Centrafrique: l'ONU commence son enquête sur les violations des droits de l'Homme
le 10.03.14
Membre d'une milice chrétienne "anti-balaka" (anti-machette) dans le quartier de Boeing à Bangui, le 24 février 2014
Une commission des Nations Unies va commencer à enquêter mardi
en Centrafrique sur les violations des droits de l'Homme dans ce pays
livré depuis près d'un an au chaos et aux tueries entre musulmans et
chrétiens.
La commission, mandatée par le Conseil de sécurité de
l'ONU et dirigée par le Camerounais Bernard Acho Muna, veut "mettre un
terme à l'impunité" qui règne dans le pays.
La Centrafrique est "un
pays qui est en train de se vider de sa population musulmane", passée de
15% environ à 2% de la population totale, s'est alarmé lundi le
conseiller spécial du secrétaire général de l'ONU pour la prévention des
génocides, le Sénégalais Adama Dieng.
Pour Bernard Acho Muna, juge à
la Cour Suprême du Cameroun et ancien procureur en chef adjoint du
Tribunal pénal international pour le Rwanda, "un génocide commence
toujours avec de la propagande incitant à la haine".
"Nous espérons
que notre présence et le fait que nous enquêtions soient un signal pour
que les gens orchestrant la propagande ne passent pas à l'action",
a-t-il déclaré.
- 'établir les faits' -
Depuis mars 2013
et le renversement de François Bozizé par la coalition rebelle Séléka
de Michel Djotodia, des crimes massifs ont été commis, en toute impunité
jusque présent, contre la population en Centrafrique.
Ces crimes -
meurtres, viols, vols, incendies d'habitations - ont été pendant des
mois l'apanage des combattants Séléka (majoritairement musulmans), à
Bangui mais aussi en province.
L'émergence pendant l'été des milices
d'auto-défense villageoises anti-balaka (majoritairement chrétiennes) a
donné à ces crimes une nouvelle ampleur avec un cycle de représailles et
contre-représailles menées par anti-balaka et Séléka contre les
populations civiles, avec des massacres et des villages incendiés.
Depuis
décembre et les tueries de masse dans la capitale, les anti-balaka avec
dans leur sillage des bandes de pillards s'en prennent systématiquement
aux civils musulmans, contraints à l'exode, sur fond de "nettoyage
ethnique" selon Amnesty International. Des bandes armées issues de
l'ex-Séléka continuent elles aussi à semer la terreur dans des localités
de province.
Au total, les violences intercommunautaires ont fait
des milliers de morts et un quart des 4,6 millions de Centrafricains
sont déplacés, provoquant une situation humanitaire désastreuse.
Parallèlement
à la commission d'enquête de l'ONU, la Cour pénale internationale (CPI)
s'est elle aussi emparée du dossier centrafricain. Le 7 février, le
procureur de la CPI a annoncé l'ouverture d'un "examen préliminaire",
préalable à une enquête, sur des crimes "graves" commis en République
centrafricaine.
Bernard Acho Muna a relevé que la situation en
République centrafricaine "est unique, elle est caractérisée par
l'effondrement de l'ordre public, le vide du pouvoir, l'absence
d'autorités de police et judiciaires".
La commission d'enquête est
composée de trois personnes. Outre le président, elle comprend Fatima
M'Baye, présidente de la commission mauritanienne pour les droits de la
femme et vice-présidente de la Fédération internationale des droits de
l'homme, et Jorge Castaneda, ancien ministre des Affaires étrangères du
Mexique.
Les enquêteurs doivent rester au total deux semaines en
Centrafrique, dont trois jours à Bangui. Elle se rendra dans le pays
"partout où c'est nécessaire pour établir les faits", a dit son
président.
Elle doit rencontrer les autorités gouvernementales, les
autorités locales, les chefs de villages, les représentants d'ONG, les
commandants des troupes françaises et de la Mission de l'ONU et de
l'Union africaine, et se rendre dans les camps de déplacés et de
réfugiés.
Elle remettra un premier rapport au Conseil de sécurité de l'ONU en juin prochain.
AFP
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