Conflits et guerres actuelles
Les facteurs géopolitiques de la guerre impérialiste contre la Syrie
Première partie : La défaite d’Israël à la deuxième Guerre du Liban (2006)
Généralités
La plus évidente des vérités ? Un mensonge qui nous plaît [1].
Contrairement à ce que les médias impérialistes ambitionnent, l’image
mensongère des événements en Syrie, qu’on fabrique inlassablement, se
décompose rapidement et constitue de nouvelles substances, une fois
qu’une lecture critique de l’épisode syrienne du prétendu « Printemps
arabe » soit impliquée. En effet, une telle lecture doit prendre comme
objet d’analyse les intérêts stratégiques des puissances impérialistes
au Moyen-Orient, depuis la floraison des violettes odorantes du «
Printemps arabe », arrosées soigneusement par la Sainte-Alliance
arabo-atlantique, jusqu’au lendemain du retrait des troupes
étatsuniennes de l’Irak, en décembre 2011.
1. Les deux approches sur la guerre contre la Syrie
Dans l’arène médiatique, deux discours contradictoires s’opposent sur
la lecture des événements en Syrie : d’un côté, les médias
arabo-atlantiques – liés naturellement aux centres de force
impérialistes – de l’autre côté les médias alternatifs et résistants.
En ce qui concerne les ambitions des médias arabo-atlantique, il est tout naturel.
D’abord, on commence par falsifier les données du terrain, pour que
les choses se montrent sur la scène comme « épisodes de l’épopée
humaine, âpre, immense, — écroulée » [2] ; une sorte de bataille épique
entre les forces du bien et celles du mal ; ensuite, on diabolise le
personnage de l’Autre – ici le gouvernement syrien – jusqu’au point où
l’on voit en lui un Hashmodai [3] , un Astaroth [4] ; enfin, on glorifie
les groupes islamistes armés ; on les angélise jusqu’au point où on les
présente comme moines méditateurs, portant l’étincelle de « Liberté,
Justice, Démocratie ».
Ceci implique, évidemment, le recours à toutes sortes d’opérations
cosmétiques pour manipuler les émotions d’une grande partie de
spectateurs, « cadenassés » devant des grands écrans, diffusant des
spectacles majestueux, chef-d’œuvre de la propagande arabo-atlantique.
En ce sens, toute lecture se référant seulement à la propagande
arabo-atlantique et au discours misérable du Conseil national syrien
acquiert, selon nous, une valeur de charlatanerie politique, qui ne sert
qu’à éveiller, même dans le cœur de l’honnête sultan mamelouk, un
agréable sentiment de solidarité avec la prétendue « révolution »
syrienne.
Quant à notre approche, qui fait partie de l’ensemble du discours
alternatif sur la guerre impérialiste contre la Syrie, voici ce qu’elle
en est.
Premièrement, la guerre impérialiste contre la Syrie, déguisée en
costume de révolutions parfumées, vise 1) à fragmenter ce qui fut déjà
fragmenté par une série d’accords et de traités entre puissances
coloniales au lendemain du démembrement de l’Empire ottoman en 1918 [5] ;
2) et cela en poussant chaque groupe religieux, chaque ethnie, chaque
ruelle ou venelle, composants de l’hétérogénéité syrienne [6] , à se
déclarer État indépendant. Le premier point constitue un point de
départ, ou le réel objectif de la soi-disant « révolution » syrienne ;
le deuxième constitue un point d’arrivée ou l’objectif réel d’une telle «
révolution ».
Par contre, ce qu’il ne faut pas oublier – malgré le brouhaha des
hâbleurs de la propagande impérialiste – c’est que les puissances
coloniales n’ont jamais cessé de s’intervenir dans les affaires des
États du Levant, depuis la naissance de ces derniers au cours du XXe
siècle.
Deuxièmement, en ce qui concerne la rapidité des événements qui ont
poussé vers une croissance de menaces et d’agressions contre la Syrie,
nous les considérons comme résultat d’un bouleversement tsunami qui eut
frappé le rapport de force établi au Proche-Orient entre deux camps
belligérants pendant la deuxième Guerre du Liban (2006), l’État hébreu
et le Hezbollah, et les circonstances négatives de la défaite
israélienne à cette guerre sur les intérêts et les plans expansionnistes
de l’Empire étatsunien dans la région. En effet, la défaite d’Israël à
la guerre de 2006 a mis l’État hébreu – allié stratégique de l’Empire
étatsunien –, et les émirats et sultanats arabes – dociles et
subordonnés à l’Empire, naturellement – dans une situation critique face
à la montée de la nouvelle super puissance iranienne, dont les alliés
régionaux sont l’Irak, la Syrie, le Liban et la bande de Gaza.
2. Première défaite : Le retrait de mai 2000
Tout débuta quelques mois après le commencement du troisième
millénaire, la nuit du vingt-troisième jour du mois de mai de l’an 2000.
Dans l’obscurité de cette nuit noire, l’armée israélienne, Tsahal, se
retira précipitamment du Sud-Liban, après vingt-deux ans d’occupation.
Ce retrait fut baptisé « opération long souffle ». Fer de lance de la
résistance libanaise, le Hezbollah, mouvement intégriste chiite, imposa
son emprise sur la défunte « zone de sécurité », créée par les forces
d’occupation israéliennes. Cela entraina un séisme au niveau du rapport
de force dans la région.
Vu du Liban, ce retrait fut interprété comme éclatante victoire de la
« résistance », incarnée par le Hezbollah, qui mène, depuis 1982, une
lutte féroce contre l’État hébreu. En plus, Tsahal, qui était considérée
comme « la meilleure armée du monde », fut humiliée et obligée de
quitter inconditionnellement le Sud-Liban pour limiter ses pertes
humaines. C’était la première fois que l’armée israélienne se retira
d’un territoire arabe sous pression militaire.
3. 1. Deuxième défaite : La deuxième Guerre du Liban (2006)
Six ans après cette défaite militaire et morale, le 12 juillet 2006,
environ neuf heures du matin, les combattants du Hezbollah libanais
attaquèrent un blindé israélien sur le territoire de l’État hébreu,
capturèrent deux soldats et se disparurent dans le brouhaha matinal des
villages libanais. Une heure plus tard, un autre blindé israélien, qui
eut franchit la frontière pour récupérer les deux captifs, fut détruit à
son tour. Le bilan était huit morts et deux captifs parmi les soldats
israéliens, et deux morts dans le camp du Hezbollah. L’État hébreu
n’attendait que ça. Avec une rapidité de réaction étonnante pour un pays
pris par surprise, il massa une division de réservistes à sa frontière
avec le Liban.
3. 1. 1. Les objectifs de Tsahal
En ce qui concerne les objectifs des opérations militaires, Israël en
précisa trois : 1) récupérer les soldats enlevés par le Hezbollah ; 2)
stopper le tir de roquettes sur les villes israéliennes ; 3) contraindre
le gouvernement libanais à appliquer la résolution de l’ONU, à savoir
désarmer le Hezbollah et se déployer le long de sa frontière nord.
Au nom d’un principe « d’isolement du théâtre des opérations », un
blocus des ports et aéroports, la déconnexion de la route de
Damas-Beyrouth, le bombardement des ponts et l’attaque des réservoirs
d’essence sont décidés par l’État-major de Tsahal. Ce dernier visait à
empêcher le passage des soldats capturés vers le Nord du Liban ou
l’Iran, la fuite des combattants du Hezbollah vers le Nord, l’envoie de
réservistes et de renforts vers le Sud et l’approvisionnement de la
logistique du Hezbollah.
Quelques heures plus tard, Tsahal attaqua de nombreuses cibles tout
au long du Liban. L’aviation israélienne bombarda routes, ponts,
centrales électriques, centrales téléphoniques et l’aéroport de
Beyrouth, provoquant la « plus grande catastrophe écologique en
Méditerranée ». La réponse de l’État hébreu fut jugée « disproportionnée
» par l’ONU, mais soutenue par l’Empire étatsunien, qui estimait, comme
la Grande-Bretagne, que l’État hébreu avait le « droit à l’autodéfense
».
En ce qui concerne le déploiement des troupes, la composante d’active
de l’armée israélienne engagée au Liban comprenait les brigades
suivantes : la 7e Brigade blindée sous la commande du colonel Eshel
Assulin ; la 188e Brigade blindée ; la 401e Brigade blindée, sous la
commande du colonel Moti Kidor, et les 434e et 847e Brigades blindées,
avec un total de 400 chars de combats. Elle comprenait aussi la 2e
Brigade Carmeli ; la Brigade d’infanterie Golani, sous la commande du
colonel Tamir Yada ; la 300e Brigade commandée par le colonel Chen Livni
; la 609e Brigade Alexandroni, sous la commande du colonel Shlomi Cohen
et la 933e Brigade Nahal, sous la commande du colonel Micky Edelstein.
Enfin, elle comprenait aussi trois brigades parachutistes : la 35e
Brigade parachutiste, commandée par le colonel Hagaï Mordecahaï ; la
226e et la 551e de réserve [7] .
3. 1. 2. Les objectifs du Hezbollah
Les objectifs militaires du Hezbollah furent déterminés dès le
premier jour de la guerre : 1) garder en main les soldats captifs ; 2)
continuer le tir des rafales de Katioucha sur les villes et communes
israéliennes ; 3) stopper l’avancement de l’infanterie et des brigades
blindées israéliennes au moment de leur pénétration en territoire
libanais, et les détruire dans les vallées et les sentiers des villages
frontaliers.
Et la bataille commença !
D’abord, l’armée aérienne israélienne [8] bombarda des ponts, des
axes routiers et des installations permettant au Quartier-général du
Hezbollah de communiquer avec ses combattants. Ensuite, Tsahal tira 19
400 bombes, 2 200 missiles et 123 000 obus d’artillerie [9]. Enfin les
troupes se précipitèrent vers l’autre côté de la frontière.
De l’autre côté de la frontière, au village de Maroun al-Ras,
quarante-cinq hommes du Hezbollah se tenaient prêt dans leurs positions.
Après onze jours de combats féroces et de bombardements aériens
intensifs, les soldats israéliens réussirent finalement, « par pitié du
Très-Haut », à pénétrer les lignes défensives du Hezbollah, suivis de
gloussement de poules et de beuglement de moutons dispersés sur les
collines des villages voisins, pour chasser les quarante-cinq hommes du
Hezbollah, se trouvant sur les lieux. L’armée israélienne sécurisa une
petite zone de un kilomètre de profondeur en territoire libanais, après
une longue bataille, qui fit éveiller en nous les carnages
spectaculaires de la série « Astérix et Obélix », où des milliers de
légionnaires romains se trouvent massacrés par deux villageois gaulois
et quelques.
Ainsi tomba le village de Maroun al-Ras aux mains de l’armée
israélienne, le vingt-troisième jour du mois de juillet, et l’avancement
des brigades blindées de Tsahal, qui n’osaient plus s’aventurer au-delà
de ce point, fut stoppé définitivement par les combattants du
Hezbollah.
3. 2. La contre-offensive du Hezbollah : La Guerre des Surprises
La réponse du Hezbollah fut aussi coriace que celle de Tsahal.
Cependant, la structure guérilla de ce groupe libanais exigea une
tactique différente, celle de la « Guerre des Surprises », promise par
le secrétaire général de l’organisation libanaise, Hassan Nasrallah ou
al-Sayyed (le Seigneur) – dû à sa descendance de la famille du
Prophète.
3. 2. 1. Première surprise : la frappe de Saar V
Le soir du quatorzième jour du mois de juillet, la première grande
riposte du Hezbollah intervient. Un missile antinavire frappa une
corvette de la classe Saar V de la marine israélienne, en opération au
large des côtes libanaises. Quatre marins israéliens furent tués. La
destruction de la corvette fut la première « surprise » du Hezbollah.
Hassan Nassrallah eut annoncé lui-même à la télévision et en directe,
quelques secondes auparavant de la frappe, la destruction de la corvette
israélienne : « Les surprises que je vous avais promises vont commencer
dès maintenant. En ce moment, en mer, au large de Beyrouth, le navire
de guerre israélien qui a attaqué nos infrastructures, frappé les
maisons de notre peuple, nos civils, voyez-le brûler. Il coulera, et
avec lui des dizaines de soldats sionistes israéliens ». Plus tard, un
navire de radars et d’espionnage, déguisé en cargo avec équipage
égyptien, fut coulé en même temps par un deuxième missile tiré
différemment, faisant douze morts. Suite à ces frappes spectaculaires,
des feux d’artifices s’élevèrent dans le ciel noir, très noir, de
Beyrouth, dépourvue complètement d’électricité. Plus tard, le 31
juillet, un patrouilleur israélien Saar IV aurait été attient au large
de Tyr par un missile inconnu du Hezbollah, bien que l’armée israélienne
démentit l’information.
L’importance de cette attaque se trouve dans le fait que pour la
première fois, le Liban réussit à frapper une corvette israélienne et la
mettre en déroute. En ce qui concerne les engins utilisés, on parlait
d’un missile de type C802, fabriqué en Chine. Cette frappe entraina un
tremblement au niveau du rapport de force établi, depuis longtemps,
entre le Liban et l’État hébreu. Par conséquent, Tsahal décida de
retirer les frégates et corvettes israéliennes des eaux libanaises, et
la force navale israélienne fut mise en déroute.
3. 2. 2. Deuxième surprise : la frappe des Apaches
Quelques jours plus tard, le vingt-quatrième jour du mois de juillet,
le Hezbollah essaya d’abattre des avions israéliens avec des missiles
anti-avions. Un hélicoptère AH-64 Apache s’écrasa au nord de l’État
hébreu faisant deux morts. La Radio Israël, Kol Israel, rapporta d’abord
que l’appareil eut percuté un câble électrique alors qu’il se dirigeait
vers le Liban. Ironiquement, quelques jours auparavant, deux autres
hélicoptères, auxquels il faut rajouter un chasseur F-16, eurent été
abattus par le même câble électrique. Plus tard, un porte parole
militaire israélien n’exclut pas que l’appareil eût été abattu par les
combattants du Hezbollah.
Par cette frappe, Tsahal reçut la deuxième surprise de la « Guerre des Surprises », promise par Hassan Nasrallah.
Menacés par les missiles du Hezbollah, les chasseurs israéliens
montaient l’Échelle de Jacob [10] vers des altitudes élevées. Par
conséquent, l’État-major israélien décida le 29 juillet d’arrêter
l’assaut sur la ville frontalière de Bint-Jbeil [11] , et d’y retirer
les troupes sans avoir pris la ville. Ce retrait fut présenté par le
Hezbollah comme une lourde défaite de Tsahal.
De nouveau, Tsahal échoua à accomplir le troisième objectif de
l’opération militaire, celui de « nettoyer » le Sud-Liban des
combattants du Hezbollah et de détruire son infrastructure militaire. À
plus forte raison, pour la première fois depuis 1948, l’armée
israélienne se trouvait dans une situation où l’avancement de ses
troupes aurait conduit à une destruction inévitable. Pourtant, les
bombardements israéliens se poursuivaient, provoquant une marée noire
sur les côtes libanaises.
3. 2. 3. Troisième surprise : les rafales Katioucha
Malgré la supériorité incontestable et les frappes les plus
drastiques de l’armée aérienne israélienne, les rafales de roquettes
Katioucha continuaient à tomber, à un rythme incessant, sur les villes
et communes israéliennes, durant les trente-trois jours de la guerre,
frappant au cœur de l’État hébreu.
Au total, le Hezbollah tira plus de 6000 missiles et roquettes sur
les villes et communes du Nord. Les tirs se concentraient à Haïfa [12],
notamment, les raffineries pétrolières et l’industrie chimique du pays.
Toutes les communes le long de la frontière ont été visées et des
roquettes sont tombées sur plusieurs grandes villes à l’intérieur du
pays. À noter que malgré les menaces, Tel-Aviv fut écarté des
bombardements. En plus des Katioucha habituellement utilisés, le
Hezbollah employa des missiles Fajr-3 (Aube) d’une portée de 45 km, et
serait en possession de Fajr-5 (75 km) et Zelzal (Séisme, 150 – 200 km)
fabriqués en Iran.
Le premier août, Tsahal constata qu’après avoir été visé par cent
tirs par jour en moyenne, le territoire israélien recevait moins de
tirs, et l’intensité des attaques du Hezbollah s’affaiblissait depuis
quelques jours. Malheureusement, cette fausse constatation mena le
premier ministre israélien, Ehud Olmert, à déclarer, le 2 août, que
toute l’infrastructure du Hezbollah fut entièrement détruite. Il se dit
convaincu qu’Israël a « dès à présent changé la face du Moyen-Orient »
[13].
En plus, Olmert se félicita sur les grands écrans des chaînes
télévisées en déclarant qu’Israël était sur le point d’avoir atteint son
objectif au Liban et « le Hezbollah devra réfléchir à deux fois, trois
fois, ou même davantage avant de nous attaquer, et je pense que nous
sommes très proches de cet objectif » [14] , s’enorgueillît-il,
malheureusement, en vain ; car quelques heures plus tard, une « pluie de
roquettes » fut tombée sur les villes de Tibériade et Haïfa, ainsi que
le doigt de Galilée, Beit Shéan et le nord de la Cisjordanie [15].
D’ailleurs, au lendemain, les tirs des roquettes du Hezbollah
recommencèrent ; et plus de deux cents Katioucha tombèrent sur Haïfa et
tout le Nord d’Israël, jusqu’en bordure de la Cisjordanie à 70 km de la
frontière libanaise. Ce fut la journée la plus meurtrière pour l’État
hébreu.
Le soir même, Hassan Nasrallah menaça de frapper Tel-Aviv [16] : « Si
vous bombardez notre capitale, nous bombarderons la capitale de votre
entité agressive » , déclara-t-il [17]. Il accusa aussi le chef du
gouvernement israélien, Ehud Olmert, et son armée d’être les instruments
du président américain George W. Bush, véritable responsable de
l’offensive israélienne au Liban : « Je vous garantis que, quelle que
soit l’issue de la guerre, le Liban ne sera ni Américain, ni Israélien,
et que le Liban ne servira pas non plus d’une de ces bases au Nouveau
Moyen-Orient cher à George W. Bush et à Condoleezza Rice », lança-t-il
[18].
Suite à cette menace, le 4 août, des roquettes du type Khaibar-1,
tirées par le Hezbollah, atteignirent, pour la première fois, la ville
de Hadera, située à 75 km de la frontière libano-israélienne et à
environ 40 km de Tel-Aviv.
Encore une fois, Tsahal échoua à stopper les rafales de Katiousha,
voire à réaliser le deuxième objectif de son opération militaire au
Liban.
3. 2. 4. Quatrième surprise : le massacre des Mirkava
C’était bien le trente-et-unième jour de la guerre de juillet 2006
qui détermina le sort de la guerre contre le Liban. Ce jour là, un
nouvel échec, des plus dramatiques certes, s’ajouta au « relevé d’échecs
» de Tsahal.
Après l’amortissement de la force aérienne et la mise en déroute de
la force navale, c’était au tour des forces terrestres israéliennes
d’être mises hors de nuisance, par le Hezbollah.
Comme les rafales de Katioucha et la « pluie de roquettes »
continuaient à tomber sur les villes et communes israéliennes, le
Quartier-général de Tsahal décida d’investir dans la bataille ses fameux
chars Mirkava, marque de fierté de l’industrie militaire israélienne,
suivis par derrière de 130 000 soldats stationnés aux confins de la
frontière.
Pour en faire, des dizaines de Mirkava de la quatrième génération
[19] pénétrèrent en territoire libanais. Au bout de moins d’un
kilomètre, l’enfer était à leur rencontre ; quinze chars se
transformèrent en boules de feu. Le bilan était 18 officiers et soldats
tués.
Quelques heures plus tard, l’armée israélienne tenta une autre
incursion, et quatre chars furent directement pris sous les feux.
C’était la bataille la plus dure pour Tsahal, qui entama, le lendemain
une troisième tentative, mais les chars se tombèrent de nouveau dans le
piège des combattants du Hezbollah, à trois kilomètres de la frontière.
Le bilan de ce jour seulement était trente-neuf chars et bulldozers
détruits ou endommagés, vingt officiers et soldats abattus et environ
cent dix blessés.
4. 1. Le début d’un cauchemar
Dès lors, l’armée israélienne dut se rendre à l’évidence ; au
trente-troisième jour de la guerre, tous les brigades israéliennes
durent rebrousser chemin, sans avoir pu réaliser aucun des trois
objectifs déclarés au premier jour de la guerre, qui sont : 1) récupérer
les soldats enlevés par le Hezbollah ; 2) stopper les tirs de roquettes
sur les villes israéliennes ; 3) contraindre le gouvernement libanais à
appliquer la résolution de l’ONU, à savoir désarmer le Hezbollah et se
déployer le long de sa frontière nord.
Par contre, le Hezbollah réussit à accomplir les trois objectifs qu’il eut précisés au début de la guerre, qui
sont : 1) garder en main les soldats captifs ; 2) continuer le
lancement des rafales de Katioucha sur les villes et communes
israéliennes ; 3) stopper l’avancement de l’infanterie et des brigades
blindées au moment de leur pénétration en territoire libanais, et les
détruire dans les vallées et les sentiers des villages frontaliers.
Les réactions psychologiques du Quartier-général de Tsahal à l’égard
de cette défaite criante se manifestèrent au dernier jour de la guerre,
le 14 août, par une série d’actions militaires de genre « vengeance à
l’aveuglette ». Ce même jour, l’aviation israélienne esquissa une
dernière tentative et bombarda le quartier résidentiel du secrétaire
général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, ensevelissant huit immeubles et
tuant plus de soixante civiles, mais secrétaire général, visé par
l’attaque, ne figurait pas parmi les victimes.
Dans le sud, Tsahal largua un million et demi de bombes à
fragmentation. Question peut-être de venger l’honneur perdu de son armée
en déroute. A fortiori, pour la première fois depuis 1948 [20], Tsahal
échoua à envahir un territoire arabe.
4. 2. Les Iraniens sont à nos portes !
Au Quartier-général de Tsahal, le message fut reçu tel quel : le
Hezbollah a accès à des armes ultramodernes. Pourtant, dans les
coulisses des puissances arabo-atlantique, le message fut reçu
différemment : Annibal ad portas ! [21] « Les Iraniens sont à nos portes
! ». Ainsi, s’épanouirent les
premières fleurs d’Acacia et de Gardénia du « Printemps arabe » très
parfumées, et arrosées par la Sainte-Alliance arabo-atlantique, face à
la montée d’une nouvelle super puissance au Moyen-Orient, opposante à
l’Empire étatsunien et ses alliés, c'est-à-dire l’Iran et son Arche
chiite.
Fida Dakroub, Ph.D
Notes
[1] Citation d’Alphonse Karr.
[2] Victor Hugo, La Légende des siècles.
[3] Chashmodai ou Asmodée est un démon de la Bible possédant de
nombreux autres noms : Asmoth, Aschmédaï, Asmoday, Asmodeus, Aesma,
Asmadai, Asmodius, Asmodaios, Hasmoday, Chashmodai, Azmonden, ou encore
Sidonay, et Asmobée. Il est présent dans les croyances de la goétie,
science occulte de l’invocation d’entités démoniaques.
[4] Astaroth est un démon, Grand-duc très puissant et trésorier des Enfers.
[8] La Force aérienne et spatiale israélienne est la composante
aérienne de Tsahal. Elle aligne environ 710 avions et 181 hélicoptères
ainsi que des drones, des satellites et des missiles balistiques.
[10] L’Échelle de Jacob se réfère au rêve du patriarche Jacob fuyant
son frère Ésaü, représentant une échelle montant vers le ciel. Cet
épisode est décrit dans le Livre de la Genèse (28:11-19).
[11] On estime la population de Bint-Jbeil à 30 000 habitants. La
ville a été occupée par Israel de 1982 jusqu’en 2000, date du retrait
des troupes israéliennes. Elle est considérée par Israël comme la «
Capitale du Hezbollah ». Elle devint célèbre à la suite d’une attaque de
Tsahal. Pendant la guerre de juillet 2006, de grosses batailles eurent
lieu dans la ville et aux alentours ; par conséquent, le 51ième
Bataillon de la Brigade d’élite Golani de l’armée israélienne dut se
retirer face à une résistance inattendue.
[12] Haïfa est une ville côtière d’Israël située sur les bords de la
mer Méditerranée. Elle est considérée comme la capitale du nord
d’Israël. Haïfa et son agglomération ont une population totale de
l’ordre d’un million d’habitants fin 2008. Elle est connue pour son
important port en eau profonde ainsi que son importante industrie
chimique.
[19] Le Merkava Mk IV entra en service le 24 juin 2004.
[20] Date de la déclaration d’indépendance de l’État hébreu, le 14 mai 1948.
[21] Hannibal est à nos portes, cri des Romains après la bataille de
Cannes. Formule employée par Tite-Live, Florus, Juvénal, Valère-Maxime
dans les moments de grand péril.
Docteur en Études françaises (UWO, 2010), Fida Dakroub
est écrivaine et chercheure, membre du « Groupe de recherche et
d'études sur les littératures et cultures de l'espace francophone »
(GRELCEF) à l’Université Western Ontario. Elle est l’auteur de «
L’Orient d’Amin Maalouf, Écriture et construction identitaire dans les
romans historiques d’Amin Maalouf » (2011).
Mondialisation.ca
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