Les
pays du Golfe avouent ouvertement souhaiter la création d’une alliance
géopolitique autonome incluant au départ deux ou trois pays, dont
l’Arabie Saoudite et le Bahreïn. Pourquoi cette soudaine précipitation ?
Les dirigeants du Conseil de coopération des États arabes du Golfe
(CCG), qui comprend l’Arabie saoudite, le Koweït, Bahreïn, le Qatar, les
Emirats arabes unis et le sultanat d’Oman, ne cachent pas leur
inquiétude face aux ambitions régionales de l’Iran. Le Bahreïn, dirigé
par la dynastie sunnite Al Khalifa, est, en particulier, le théâtre,
depuis le début du « printemps arabe », d’une contestation de la majorité chiite, soutenue en sous-main par l’Iran, qui a des vues sur le territoire insulaire.
Un destin commun ?
Par ailleurs, le Qatar, l’Arabie saoudite mais aussi les Frères
Musulmans d’Egypte, semblent déterminés à faire chuter l’Algérie. Anna
Marie Lisa, présidente honoraire du Sénat belge, accuse ouvertement
l’Arabie Saoudite « d’œuvrer à déstabiliser volontairement les
frontières sud de l’Algérie », à travers notamment, le financement des
salafistes et de groupes djihadistes. Pour l’Arabie saoudite, l’Algérie
devra payer, tôt ou tard, pour avoir combattu le terrorisme durant les
années 1990. Ceci se produit au moment où de l’argent, provenant de
paiements de rançons d’otages européens et des spoliations en Libye
arrivent, de la façon la plus illégale qui soit, aux terroristes
sévissant dans la région, et plus particulièrement au Nord du Mali,
devenu indépendant. En tout cas, cette déclaration confirme qu’il y a
bien (ce que nous vous disons ici depuis plusieurs mois déjà : affaire
libyenne etc) une déstabilisation en cours de l’Algérie, entretenue par
des bailleurs de fonds saoudiens.
Eric Denussy, directeur du Centre français de recherches sur le
terrorisme, et ancien officier des services secrets, a tiré récemment la
sonnette d’alarme : « La situation est très grave. L’Algérie est
considérée par le Qatar et l’Arabie Saoudite, et par l’alliance entre
les USA et les Frères musulmans, comme le domino du « printemps arabe »
qui n’est pas tombé et qui doit tomber, coûte que coûte ». L’Otan et
les Américains nul doute participent en secret à cette démarche de
vouloir reconfigurer le Maghreb et le Machrek, ainsi que le Sahel, par
terrorisme interposé et mercenaires richement payés. D’ailleurs,
certains pays auraient largué des armes, profitant aux terroristes du
GIA, devenu GSPC puis AQMI, après que les terroristes eurent été défaits
en Algérie et qu’ils eussent fuient vers le Sud. Pour l’instant, après
des législatives sans fraude véritable, l’Algérie, qui se sent menacée,
tient bon et n’a pas chuté, malgré toutes ces tentatives de
déstabilisation, y compris du côté marocain (le problème du Polisario
évoqué au Conseil Européen).
Mais au Mali, la crise s’obscurcit et il est un peu difficile d’y
voir vraiment clair. La moitié septentrionale de son territoire est
toujours sous le contrôle de rebelles touareg, d’islamistes armés et de
divers groupes criminels. Un nouveau groupe armé, dénommé Front de
Libération Nationale de l’AZAWAD (FLNA), qui revendique 500 éléments,
avait annoncé, le 8 avril, sa création dans le Nord-Est du pays. Il se
proclame indépendant du groupe islamiste Ansar Dine, dirigé par Iyad Ag
Ghali qui a participé aux accords d’Alger de 2006 entre Bamako, la
rébellion touarègue et le Mouvement National de Libération de l’AZAWAD
(MNLA).
Cette nouvelle formation se présente comme un mouvement laïc et
explique sa création par l’abandon” de la région par l’Etat malien
depuis des années. Il aurait pour objectif la libération de l’AZAWAD,
l’instauration d’un climat de confiance entre ses communautés, la
sécurisation des personnes et des biens et l’instauration d’un cadre de
dialogue pour une paix durable” dans la région, dont le FLNA ne définit
pas les limites géographiques et qui, par voie de conséquence,
pourraient inclure des territoires algériens et nigériens !
Aux côtés de tous ces mouvements touaregs, religieux ou laïcs, du
Nord Mali, on retrouve, bien entendu, des éléments du Polisario et ceux
de l’AQMI, dont un des chefs, Mokhtar Belmokhtar, vient justement de
refaire surface à Gao, avec ses partisans, à la faveur des enlèvements
de sept diplomates algériens. Un autre groupe, et pas des moindres, a
également signalé sa présence à Gao. Il s’agit du mouvement islamiste
nigérian Boko Haram, mouvement violent et extrêmement puritain, très
anti-chrétien et dont au moins une centaine d’éléments ont été signalés
récemment au Nord du Mali. Par ailleurs, l’exécutif MNLA aurait proposé à
l’Algérie son aide pour la libération des diplomates enlevés et son
leader, Bilel Ag Cherif, aurait décidé d’enquêter sur les circonstances
de ces enlèvements.
Face à cette nouvelle donne, les Algériens ont fermé leurs frontières
avec le Mali. Mais une telle décision, aussi ferme soit-elle, reste
toujours problématique dans cette région : parler de « fermeture des
frontières » dans une zone de nomades, cela-t-il encore un sens ? Est-ce
qu’elles ont jamais existé, d’ailleurs ? N’est-ce pas comme si on
voulait arrêter le vent du sud de souffler ? C’est bien connu, les
terroristes d’AQMI et les narcotrafiquants passent par les postes
frontières et présentent leurs papiers aux douaniers, aux gardes
frontières et aux militaires algériens qui grouillent dans le secteur
sans pour cela être forcément inquiétés. Les dollars circulent.
L’Algérie prise au piège ?
C’est pourquoi, à moins de construire un mur sur tout le parcours de
cette frontière de plus de 1200 kms, il est réellement impossible de
fermer cette passoire, où immigrants, terroristes et contrebandiers se
faufilent comme bon leur semble. Le Sud algérien paraît donc bel et bien
le ventre mou du pays dans lequel circulent des terroristes d’AQMI et
des contrebandiers mais aussi des déstabilisateurs étrangers, payés par
les Etats du Golfe.
Le ministère algérien de la Défense a annoncé avoir déployé des
avions de transport militaires et des hélicoptères aux bases de
l’extrême sud et a mis en état d’alerte maximum 3 000 hommes des forces
spéciales de l’armée et des unités militaires de la sixième, troisième
et quatrième région militaire, notamment dans les wilayas de
Tamanrasset, Ghardaïa, Biskra, Bechar et Adrar. Certains se demandent,
comme de faux naïfs : pourquoi l’Algérie n’avait pas, plus tôt, lutté
contre AQMI et la criminalité transnationale ?
Pour l’AQMI, il était, sans doute pour elle plus judicieux de refiler
le bébé au Mali (consolidation d’un glacis protecteur) et quant à la
drogue venue de Guinée-Bissau, elle rapporte forcément beaucoup au
passage. N’oublions pas que toutes les productions du pays
(l’agriculture étant moribonde) se concentrent actuellement au Sud, au
Sahara où se retrouvent toutes les richesses du pays (hydrocarbures, or,
fer).
En conclusion, s’il est possible d’émettre l’hypothèse que
l’enlèvement des diplomates algériens, la proclamation de l’indépendance
de l’AZAWAD par un groupe proche d’Alger et la présence d’AQMI et
autres groupes islamiques radicaux sont, directement ou indirectement,
liés à l’Algérie, la grande puissance régionale du coin, il est
indéniable que sur le terrain, l’opération malienne n’est pas seulement
une opération montée de toutes pièces par les autorités militaro-civiles
algériennes pour redorer leur blason à l’approche des élections
législatives en Algérie.
Dans ce pullulement de groupes militarisés divers, la situation sur
le terrain est bien trop confuse pour ne pas déceler aussi la rivalité
de courants servant d’autres intérêts, comme ceux des monarchies du
Golfe ou de l’OTAN, dans la perspective d’une déstabilisation cruciale
de l’Algérie ou encore, discrètement, des intérêts chinois, dans la
perspective d’un contrôle par Pékin du Niger tant convoité.
En tout cas, la seule chose assurée, c’est que, en dehors du coup
d’Etat qui a ébranlé le pouvoir légitime au Mali, tous les événements
qui secouent aujourd’hui le Nord de ce pays sahélien ne sont que la
conséquence trouble d’un jeu de domino dangereux engagé par l’Otan,
l’Occident et les pays du Golfe dans la région (Tunisie, Lybie, Egypte).
En voulant déstabiliser demain l’Algérie, c’est le Maghreb, en tant que
bloc institutionnel qui serait alors géopolitiquement menacé en tant
que tel. La démarche algérienne pour contrer le terrorisme au Sahel
aurait besoin, à la lumière du drame malien, d’une profonde mise à jour
de ses tenants et aboutissants, voire même peut-être d’une petite aide
de l’ex-mère patrie. Paris ne peut, sans conséquences directes, laisser
tomber aujourd’hui Alger.
Michel Lhomme
http://www.metamag.fr/metamag-871-L-Iran-et-l-Algerie--cible...
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