CHACUN Y VA DE SON COUPLET
Peut-on
tirer un bilan précis et concis de ce vaste mouvement populaire qui a
nom le « Printemps arabe » (2011-2012) ? Oui certainement. Philosophes,
journalistes, politiciens de droite comme de gauche, experts de tout
poil et analystes arabophiles comme arabophobes tous tentent de
présenter un bilan de ce mouvement diachronique. S’y essaient également
les partisans et alliés des peuples arabes résistants et outrageusement
dupés, réprimés, assassinés dans une dizaine de pays qui ont connu des
soulèvements d’intensité et de durée variables que les médias mystifient
à l’envi (1).
Il n’y a pas eu ‘un’ mais plusieurs «
Printemps arabe », c’est-à-dire que le « Printemps arabe » s’est déroulé
selon quelques scénarios différents, parfois issu de soulèvements
spontanés, comme un cri de révolte d’un peuple pressuré, désœuvré,
affamé. Parfois, le soulèvement fut téléguidé de l’extérieur par des
puissances étrangères qui utilisaient la grogne populaire pour
l’endiguer, l’orienter et se servir des révoltés comme chair à canon
dans leurs desseins de soumission, de règlement de compte
inter-impérialiste visant à changer la garde au pouvoir dans un pays ou
dans un autre, les dirigeants en place étant trop discrédités pour
donner le change et rassembler la populace autour de leur projet
compradore (Ben Ali, Moubarak, Saleh).
Dans le cas de la
Libye, le soulèvement fomenté et dirigé a servi à arracher un pays des
griffes d’une puissance impérialiste pour mieux le placer sous la coupe
de ses nouveaux maîtres ; le peuple libyen n’a nullement bénéficié de ce
vent de fronde et cette jacquerie manipulé et aujourd’hui il souffre
sous la coupe de chefs de clans, de bandits, de mercenaires et d’affidés
réactionnaires placés là par leurs maîtres dont l’un (Sarkozy) vient de
recevoir son congé du peuple français déprimé.
BILAN PAR CLASSE SOCIALE
Chaque classe sociale établit son propre bilan de ce « Printemps arabe
» aux multiples visages. La grande bourgeoise compradore à la solde de
l’Alliance Atlantique (France, Royaume-Uni, Allemagne, États-Unis) ou à
la solde de l’Alliance de Shanghai (Chine et Russie) s’essuie le front.
Les capitalistes nationaux ont eu chaud, ces poltrons ; certains ont été
tués, démis, emprisonnés, quelques-uns sont en exil ; d’autres ont dû
abandonner les affaires et les derniers ont été forcés de se planquer en
attendant une accalmie qui leur permettra de sortir de leur tanière
pour rapatrier leurs « affaires » dans leur nouvelle patrie. Dans
l’ensemble, la grande bourgeoise arabe compradore a partout conservé le
pouvoir et ses avantages mais elle a dû se résigner à effectuer un
changement de la garde ou promettre quelques réformettes avant de
revenir aux affaires de leur galère de misère.
D’autres
ploutocrates, les plus nombreux finalement, sont restés dans les
coulisses du pouvoir comptant se remettre en selle sous de nouveaux
oripeaux tout neufs. Ce sont ceux-là que les partisans égyptiens
dénoncent dans les rues du Caire depuis quelque temps. Ce sont ceux-là
que les manifestants tunisiens ont boudés lors des dernières élections
dans ce pays. Pareil au Yémen et au Bahreïn où le clan saoudien n’a pas
permis à la jacquerie locale de déposer le Roi al-Khalifa (2).
Les jeunes étudiants et chômeurs militants, ceux qui ont amorcé le
mouvement du « Printemps arabe », ont bien compris que, laissés à
eux-mêmes sur les réseaux sociaux, sans orientation idéologique
révolutionnaire, assujettis aux manipulations médiatiques de la grande
bourgeoise nationale et internationale et de la moyenne bourgeoisie
locale ils ne pouvaient aller très loin. Faut-il rappeler que c’est
Hillary Clinton, Secrétaire d’État américaine, qui a annoncé au monde
incrédule que l’objectif des soulèvements arabes était d’obtenir le
privilège d’élections libres permettant à chacun de choisir sa
marionnette nationale préférée, discours ensuite colporté par les «
twitters » inconscients et tous les médias bourgeois de la Terre
parfaitement conscients ceux-là.
Assujettis aux
manipulations de la petite bourgeoise paupérisée et de la gauche
opportuniste, à l’affût et trop heureuse de s’emparer de la direction
des mouvements pour les diriger vers le cul-de-sac électoral pseudo
démocratique bourgeois, les jeunes et les moins jeunes ont vite perdu le
contrôle de leurs soulèvements (3).
La grande bourgeoisie
arabe a pu sauver sa mise – non sans peine toutefois. Monopolisant le
pouvoir politique, judiciaire et militaire (le pouvoir économique
demeurant dans les mains des puissances impérialistes néocoloniales)
elle était la seule classe qui pouvait perdre quoique ce soit dans
l’échauffourée.
La petite bourgeoisie est la classe qui a
temporairement amélioré sa condition sociale dans cette agitation
nationale. Mais pour un temps seulement. Attendez que les oligarques
reprennent le contrôle de ces parlements et gouvernants à la solde –
sachant que par ailleurs ils n’ont jamais perdu le contrôle de leurs
armées.
La petite bourgeoisie, dont les filles et les fils
diplômés sont au chômage, est une classe en cours d’appauvrissement.
Frappée par les crises en rafale du système capitaliste mondial, la
petite et la moyenne bourgeoise nationale arabe étaient au cœur de ces
soulèvements. L’économie nationale des pays arabes étant dominée et
spoliée par les pays impérialistes du Nord, cette classe sociale fragile
et instable n’a pas accès aux prébendes, aux bakchichs, aux hauts
postes gouvernementaux, judiciaires et militaires lucratifs, ni à la
propriété foncière réservées aux compradores. La petite et la moyenne
bourgeoise sont donc menacées d’éradication tout comme leurs cousins
dans les pays du Nord. Le « Printemps arabe » lui a permis de multiplier
les partis politiques bourgeois et « d’assainir » les mœurs électorales
locales, de les rendre presque conformes au modèle occidental.
En Égypte, en Tunisie, au Yémen, en Libye, au Maroc, en Jordanie,
suite aux réformes électorales promises, les multiples partis politiques
de la petite et de la moyenne bourgeoise de droite comme de gauche
espèrent avoir désormais accès à l’assiette au beurre, soit par le jeu
d’alternance des partis au pouvoir, soit que les nouveaux chefs d’État
devront pour gouverner s’appuyer sur des coalitions de partis où ils
espèrent que leur poulain trouvera sa niche et ses bakchichs.
LE CAS SYRIEN
En Syrie, l’insurrection téléguidée depuis Paris, Londres, Berlin,
Washington, Ryad et Doha ayant échoué, la réforme annoncée ne permettra
peut-être pas l’alternance tant souhaitée. L’assiette au beurre risque
de demeurer entre les mains de la dynastie Assad ; cela ne concerne que
le peuple syrien et pas du tout les mercenaires payés par les royaumes
du Qatar et d’Arabie Saoudite infiltrés dans le pays pour y fomenter
agitation armée et assassinats, meurtres et crimes de guerre terroristes
(4).
Ici, il faut comprendre que le « Printemps arabe
syrien » marque un événement historique d’importance. C’est la première
fois que l’Alliance eurasiatique (Moscou), alliée de l’Alliance de
Shanghai (Pékin), a affronté avec succès l’Alliance Atlantique dirigée
par les États-Unis et ses alliés de l’Union européenne
(Paris-Berlin-Londres). Précédemment, en Irak, en Afghanistan, au
Soudan, en Côte d’Ivoire et en Libye, les alliances impérialistes des
pays d’Asie avaient cédé et s’étaient laissé dépouiller des richesses
des pays qui leur étaient assujettis. En Syrie, pour la première fois,
les alliances concurrentes ont tenu tête à l’Alliance Atlantique, ce qui
reflète le déplacement déjà amorcé du pouvoir économique en faveur de
la Chine, le créancier de l’Occident. Cela indique également que
désormais Pékin et Moscou n’entendent plus se laisser dépouiller de
leurs zones de domination. Dorénavant, les guerres de rapine
inter-impérialistes risquent d’être de plus en plus âpres et meurtrières
pour les peuples des pays convoités.
Experts et analystes
en tout et en rien du tout, retenez cette leçon avant de colporter tous
les ragots et agitations émanant de l’État-major israélien et du bouffon
Netanyahu – l’excité – à propos de l’Iran que ce misérable nabot menace
sans cesse d’attaquer pendant que la caravane iranienne passe son
chemin, indifférente. La guerre d’Iran, si elle a lieu finalement,
mettra aux prises le géant impérialiste militaire américain sur son
déclin contre le géant chinois ascendant et son allié russe nucléarisé
et en cours de reconstruction. L’histoire s’écrit devant vos yeux si
vous osez regarder – mais il ne faut pas regarder le sous-fifre à
Jérusalem – mais à Washington, Pékin, Moscou et Berlin, les capitales
impérialistes mondiales. Le monde change et le « Printemps arabe »
s’inscrit dans cette mouvance.
LA CLASSE OUVRIÈRE ARABE
Pour sa part, le prolétariat arabe ne s’est pas vraiment mis en
mouvement pendant ces événements. Ce prolétariat garde fraiche en
mémoire la trahison des partis de gauche engagés depuis des décennies
dans une course folle pour participer aux mascarades électorales et
arracher, espèrent ces partis de la petite bourgeoisie, quelques sièges
bien rémunérés dans les parlements graciés. La classe ouvrière arabe a
regardé passer cette esbroufe meurtrière mais sans vraiment y engager le
gros de ses « armées » de classe. Voilà pourquoi ce qui aurait pu
devenir un Printemps arabe rouge des quartiers ouvriers est demeuré un
Printemps arabes vert tendres des palmeraies ombragées.
La
classe ouvrière arabe, sans direction révolutionnaire, préférait voir
venir et observer la situation. Elle a vite convenu que son heure
n’était pas venue. Elle n’aurait finalement rien gagné de toute cette
agitation tout comme les pauvres et les malandrins, pas davantage que
les femmes arabes qui ont vu leur situation sociale empirer dans
certains pays menacés par l’orbe islamiste manipulée par le grand
capital impérialiste.
La bourgeoisie et la petite
bourgeoisie nationaliste arabes qui ont mis leurs œufs dans le panier
islamiste se sont cru obligées de manifester leur intransigeance, leur
foi musulmane et leur piété coranique afin d’obtenir le soutien et les
crédits des sectes Wahhabites fanatiques d’Arabie Saoudite et du Qatar
si bien que les femmes et les jeunes filles se font proposer un retour
en arrière – éphémère soyez sans crainte. L’histoire ne retourne jamais
sur ses pas, un pays où la femme a connu un début d’émancipation ne
reviendra jamais sous la dictature des mollahs et des imams. Mais les
femmes arabes ayant subi ces « Printemps arabes verts tendres des
palmeraies parfumées » avortés devront se mobiliser pour faire reculer
ces va-nu-pieds qui prétendent les enfermer et les voiler. C’est le
devoir de la classe ouvrière arabe d’épauler solidement les femmes
arabes dans leur résistance. Sinon, la petite et moyenne bourgeoise
s’emparera de cette lutte pour l’orienter dans le sens d’un affrontement
inter-sexe (hommes contre femmes) alors que c’est une bataille
anti-impérialiste qui s’amorce contre des puissances qui souhaitent
assujettir les femmes arabes pour mieux les exploiter.
Elles sont légion présentement – les féministes petite-bourgeoises – à
parcourir l’Occident réduisant cette lutte à l’opposition contre le
voile. Elles ne mobiliseront pas les femmes des peuples arabes contre
l’exploitation et l’oppression impérialiste par cette revendication
d’arrière banc mais qui permet à notre petite-bourgeoisie locale de se
donner bonne conscience.
Pourquoi l’Algérie n’a-t-elle pas
connu de soulèvement conséquent, pas plus que l’Arabie Saoudite, Oman,
les Émirats Arabes Unis et le Liban ? Chacun de ces cas est particulier.
Il ne faut pas oublier que l’Algérie a connu son printemps
arabe bien avant tous les autres, il y a plus d’une dizaine d’années et
l’armée, après avoir beaucoup massacré la population algérienne, est
finalement intervenue lors d’une élection démocratique que les
islamistes s’apprêtaient à gagner démocratiquement, ce qui déclencha une
saignée terroriste et militaire terroriste parmi le peuple algérien.
Pour les Algériens, le « Printemps arabe » sentait le réchauffé, et ils
ne s’y sont pas engagés. En Arabie Saoudite, à Oman, au Koweït et dans
les Émirats Arabes Unis, les dictatures fascistes des tribus au pouvoir
et l’immense rente pétrolière ont permis d’écraser toute velléité de
soulèvement et les opposants, déjà sous les verrous glacés des Kasbah
emmurées, n’ont même pas songé à organiser de tels soulèvements. De
plus, les puissances impérialistes des alliances concurrentes ne sont
pas encore en mode insurrectionnel téléguidé pour disputer ces pays à la
domination de l’Alliance Atlantique, seule souveraine sur les terres
saoudiennes.
Au Liban, le pays avait lui aussi connu son «
Printemps arabe » il y a de nombreuses années, quand le pouvoir avait
été contesté par les clans et les factions chrétiennes, chiites,
sunnites et druzes si bien que ces soulèvements d’étudiants et de
chômeurs désorganisés, désorientés, ou encore manipulés de l’extérieur
n’ont pas trouvé preneur dans ce pays hyper politisé, organisé,
militarisé et armé ayant une longue expérience révolutionnaire.
Il en fut de même en Palestine occupée, repliée sur elle-même, pansant
ses multiples plaies sous le joug meurtrier sioniste-fasciste. Le
peuple palestinien refait ses forces présentement. Il accumule de
l’énergie révolutionnaire et se prépare à d’autres soulèvements –
Intifada – quand le temps sera venu, c’est-à-dire quand la conjoncture
mondiale aura grandement affaibli la puissance de tutelle d’Israël –
protectorat américain – qui se sentira alors délaissé, abandonné au
milieu du désert arabe au fond de la Méditerranée polluée (5).
Le « Printemps arabe vert tendre des palmeraies ombragées », version
2011-2012, fut une répétition en prévision de la véritable révolution à
venir. Pour l’instant les différentes classes sociales se sont jaugées,
appréciées, mesurées et elles tirent présentement le bilan de ces
affrontements. Si le prolétariat arabe peut faire surgir de son sein un
leadership révolutionnaire conséquent, bien orienté politiquement pour
la prise de pouvoir totale, et vraiment discipliné, la prochaine manche
risque de ressembler à toute autre chose que ce qu’on a observé pendant
ces deux années d’échauffourées.
(1)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Printemps_arabe et
http://www.legrandsoir.info/printemps-arabe-tunisie-l-art-d-avancer-en-arriere.html
(2) http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=27422 et http://www.oulala.net/Portail/spip.php?article5404
(3)
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/le-ni-ni-en-syrie-c-est-oui-oui-a-113616
et http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=28409
(4) http://libanresistance.blogspot.fr/2012/05/lepeuple-syrien-fait-face-une-guerre.html
(5) http://www.lnr-dz.com/index.php?page=details&id=5694 et
http://www.alterinfo.net/LA-DERNIERE-TRAHISON-DE-LA-CAUSE-PALESTINIENNE_a70201.html
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