entamer, sous le sceau de l’urgence, dans la sérénité et de manière
pacifique, les grands travaux de cette œuvre nationale salutaire à la
réalisation de laquelle tous les algériens doivent être associés. En
effet, il faut se garder de croire que la grandeur du dessein national
peut relever de la seule volonté d’un homme serait-il providentiel ou de
l’unique force d’un parti politique serait-il majoritaire. La grandeur
du dessein national est intimement liée à la grandeur du peuple et à sa
capacité d’œuvrer constamment à conquérir de nouveaux espaces
démocratiques. Dans cette perspective, notre pays est indéniablement
riche des potentialités et des capacités à même de lui permettre d’aller
vers ces nouvelles conquêtes. A travers son histoire, le peuple
algérien a de tout temps démontré qu’il est, fort de son unité, capable
de relever les plus grands défis.
Vive l’Algérie.
Gloire et Eternité à nos Valeureux Chouhadas.
Mr ZEROUAL LIAMINE
Ancien Président de la République.
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