Un discours maigre Comme attendu, la scène politique ne nous a offert que la
représentation abjecte routinière. Le suspense maintenu et prolongé, sur
la candidature du président donné pour sortant, n’était qu’une partie
de suspense et finalement, même sous forme déraisonnée, le président se
représentera à sa propre succession. Posture qui renforce un certain « complexe du roi » (celui de mourir
roi, sur le trône), mais plus encore qui nous offre un aperçu sur l’ «
humeur idéologique » du régime algérien qui persiste, coute que coute, à
imposer une figure « providentielle », afin de faire perdurer un
système soufrant. On évoque souvent que cette re-candidature sera pour « faire avancer
le pays ». Il est nécessaire alors, face à cet argument, de comprendre,
une bonne fois pour toute, qu’on ne pourrait jamais faire du nouveau
avec de l’ancien, et a fortiori quand cet ancien a été acteur des grands
échecs et catastrophes. Excepté cet argument, les discours de légitimation que formulent les
fervents du prolongement du régime sont maigres voir dérisoires. On
s’étonne même de la pauvreté argumentative, au point où un seul motif
est souvent avancé : le président, malgré tout, reste l’homme du moment,
idéal, parce que sans lui il n y a qu’instabilité et désolation. Autant
dire un populisme de bas de gamme. Un « sourire kabyle » Bien sûr il y aura (contrairement aux campagnes électorales
précédentes) des moyens de communication plus modernes qui permettront
la médiatisation. On aurait cru qu’il y aura grâce à cela une mise en
scène où sera exposée une armada de candidats (qui appelleront à lutter
contre la corruption, le régionalisme, réformer la justice, cesser les
atteintes aux droits fondamentaux des citoyens et valoriser leur
citoyenneté, etc.), et pourquoi pas, une commission de transparence,
etc. Mais finalement à la modernisation des apparences, continue la
sclérose abjecte des pratiques dictatoriales les plus étanches. Et rien
ne semble empêcher Bouteflika de mener une campagne sans précédent : une
campagne sans image, ni voix, ni programme, ni public. Ceci n’empêchera
pas non plus le triomphe final (!). Il est ainsi simple de déduire que l’échéance présidentielle
prochaine ne sera pas une grande date qui marquera une ère de
changement. Elle ne sera que le prolongement et le maintien d’un régime
qui a tout de totalitaire, et dans des élections où il n y a ni joutes
ni pugilat ni concurrence, rien ne peut être sérieux. Plus encore, tout
devient condamnable. Aussi, puisque l’échéance présidentielle obéira à un scénario
préétabli, la candidature de Bouteflika elle-même est à lire comme une
crise au même titre que les autres crises qui ont ponctué la période de
son règne (corruption, fragilité stratégique, décomposition sociale,
etc.). Mais quoi qu’il en soit, il ne faut pas se tromper de
responsable. La crise – réelle et profonde – dépasse la présidentielle
et dépasse la personne du président : le problème n’est pas tant
Bouteflika que le système qu’il l’a mis en place pour maintenir sa
longévité. Bien sûr la question existentielle qui attend une réponse depuis
longtemps reste suspendue : qui est réellement le responsable de ce
déclin : un système qui n’a de souci que le maintien et la protection de
ses biens ? Ou est-ce une population infantilisée qui ne sait devenir
citoyenne et est donc démissionnaire de son droit à l’existence ? Ou
est-ce un ogre étranger ? Peut-être les trois hypothèses combinées (à
différents degrés d’intensité). Mais loin des hypothèses, la situation
est telle que c’est un pays qui est confisqué et mortifié, et un
assassinat symbolique peut être plus violent qu’un assassinat effectif. A une même mentalité, une seule posture Au niveau de la société civile, il y a d’ors et déjà rassemblement
des pro- (souvent les mêmes laudateurs obséquieux) et mobilisation des
anti- (aussi bien sur le terrain que sur l’espace virtuel). Mais plus complexe est la position des politiciens. Il est vrai,
plusieurs candidats se sont retirés de la course. Mais il est étrange
que certains pensent encore que ce sera aux « enfants du système »
d’enterrer le système (!). Le fait même que les prochaines élections
(comme celles précédentes) se dérouleront en un huit-clos, ne
montre-t-il pas que cette échéance sera réglementée, une fois de plus,
selon les pratiques internes aux logiques du régime en place ? Ce qui
montre aussi que ce régime à une logique immuable qui refuse de
concevoir le changement ne serait-ce que par tactique ?
Les
élections de 2014 lancent une grande promesse, celle qu’il n y aura
aucune norme ni standard, qu’il n y aura pas un candidat élu,
représentant une volonté populaire. Il sera un candidat désigné selon
l’entendement de zones d’influence. Il aura pour tache de perpétuer
l’existence d’une caste, la pérenniser et la prospérer. Pour que le
régime providentiel représenté par l’homme providentiel continu à avoir
de beaux jours devant lui. Quelle est donc la posture à adopter ? Sans détours phrastiques ni
verbosités abondantes, le seul choix qui s’impose est le boycotte.
Surtout que c’est la seule attitude qui peut traduire une rupture totale
avec un régime qui ne montre aucun souhait de modification de ses
pratiques, ni souhaite changer les mécanismes de sa gouvernance. A la fragilité du discours, il faut répondre par la puissance du
symbole. Le boycotte en tant qu’expression symbolique, s’impose comme
seule posture qui manifeste le rejet de ce système et de ses pratiques.
Ceci, jusqu’à nouvel ordre. Moussaab Hammoudi 11 mars 2014
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