J’ai voulu poster ce message ce matin, mais mon ordinateur a bogué. Du coup, j’ai été devancé sur cette info par le blog Big Browser.
Mais je vous propose néanmoins cette traduction intégrale d’un article de Wired sur le sujet.
En
janvier 2011, j’avais publié un article sur le journaliste américain
Seymour Hersh et sa vision apocalyptique selon laquelle l’armée des
Etats Unis était travaillée par une tendance chrétienne désireuse d’en
découdre avec l’Islam et, pourquoi pas, de christianiser ou
rechristianiser les terres d’Islam.
Le livre où Hersh doit revenir en détail sur cette thèse n’est pas encore paru.
En
attendant, Noah Shachtman et Spencer Ackerman ont levé un lièvre qui va
parfaitement dans le sens du propos de Hersh : un groupe d’officiers,
dont certains ont eu la charge de la formation de la fine fleur de
l’armée des Etats Unis, énoncent en détail et ouvertement les principes
d’une guerre « civilisations » qui s’inspirerait des modèles de Dresde ou d’Hiroshima.
Comment peut-on appeler une civilisation qui érigerait en modèle les horreurs qu’ont subies ces deux villes ?
par Noah Shachtman et Spencer Ackerman, Wired (USA) 10 mai 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri
La
présentation par le lieutenant colonel Matthew A. Dooley au Joint Staff
Forces College [école supérieure interarmes] d’un « modèle de concept
opérationnel de contre djihad » [PDF] prône des mesures violentes dans
une guerre contre l’Islam.
L’armée
des Etats Unis a enseigné à ses futures chefs qu’une “guerre totale”
contre les 1,4 milliard de Musulmans serait nécessaire pour protéger
l’Amérique des terroristes islamiques, selon des documents obtenus par
Danger Room. Une des options envisagées pour ce conflit consiste à tirer
les leçons de «Hiroshima» pour raser des cités entières en une seule
fois, en visant «la population civile chaque fois que c’est nécessaire.»
Le
cours, signalé pour la première fois par Danger Room le mois dernier et
propose au Joint Forces Staff College a depuis été supprimé par les
hiérarques du Pentagone. C’est seulement maintenant cependant, que le
contenu détaillé de ce cours a été révélé. Danger Room a reçu des
centaines de pages de contenus d’enseignement et de documents de
référence transmis par une source familière avec les enseignements
prodigués.
Le
directeur du Joint Forces Staff College a récemment ordonné à
l’ensemble des forces armées de contrôler l’ensemble de ses contenus de
formation afin de s’assurer qu’ils ne contiennent pas des matériaux
haineux de ce genre. Cette procédure n’est pas encore achevée. Mais
l’officier qui a fait les conférences, le Lt. Col. Matthew A. Dooley,
conserve son poste au Norfolk Virginia College, dans l’attente d’une
enquête. Les commandants, lieutenants colonels, capitaines et colonels
qui ont assisté aux cours de Dooley et ont écouté ses enseignements
incendiaires semaine après semaine, ont depuis été affectés à des
missions de plus haut niveau dans divers secteurs de l’armée des Etats
Unis.
Pendant
une bonne partie de ces dix dernières années, une petite clique
d’experts autoconsacrés du contre terrorisme s’est frayé un chemin à
l’intérieur de l’armée des Etats Unis, des services de renseignements et
des forces de l’ordre, essayant de convaincre autant de monde que
possible que le véritable ennemi terroriste de l’Amérique n’était pas al
Qaïda – mais la religion musulmane elle-même. Dans son enseignement,
Dooley faisait intervenir ces démagogues islamophobes en tant que
conférenciers invités. Et il adoptait leurs arguments pour son affreuse
conclusion finale.
“Nous
en sommes maintenant venus à comprendre que ce qu’on appelle “Islam
modéré” n’existe pas,” observait Dooley dans un exposé en juillet 2011 [PDF
] qu’il avait conclu avec une proposition de manifeste à l’intention
des ennemis de l’Amérique. « Il est donc temps pour les Etats Unis de
clarifier nos véritables intentions. Cette idéologie barbare ne sera pas
plus longtemps tolérée. L’Islam doit changer sinon nous aiderons à son
autodestruction.»
Nous
n’avons pas pu joindre Dooley à ce sujet. Le porte parole du Joint
Forces Staff College, Stuart Williams, a refusé de discuter de la teneur
des conférences de Dooley ou de son statut dans l’école. Mais à la
question de savoir si Dooley était responsable du contenu
d’enseignement, il a répondu, « Je ne sais pas si je le [Dooley]
classerais parmi les responsables. Le responsable serait plutôt le
commandant de l’école, le Maj. Gen. Joseph Ward.
Ce
qui rend le général deux étoiles coupable d’un enseignement assez
choquant. Dans le même exposé, Dooley définit un plan possible en quatre
phases pour réaliser une transformation par la force de la religion
musulmane. La phase trois comprend des objectifs éventuels comme l’islam
réduit au statut de culte » et « l’Arabie Saoudite menacée de famine. »
(une suggestion particulièrement ironique avec les informations de ce
jour selon lesquelles les services secrets ont fait échouer le tout
dernier projet d’attentat d’al Qaïda).
Les
lois internationales qui protègent les civils en temps de guerre
« n’ont plus de pertinence, » poursuit Dooley. Ce qui ouvre la
possibilité d’appliquer « les précédents historiques de Dresde, Tokyo,
Hiroshima et Nagasaki » aux villes les plus sacrées de l’Islam, et
d’aller vers « la destruction de La Mecque et Médine.»
Les
alliés idéologiques de Dooley ont à maintes reprises expliqué que les
Musulmans “ordinaires” sont dangereux parce qu’ils sont “violents par
nature.” Ce ne sont pourtant que quelques uns parmi les membres les plus
fanatisés d’al Qaïda qui ont pu être pris à songer anéantir des villes
entières.
“Certaines
de ces actions soumises ici à l’examen ne seront jamais vues comme
‘politiquement correctes’ aux yeux de beaucoup,” ajoute Dooley. En
définitive, nous en Occident avons peu de marge pour trancher cette
affaire, sauf à faire une guerre totale.»
Dooley,
qui exerce au Joint Forces Staff College depuis août 2010, commençait
sa session de huit semaines de séminaire par une histoire sommaire de
l’Islam en deux parties. Ces deux parties étaient assurées par David
Falua, un ancien professeur d’histoire à West Point. « Malheureusement,
si nous en restions là, vous n’auriez pas un bon équilibre des points de
vue, pas plus que vous n’auriez un aperçu précis de la manière dont
l’Islam se définit lui-même, » disait Dooley à ses étudiants. Au cours
des quelques semaines qui suivaient, il invitait un trio de
conférenciers bien connus pour leur vision incendiaire de l’Islam.
Shireen
Burki avait déclaré pendant la champagne électorale d e2008 que “Obama
est le candidat rêvé de ben Laden. » Dans sa conférence au Joint Forces
Staff College, elle disait aux étudiants que « l’islam est une religion
conquérante/impérialiste. » [PDF ]
Stephen
Coughlin soutenait dans sa thèse de master de 2007 que la déclaration
du président d’alors, George W. Bush, faisant proclamation d’amitié avec
la grande majorité des Musulmans dans le monde avait eu « un effet
paralysant sur ceux qui étaient chargés de définir la doctrine de
l’ennemi. » [PDF
]. Coughlin avait en conséquence été relevé de ses fonctions de
consultant à l’état-major interarmes, mais avait continué à donner des
conférences au naval War College et au Field Office du FBI à Washington.
Dans son propos au séminaire de Dooley [PDF
], Coughlin suggérait que al Qaïda avait joué un rôle dans le
mouvement qui a renversé l’homme fort Egyptien, Hosni Moubarak et le
dictateur Libyen Mouammar Kadhafi. Ces événements s’inséraient dans un
plan des islamistes pour conquérir le monde, ajoutait-il. Et Coughlin se
gaussait de ceux qui ne voyaient pas ce complot aussi clairement que
lui, en les accusant de « complexification. »
Coughlin intitulait sa conférence “Imposer la loi islamique – ou – Ce ne sont pas les Droïdes que vous cherchez ! »
Un
ancien employé du FBI, John Guandolo, a déclaré l’an dernier au site
web conspirationniste World Net Daily, qu’Obama était seulement le
dernier président à tomber sous l’influence des extrémistes islamiques.
« Le niveau de pénétration dans les trois dernières administrations est
très profond, » soutenait Guandolo. Dans son matériel de référence pour
le cours au Joint Forces Staff College, Guandolo ne parlait pas
seulement des Musulmans contemporains comme d’ennemis. Il justifiait
même les Croisades, écrivant qu’elles « avaient été lancées après des
siècles d’incursions musulmanes dans les territoires de l’Occident.»
Un
article de Guandolo intitulé “Réponses habituelles de l’ennemi quand
il est confronté à la vérité”
[[PDF]]url:http://www.wired.com/images_blogs/dangerroom/2012/05/guandolo_usual_responses_from_the_enemy.pdf
faisait partie des centaines de présentations, de documents, de vidéos
et de liens internet distribués électroniquement aux élèves du Joint
Forces Staff College. Dans ce trésor documentaire, un article qui
soutient que « il existe une injonction permanente aux Musulmans pour
haïr et mépriser Juifs et Chrétiens » [PDF
]. Comme par exemple une vidéo de Serge Trifkovic, un ancien
professeur qui a comparu comme témoin de la défense dans plusieurs
procès de dirigeants Serbes de Bosnie condamnés pour crimes de guerre,
dont le génocide de Musulmans. Ul lien internet intitulé «A regarder
avant qu’elle soit retirée» est supposé montrer le président Obama –
qui est le commandant en chef des officiers supérieurs qui suivent le
cours – en train de reconnaître qu’il est Musulman.
Dooley
ajoutait un avertissement selon lequel ses opinions ne sont “pas la
ligne officielle du gouvernement des Etats Unis” et ont pour but de
“générer une discussion et une réflexion dynamiques.” Mais il expliquait
à ses collègues officiers de l’armée que la présumée reconnaissance par
Obama pouvait bien faire du commandant en chef une sorte de traître.
« Selon des estimations prudentes, » 10 % des Musulmans dans le monde,
« un chiffre stupéfiant de 140 millions de personnes… détestent tout ce
en quoi vous croyez et ne coexisteront jamais avec vous sauf si vous
vous soumettez » à l’Islam. Il ajoutait, « Votre serment en tant que
soldat professionnel vous force à choisir votre camp ici. » On ne sait
pas trop si la « guerre totale » de Dooley contre les Musulmans concerne
aussi son commandant en chef « Musulman. »
Quand
le haut commandement du Pentagone a eu connaissance de la présentation
de Dooley, l’officier de rang le plus élevé dans le pays, le chef d’état
major interarmes, le général Martin Dempsey, a donné l’ordre à chaque
responsable militaire et officier supérieur de se débarrasser de tout le
matériel d’instruction du même genre islamophobe. Dempsey a donné cet
ordre parce que la Maison Blanche avait déjà donné instruction à
l’ensemble de l’appareil sécuritaire fédéral – militaire et civil – de
réorganiser sa formation antiterroriste après avoir eu connaissance des
formations du FBI qui diabolisaient l’Islam.
A
ce moment, Dooley avait déjà présenté sa vision apocalyptique d’une
guerre religieuse mondiale. Flynn a ordonné à un officier de haut rand,
le général major Frederick Rudesheim d’enquêter pour savoir avec
précision comment Dooley s’est débrouillé pour pouvoir proposer sa
longue présentation dans un cursus sanctionné officiellement par le
Département d’Etat. Les conclusions de cette enquête sont attendues pour
le 24 mai.
L’ironie
veut que Dooley et ses conférenciers invités dressent un tableau
inquiétant de l’islamisme extrémiste au moment même où ses adeptes les
plus notoires craignent son implosion. Des documents récemment
déclassifiés par le gouvernement des Etats Unis révèlent qu’Oussama ben
Laden s’interrogeait sur les méthodes brutales et a mauvaise image d’’al
Qaïda qui éloignent la grande majorité des Musulmans du choix de mener
une guerre sainte. Il avait peu de chances de savoir que des officiers
de l’armée des Etats Unis réfléchissaient aux moyens d’en déclencher
une. http://mounadil.wordpress.com/
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